Semaine 27

Editorial
Le 12 Tamouz: la liberté à notre porte

“Le corps suit la tête”, énonce le Talmud. Cette phrase va plus loin que le truisme qu’elle paraît incarner. En. son sens plus profond, elle indique comme les événements liés à un Sage et, a fortiori, à celui qui, dans sa génération, a guidé le peuple juif, concernent chacun. La Tradition n’enseigne-t-elle pas que les lettres qui, en hébreu, forment le terme “Rabbi” sont les initiales des mots constituant la phrase “Roch Bneï Israël”, “tête, ou chef, du peuple juif”?
Ainsi, lorsque revient la date du 12 Tamouz, nous nous souvenons : ce jour-là, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneeersohn, fut libéré par le pouvoir stalinien qui l’avait sévèrement condamné pour son action incessante pour la vie du judaïsme. Ce n’est pas seulement une victoire historique sur une forme d’oppression que l’histoire a fini par reléguer au rayon “cauchemars en tous genres”, que nous célébrons ici. Ce n’est même pas uniquement le salut miraculeux et personnel du précédent Rabbi que nous fêtons. Certes tout cela est présent dans nos mémoires et mérite solennité. Cependant, l’événement en question va encore plus loin que de telles catégories.
De même que, de la fenêtre du train qui, suite à sa condamnation, allait l’emmener en exil dans une région reculée de l’URSS d’alors, le Rabbi précédent rappelait que “seul notre corps se trouve en exil”, que “notre âme est toujours libre”, ainsi, après sa libération, il faisait savoir: “ce n’est pas seulement moi qui ai été libéré... mais tous ceux qui chérissent la Torah” jusqu’à “tous ceux pour qui le nom d’Israël n’est qu’un surnom”. C’est en effet-là la vraie grandeur et toute la portée du 12 Tamouz. En ce sens, cette libération est aussi la nôtre et nous confère la force de toutes les libertés.
Car, aujourd’hui, si l’oppression physique a généralement disparu, l’exil, lui, existe toujours. Spirituellement, nous en sentons toujours le poids écrasant et l’obscurité du monde paraît même parfois s’épaissir. En ce jour de libération, il appartient à chacun de trouver la voie de l’accomplissement ultime, de la liberté essentielle, celle que Machia’h nous apportera. Cela n’est pas que du domaine du rêve, de l’espoir ou du souhait convenu. C’est, très simplement, l’objet de notre attente, porteur d’une assurance d’éternité. La liberté est à notre porte; sachons la laisser entrer.
Etincelles de Machiah
Quelle Techouva pour quel Tsadik ?

Le Zohar (III, 153b) enseigne que «Machia’h viendra pour faire faire Techouva aux Tsadikim». Au-delà de l’explication qui veut que, la Techouva étant une forme à part entière du service divin, elle doit exister à tout instant et chez chacun, il en existe une autre plus profonde.

Au temps de Machia’h, une révélation divine infinie apparaîtra. Pour D.ieu, qui est désigné comme (Rachi sur Berechit 18:28) «le Tsadik du monde», cette révélation sera une forme de «Techouva» pour avoir retenu cette lumière pendant toute la durée de l’exil.
(d’après Or Hatorah, Vayikra, p. 235) H.N.
Vivre avec la Paracha
‘Houkat-Balak : Se rappeler ce qui doit être oublié


Un Sage et sa conduite
Le Talmud relate :
Quand Oula arriva [à Babylone, venant d’Erets Israël]… Rava lui demanda : «Où as-tu passé la nuit ?»
[Oula ] lui répondit : «A Kalnévo»
[Rava] rétorqua: «N’est-il pas écrit : ‘et tu ne mentionneras pas le nom d’autres divinités’ ?»
[Oula] répliqua : «Rabbi Yo’hanan enseigne ce qui suit : ‘[le nom de] toute fausse divinité rappelé dans la Torah peut être mentionné’»

Apparemment, une question se dégage : bien qu’il soit permis de mentionner le nom d’un faux dieu rappelé dans la Torah, il n’en reste pas moins que le faire n’est pas désirable. Bien plus, nos Sages mettent l’accent sur l’importance du raffinement dans le langage, notant comment, dans plusieurs exemples, la Torah ajoute des mots supplémentaires (bien qu’elle utilise le minimum de lettres nécessaires, cette caractéristique est occultée au profit d’un langage raffiné) plutôt que d’utiliser le terme taméh, «impur». Il est donc sûr qu’Oula aurait pu trouver un autre moyen pour répondre à la question de Rava, sans citer le nom de ce faux dieu.

La force de la Torah
La difficulté que l’on vient de soulever peut être résolue en considérant l’explication de l’enseignement de Rabbi Yo’hanan proposée par les Yeréim. «Puisque la Torah évoque [le nom d’une fausse divinité], de ce fait même, elle l’annihile. Pour la même raison que la Torah la mentionne, nous avons le droit de le faire».
La déclaration des Yeréim ne peut se comprendre au sens simple et littéral. Car il existe de faux dieux auxquels se réfère la Torah, par exemple Baal Péor, mentionné à la conclusion de la Paracha de cette semaine, dont le culte s’est perpétué longtemps après sa mention dans la Torah. Il faut donc comprendre que le fait que la Torah cite un faux dieu enlève l’importance de ce dieu aux yeux de la personne étudiant cette partie de la Torah. Les mots de la Torah vont l’imprégner de la futilité du service des idoles en démontrant que ces divinités ne sont d’aucun bénéfice pour ceux qui les révèrent et que lorsque les Juifs ont erré et les ont servies, ils en furent sévèrement punis.
Pour aller plus loin, chaque Juif désire observer la Torah et toutes ses Mitsvot, comme l’affirme le Rambam dans son Michné Torah. L’acte d’étudier la Torah réveille ce désir intérieur, inspirant le Juif à se dévouer à la Torah et à nier toutes autres formes de services.
Et «pour la même raison que la Torah mentionne [un faux dieu] nous avons le droit de le faire».
Quand un Juif étudie la Torah et s’y identifie, il exploite le potentiel divin qu’elle contient. Cela lui donne de la force et lui permet de mentionner un faux dieu pour annihiler son influence.

Une transition spirituel
Nous pouvons désormais comprendre l’attitude d’Oula. Nos Sages statuent : «Un Juif vivant en Diaspora sert des faux dieux dans la pureté». Car en Erets Israël, la Providence Divine est révélée de façon plus ouverte alors qu’en Diaspora, elle est cachée dans l’ordre naturel. Tout comme le service des idoles implique qu’il faille courber la tête devant elles, ainsi quand l’on vit en Diaspora, on est requis de soumettre nos processus intellectuels devant les forces qui contrôlent l’ordre de la nature.
Quittant Erets Israël et entrant à Babylone, Oula sentit la transition spirituelle et ressentit le besoin d’intensifier la négation des fausses divinités. Rassemblant la force de la Torah qu’il avait acquise grâce à son étude en Erets Israël, il mentionna le nom de cette idole avec l’intention d’annuler son influence.

Annuler et transformer
La discussion qui précède jette un éclairage sur une question soulevée par la lecture de la Paracha de cette semaine : Balak. Balak était un homme mauvais, un roi immoral. Pour en citer un exemple, il avait accepté la suggestion de Bilaam qui impliquait d’utiliser les jeunes filles de Moav pour séduire les hommes juifs et avait envoyé sa propre fille participer à cette action. Il haïssait le Peuple Juif et voulait le détruire. Pourquoi alors, dans ce cas, son nom a-t-il été immortalisé en devenant le nom d’une Paracha ? Nos Sages déclarent qu’une personne ne doit pas être nommée sur un homme vil. Il est donc sûr que cela s’applique également au nom de la Paracha !
La discussion que l’on a citée plus haut éclaircit cette intention. Appeler une Paracha «Balak» est un moyen d’annihiler les forces qui lui sont associées. Comme le relate la Sidra, le projet de Balak fut complètement déjoué. Le nom Parachat Balak est une éternelle source d’influence positive, éliminant toute force qui cherche à nuire au Peuple Juif.
Le récit de notre Paracha raconte non seulement que le plan de Balak échoua mais que Bilaam, engagé par Balak pour maudire le Peuple Juif, prononça de très puissantes bénédictions qui deviendront manifestes avec l’avènement de Machia’h. Aussi le nom de Balak ne se réfère-t-il pas seulement à la négation du mal mais à sa transformation en une influence positive.

Les fruits d’un engagement inconditionnel
Certaines années, comme celle que nous vivons, la Parachat Balak est lue avec la Parachat ‘Houkat. Car c’est l’engagement absolu impliqué dans le nom ‘ Houkat, (un ‘Hok étant un statut auquel nous obéissons inconditionnellement) qui rend possible la transformation du mal en bien. Quand un individu dévoile l’étincelle de divinité de son âme et l’exprime par une dévotion illimitée à la Torah, il influence son environnement, annihilant les influences indésirables et les transformant pour le bien.
Et comme ce modèle s’étend à travers le monde, nous nous approchons de l’accomplissement des prophéties mentionnées dans la lecture de la Torah de cette semaine : «Une étoile émergera de Yaakov et un bâton se lèvera en Israël, écrasant tous les princes de Moav et dominant tous les descendants de Chèt».
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le 17 Tamouz ?

Cette année, le jeûne du 17 Tamouz est le jeudi 9 juillet 2009.
On ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h 20, heure de Paris) jusqu’à la tombée de la nuit (22h 55 à Paris).
C’est ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières Tables de la Loi à la suite du péché du veau d’or. Bien plus tard, le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte. Enfin, Apostomos installa une idole dans le Temple et brûla un rouleau de la Torah, toujours un 17 Tamouz.
Durant les trois semaines suivantes, jusqu’au 9 Av (jeudi 30 juillet 2009), on augmente les dons à la Tsedaka. On évite d’acheter de nouveaux vêtements et on ne prononce pas la bénédiction «Chéhé’héyanou» (par exemple pour un fruit nouveau). On ne se coupe pas les cheveux et on ne célèbre pas de mariage. On évite de passer en jugement.
Suite à l’appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions l’étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d’Ezékiel, le traité Talmudique Midot et le Rambam – Maïmonide).
Durant les neuf jours qui précèdent le 9 Av (à partir du mardi soir 21 juillet 2009), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin. Par contre, on assistera à un Siyoum (ou on l’écoutera à la radio), ce qui est une joie permise durant cette période.

F. L.
De Recit de la Semaine
Le Chabbat sur le front qui m’a sauvé la vie

En mai 1967, les Egyptiens amassèrent leurs troupes dans le désert du Sinaï, près de la frontière israélienne. De plus, Nasser ordonna la fermeture du détroit de Tyran, provoquant ainsi la paralysie du port d’Eilat. Pour Israël, tout ceci équivalait à une déclaration de guerre.
Tandis que les diplomates s’activaient entre Washington, Londres, Paris et Tel-Aviv, le public israélien se préparait au pire : les médias arabes incitaient les populations à se préparer à «jeter les Juifs à la mer». Des leaders jusque là ennemis s’embrassaient et se congratulaient déjà à l’idée de leur prochaine victoire contre l’ennemi commun : Israël.
En Israël, on prépara la conscription des réservistes : d’abord les pilotes, puis de plus en plus de simples soldats. De nombreuses familles furent privées de leur père. La panique était indescriptible, les pompes funèbres préparèrent déjà quinze mille tombes en prévision des pertes civiles… Les forces armées israéliennes ne représentaient qu’un pour cent par rapport aux soldats arabes des pays voisins. Ceux-ci étaient aidés par des ingénieurs allemands, des envois d’armes et d’avions soviétiques…
La menace était réelle.
Le 25 mai je reçus l’ordre de me présenter à l’armée le vendredi 26 mai. Le dimanche, notre unité s’installa sur une colline, à quelques mètres d’un village jordanien appelé Budrus.
Avant le Chabbat suivant, le commandant, Victor, annonça que dix pour cent des soldats pourraient rentrer chez eux pour Chabbat, pour vingt-quatre heures. Nous étions cent trente soldats et les premiers à pouvoir partir étaient ceux qui avaient au moins trois enfants. J’en faisais partie.
Malheureusement, le camion qui devait nous ramener à la civilisation n’arriva qu’à dix-neuf heures, soit vingt-cinq minutes avant le début du Chabbat. Pour moi il n’était pas question de partir à cette heure-là car cela signifiait à l’évidence transgresser le Chabbat. Le lendemain soir, treize autres soldats seraient autorisés à prendre une permission et j’espérais vraiment en faire partie. Mais le camion arriva trop tôt, pendant le Chabbat. Encore une fois, je ne pouvais pas le prendre.
Victor, mon commandant, qui n’était pas pratiquant, eut pitié de moi et, comme j’avais raté par deux fois ma permission à cause de mes principes religieux, m’annonça qu’il m’accordait une permission de quarante-huit heures à partir de dimanche soir. Quarante-huit heures ! C’était trop beau, une éternité. Je l’attendais avec impatience.
Dimanche après-midi, nous apprîmes par la radio que l’Irak avait envoyé deux divisions armées en Jordanie pour renforcer ce pays avant la guerre qui se préparait contre notre minuscule pays.
Victor nous annonça alors que toutes les permissions étaient annulées : nous nous trouvions au centre des futurs combats, à la frontière avec la Jordanie. Le niveau d’alerte était à son maximum.
J’étais terriblement déçu, non tant à cause de la guerre qui approchait qu’à cause de ma permission qui était annulée. Je n’arrivai pas à dormir. Le lundi 5 juin à cinq heures du matin, je suppliai Victor de me laisser partir voir ma famille ne serait-ce que pour quelques heures. Il m’accorda une permission de huit heures : je devais être de retour pour quinze heures. Nul ne savait que la guerre commencerait dans deux heures, même pas Victor.
Trop heureux, je ne protestai pas contre cette restriction ; je pris mon fusil, mon Talit et mes Téfilines et me mis en route. J’eus la chance d’être pris en autostop par un motocycliste et arrivai à Jérusalem à huit heures et demi.
Ma femme et mes enfants se trouvaient dans la maison de ma belle-sœur. Vous pouvez imaginer combien nous étions heureux de nous revoir !
Peu après, la radio annonça que les premières frappes contre l’aviation égyptienne avaient commencé. Mais à Jérusalem, les gens se sentaient en sécurité. Il est vrai que la ville était coupée en deux : la vieille ville était sous souveraineté jordanienne et nul n’imaginait que la Jordanie ouvrirait les hostilités.
Mais à onze heures, les Jordaniens commencèrent à bombarder la ville israélienne. Nous nous précipitâmes vers les abris et je me retrouvai le seul soldat dans un bunker rempli de femmes et d’enfants.
Je téléphonai au commandant de la ville pour signaler ma présence à Jérusalem et demandai quoi faire. Il m’ordonna de retourner vers mon unité en remarquant que je n’aurais jamais dû me trouver ici ! Je fus donc obligé de dire au revoir à ma famille et, sous les bombardements jordaniens, de me frayer un passage vers la sortie de la ville où je retrouvai de nombreux autres soldats. Un car de police me prit en stop et me déposa à Ramlé. De là, je dus marcher deux heures pour rejoindre mon régiment sur la colline près de Budrus. Tout au long de mon périple, j’entendis des explosions tout autour de moi.
Je rejoignis mes camarades vers dix-sept heures. Je cherchai à localiser ma tente mais ne parvins pas à la retrouver. Quelque chose avait changé depuis mon départ ce matin. Je décidai d’aller voir Victor pour lui demander ce qui s’était passé. Il regarda sa montre et me reprocha d’avoir deux heures de retard. Je me lançai dans de grandes explications, j’avais été coincé à Jérusalem, j’avais dû faire du stop etc.
Il m’adressa alors un sourire radieux, tout en essayant des larmes : «Maintenant je sais qu’il y a un D.ieu qui te protège ! Ecoute : exactement à quinze heures, un obus est tombé et a explosé sur ta tente !»
Si j’avais pris ma permission Chabbat, j’aurais été présent lundi à quinze heures dans ma tente.
Et je ne serais plus là pour vous raconter cette histoire !

Rav Shmuel Gurewicz,
Melbourne – Australie
www.chabad.org.magazine
traduit par Feiga Lubecki