Semaine 36

  • Choftim
Editorial
Vive la rentrée !
«Rentrer» est un mot merveilleux. Il est utilisé pour désigner ces sentiments souvent si précieux qui définissent un temps, une attitude, légers comme un souffle de vie. On parle ainsi de «rentrer chez soi» après une longue absence. On dit encore que l’on «rentre en soi-même» pour signifier qu’on s’est écarté du monde et de son tumulte afin de mieux réfléchir à soi. Et que dire d’une expression aussi chargée de sens que «la rentrée» ? Elle porte en elle la notion de retour et de nouveau départ. Elle dit, à qui veut l’entendre, que tous les chemins sont ouverts à présent car rien n’est encore figé par les glaciations de l’habitude. C’est donc bien un événement essentiel que nous vivons maintenant : plus qu’un redémarrage, une avancée stratégique vers les terres inexplorées de l’avenir.
Cette année, le calendrier social et le calendrier hébraïque sont, dans ce domaine, en concordance. Tous deux nous parlent de recommencement. Alors que le premier a sonné la fin de la grande transhumance estivale, la réapparition de la course sans fin des hommes et le resurgissement des mille bruits de leur labeur quotidien, le second ouvre sur un temps privilégié. Nous sommes au début du mois d’Elloul, le dernier de l’année juive. Les grandes fêtes de Tichri sont déjà en perspective. Et la «rentrée», toutes ressources physiques, morales et spirituelles renouvelées, résonne d’une puissance insurpassable. Autour de nous, tout est semblable et, pourtant, tout est différent. Certes, le monde est à sa place et les choses de la vie aussi. Mais tout a, à présent, comme une tonalité subtilement changée. Tout paraît imprégné d’un sens plus profond, comme si le vent même susurrait la nécessité du retour à D.ieu. Elloul est présent et il est, au sens le plus exact du terme, le temps de la rentrée.
C’est d’un vrai retour qu’il s’agit. Retour au monde pour lui donner sa pleine signification par l’effort spirituel au cœur de la vie. Retour à soi pour retrouver qui l’on est vraiment et progresser vers tout ce que l’on peut être. Retour à D.ieu quelle qu’ait été la qualité de l’année écoulée, comme un authentique ressourcement dans la Source de toute vie. C’est là le grand programme de la période, son grand œuvre. Et tout cela est à notre porte, au devant de nous. Comme le chemin est beau quand il ouvre toutes les voies de la liberté et d’une grandeur choisie ! Comme le voyage est attirant quand on en connaît les étapes sans en discerner encore le merveilleux ! Comme la rentrée est belle pourvu que nous sachions lui donner cette beauté !
Etincelles de Machiah
Une perception universelle
Le prophète Isaïe décrit le temps de Machia’h. D.ieu y proclame (66 : 23) : «Toute chair viendra se prosterner devant Moi». Ici, c’est un nouvel état du monde qui nous est indiqué. Cela signifie qu’au temps de cette suprême révélation de la Présence Divine, toute l’humanité – même ceux qui sont si éloignés du spirituel qu’on ne peut les décrire que comme de la «chair» – atteindra un degré de perception qui inspirera à chacun de se prosterner humblement devant son Maître.
(d’après Likoutei Torah, Zot Habra’ha, p. 97d) H.N.
Vivre avec la Paracha
Choftim : Des arbres : grands et petits

A propos du verset “ car l’homme est un arbre des champs ”, le Sifri commente : “ cela nous enseigne que l’homme tire sa subsistance exclusivement de l’arbre ”. Comment comprendre cette déclaration alors que de toute évidence, les individus sont également nourris par d’autres aliments ?
Un autre verset énonce : “ le pain nourrit le cœur de l’homme ”. Rabbi Chnéour Zalman explique que bien qu’une personne prenne également pour nourriture de la viande, cela ne la rassasie pas comme le pain.
La raison pour laquelle les minéraux, les végétaux apportent à l’homme de la nourriture, en dépit du fait que l’homme appartienne à un règne plus élevé que le leur, est que leur source spirituelle est plus haute que celle de l’homme. Parce que leur source spirituelle est plus élevée, au moment où ils descendent sur terre, ils descendent plus bas. Puisque le règne végétal est encore plus bas que le règne animal, indiquant que sa source est plus haute, il possède une plus grande aptitude à nourrir l’homme.
Ce que dit le Sifri peut être compris de la même manière. Puisque l’homme tire sa nourriture première du règne végétal, et puisque la plus abondante forme de végétation est constituée par les arbres, dit le Sifri, l’homme vit de l’arbre, c’est-à-dire des nourritures végétales symbolisées par l’arbre.
Le Talmud cite le verset : “ car l’homme est un arbre des champs ” et s’interroge : “ L’homme serait-il donc un arbre ? ”. Elle répond qu’en ce qui concerne les arbres, nous trouvons deux versets contradictoires. L’un d’eux énonce : “ de lui tu mangeras, mais l’arbre tu ne détruiras pas ”, alors que l’autre déclare : “ l’arbre doit être détruit ”.
Comment concilier ces deux versets ?
Le Talmud répond : “ si lui, (c’est-à-dire l’individu, car l’homme est comparé à l’arbre) est un érudit craignant D.ieu, tu dois “manger”, c’est-à-dire étudier la Torah. Sinon, tu dois le “détruire”, c’est-à-dire te détourner de lui ”.
Chaque fois que l’on trouve deux commentaires sur un simple verset, cela signifie qu’ils possèdent un lien entre eux deux. Quelle est donc la relation entre le commentaire du Sifri et celui du Talmud?
Nos Sages se réfèrent à l’homme comme à un “petit monde”, un microcosme de l’univers. Tout comme le monde est partagé en quatre catégories : minérale, végétale, animale et humaine, l’homme possède lui aussi des aspects de ces quatre ordres. Les attributs émotionnels de l’homme représentent l’aspect végétal, car tout comme la végétation, ils ont la caractéristique de s’épanouir en abondance.
La supériorité de l’homme sur le monde animal réside dans le fait qu’il est un être rationnel. C’est la raison pour laquelle le Talmud pose la question : “ l’homme est-il un arbre ? ”. En d’autres termes, alors qu’il est vrai que l’homme possède également certains aspects de “l’arbre du champ”,est-ce la principale caractéristique de son humanité ?
La réponse du Talmud est que le but ultime de l’intellect de l’homme est de descendre et d’influencer ses émotions de sorte qu’elles soient guidées par l’intellect.
En réalité, l’intellect seul ne peut conduire l’individu à un état d’achèvement total. L’objectif “ connais (D.ieu) aujourd’hui ” a pour but de “ L’implanter dans ton cœur ” de sorte que cette connaissance exerce son effet sur les émotions.
C’est là que réside l’analogie avec l’arbre. Tout comme la qualité d’un arbre se manifeste dans ses fruits, la véritable qualité d’un érudit n’est pas simplement son érudition mais le fait qu’ “ il craint D.ieu ”, c’est-à-dire que son intellect affecte ses émotions.
Ici nous retrouvons la similitude entre le macrocosme et le microcosme. L’homme est soutenu par le règne végétal parce que sa source est supérieure à celle de l’homme. En mangeant des végétaux, l’homme élève la nourriture à sa source. Et cela permet ensuite à la nourriture de le soutenir.
Il en va de même pour l’homme lui-même. Son aspect végétal, ses émotions, a une source encore plus élevée que son intellect. Ce n’est que dans leur aspect révélé qu’elles sont descendues plus bas que son intellect, et ainsi c’est l’intellect qui doit guider les émotions, les purifiant et les raffinant. Quand cela est achevé, les émotions à leur tour affectent l’intellect, l’élevant à son état le plus achevé.
Le Sifri et le Talmud soulignent donc tous deux le même point : l’élévation de l’homme par l’intermédiaire du règne végétal. La seule différence est que le Sifri s’adresse au monde comme un tout alors que le Talmud parle dans les termes d’ “ homme ” et de “ végétal ” à l’intérieur du microcosme humain.

(Basé sur Likouteï Si’hot Vol. IV pp.1114-1117)
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année dimanche 31 août 2008) on ajoute dans la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année lundi 20 octobre 2008) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – à partir du lundi 1er septembre 2008 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année lundi 1er septembre 2008), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Durant tout le mois d’Elloul, «le Roi est dans les champs», c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.
Samedi soir 20 septembre 2008, vers 1h 30, on dit les Seli’hot, prières pour demander le pardon. Puis à partir du lundi 22 septembre, on dit les Seli’hot chaque jour jusqu’à Roch Hachana avant la prière du matin.

F. L.
De Recit de la Semaine
Une «carte verte» pour Yoav

Yoav arriva d’Israël en 1989. On lui avait affirmé que les rues de New York étaient pavées d’or. Handicapé par les blessures qu’il avait subies durant la guerre, il pensait que la vie serait plus facile pour lui aux Etats-Unis.
Comme tous les immigrants, Yoav comprit bien vite que les routes n’étaient faites que de béton et non de diamants. Décidé à travailler, il proposait ses services partout où il voyait un écriteau proposant un job, mais on lui demandait à chaque fois : «Green Card», la «carte verte» qui permet à un étranger de vivre aux Etats-Unis. Non, il ne possédait pas le précieux sésame.
Le peu d’argent qu’il avait apporté fut rapidement dépensé et Yoav se vit forcé de dormir la nuit sur les bancs de Central Park.
Un soir, alors qu’il s’était écroulé sur un banc, affamé, fourbu et désespéré, un prêtre qui s’était spécialisé dans les clochards de Central Park lui donna une tape amicale dans le dos : «Est-ce que tu bois de l’alcool ?» demanda-t-il à Yoav qui répondit non. «Prends-tu de la drogue ?» continua-t-il. Encore une fois, la réponse était négative.
«Dans ce cas, viens avec moi. Tu pourras manger à notre soupe populaire et dormir dans notre foyer pour S.D.F.».
Cette nuit fut la première où Yoav se coucha avec l’estomac plein, après une bonne douche et dans un vrai lit, depuis bien des semaines. Au matin, le prêtre le salua cordialement et Yoav lui raconta comment il était venu d’Israël et combien il souhaitait travailler, mais il ne possédait pas la «Green Card».
- Je vais téléphoner à des organisations philanthropiques juives pour voir si elles peuvent t’aider. En attendant, voici vingt dollars et va voir si tu peux trouver quelque chose.
Chaque matin, Yoav demandait anxieusement au prêtre si une organisation juive avait répondu en sa faveur mais chaque fois la réponse avait été négative : «Dites-lui de retourner en Israël !» déclaraient la plupart d’entre elles.
Un matin, le prêtre eut une idée : «Il y a encore une organisation juive que je n’ai pas contactée : c’est les Loubavitch. Mais si eux me disent qu’ils ne peuvent pas t’aider, alors je te propose de te convertir au christianisme. En six mois, je t’obtiendrai une «Green Card» et un travail !»
Le prêtre téléphona au secrétariat du «National Comittee fort the Furtherance of Jewish Education» et il s’adressa à Rav J.J. Hecht, son dynamique directeur : «J’ai ici un des vôtres dans mon église ! annonça-t-il. C’est un Israélien, handicapé, sans argent et sans Green Card. Toutes les autres organisations juives s’en désintéressent. Et vous ?»
- Dites-lui de m’attendre devant l’église ! J’y serai dans quinzaine minutes !
Rav J.J. Hecht sortit en trombe de son bureau, demanda à sa secrétaire d’annuler tous ses rendez-vous, se précipita dans sa voiture et fonça vers l’église de Manhattan.
Il freina devant les marches de l’édifice. Yoav l’attendait avec le prêtre.
- J’ai besoin d’une Green Card ! annonça Yoav, sur un ton de défi.
- Tu as besoin d’une Nechama (une âme) ! répondit Rav Hecht, paternel.
- Il me promet une «Green Card» en six mois si j’accepte de me convertir !
- Je t’en procurerai une en trois mois ! affirma Rav Hecht avec assurance.
Yoav remercia le prêtre pour son aide, ramassa son maigre balluchon et entra dans la voiture de Rav Hecht, encore arrêtée au milieu de la chaussée. Quand ils arrivèrent dans le bureau du NCFJE, Rav Hecht expliqua à Yoav : «Quand tu as besoin de quoi que ce soit, quelle que soit l’heure, tu viens me voir !» puis il le présenta à quelques-uns de ses fils en ajoutant : «Ce sont mes fils et maintenant tu es comme l’un de mes douze enfants !»
En quelques jours, Rav Hecht trouva pour Yoav un appartement et du travail. Chaque semaine Yoav demandait où en étaient les formalités pour obtenir sa «Green Card».
«Je m’en occupe !» affirmait Rav Hecht.
Un jour, Yoav arriva au bureau pour parler avec Rav Hecht. La secrétaire l’informa, les larmes aux yeux, que Rav Hecht était décédé la semaine passée.
Une fois que Yoav se fut remis du choc, il demanda : «Et comment obtiendrai-je maintenant ma Green Card ?» La secrétaire ne put lui répondre.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme celle de centaines, peut-être de milliers de personnes dont la vie a pu être changée ou même sauvée grâce à mon grand-père, Rav J.J. Hecht de mémoire bénie. Mais j’ai rencontré Yoav quand il s’est fiancé à Alba, une de nos employées au jardin d’enfants de Brooklyn Heights. Alba m’avait demandé d’officier à son mariage, ce que j’avais volontiers accepté.
Yoav s’est mis à me raconter sa vie. Il parlait avec affection et respect de Rav J.J. Hecht, comment celui-ci lui avait sauvé la vie, physique et spirituelle. Quand je lui dis que c’était mon grand-père, il en fut ravi.
Et quand j’ai appris que Yoav n’avait toujours pas sa Green Card, je m’en suis personnellement occupé. D.ieu merci, j’ai pu aider Yoav à trouver du travail et, grâce au mérite de mon grand-père, il a obtenu sa Green Card.

Rav Aaron Leib Raskin
L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki