Semaine 15

  • Metsorah
Editorial

En route !
Chaque mois du calendrier juif porte une marque différente et, dans ce sens, chacun est exceptionnel. Il n’est, de ce fait, guère étonnant que, au fil du temps, on se plaise à souligner comme la période que l’on traverse est particulière et comme elle apporte tant d’éléments qui ne se peuvent trouver nulle part ailleurs. Cette idée est, bien sûr, toujours d’une parfaite exactitude et c’est à l’homme de découvrir en quoi et comment le message du temps qui passe s’adresse à lui. Mais, parfois, le temps lui-même nous y aide. Parfois, sa lumière est si éclatante que, paradoxalement, elle nous contraint à ouvrir les yeux pour mieux la contempler, l’absorber et en nourrir ainsi notre esprit et notre cœur. C’est ainsi que, dans sa majesté, revient le mois de Nissan. Toujours en son temps, avec la régularité des événements attendus et toujours différents, il emplit l’horizon. Il nous enlace déjà et nous entraîne. Et si nous choisissions, dès à présent, de l’accompagner ou, mieux encore, d’entrer dans sa danse ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Ce mois n’est pas de ceux qui nous élèvent peu à peu, avec toutes les lentes attentions du promeneur chevronné, vers des degrés plus élevés ou vers un ailleurs plus riche. Il est celui où le passage se fait avec une hâte sans brutalité, avec une assurance sans retour. Il est celui du «saut», la meilleure façon d’effectuer un passage rapide entre deux situations que tout sépare sans s’arrêter à tous les niveaux intermédiaires. Et de fait, c’est ce que vécurent nos ancêtres au sortir de l’Egypte pendant le mois de Nissan. Esclaves, ils devinrent des hommes libres. Exilés sur une terre étrangère, ils se mirent en marche pour recevoir la Torah au mont Sinaï et continuer leur voyage vers la terre d’Israël. Petit peuple apparemment perdu dans l’immense empire d’Egypte, ils s’avancèrent pour, à tout jamais, marquer l’histoire, le destin et la conscience de l’humanité.
Faut-il, dès lors, redire que cette liberté nouvelle continue de nous conduire ? Faut-il dire que la puissance qu’elle donne à celui qui s’en sait éternellement, et comme par définition, détenteur est entre nos mains ? Libres, nous pouvons donner la liberté à ceux qui nous entourent et au monde tout entier. Libres, nous pouvons assumer pleinement la condition humaine, celle de créatures divines. Alors que résonne déjà la musique du temps – et du mois – nouveau, il faut nous souvenir qu’en hébreu le nom du mois, Nissan, renvoie étymologiquement à «Nissim», les miracles. Et quel plus grand miracle que celui d’un peuple qui répond à l’appel de D.ieu et se met en marche ? Quel plus grand miracle que celui de la liberté conquise par chacun, d’une vie que rien n’arrêtera plus et qui prend, à présent, tout son sens ?

Etincelles de Machiah

« En son temps, Je le hâterai »
Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : «Il est écrit (Isaïe 60 : 22) ‘le Machia’h viendra en son temps, Je le hâterai’». Ces deux termes semblent contradictoires. Le Tséma’h Tsédèk, le troisième Rabbi de Loubavitch, y apporte une explication : ils font référence à deux modes de Délivrance possibles :
- «Je le hâterai» : cela décrit une Délivrance dans laquelle les hommes quitteront l’exil brutalement, comme en un saut. Elle conduira ainsi immédiatement aux degrés les plus élevés ;
- «En son temps» : c’est une Délivrance dans laquelle cette élévation progressera graduellement et, par conséquent, plus lentement.
(d’après Or Hatorah - Béréchit, p.86) H.N.

Vivre avec la Paracha

Tazrya Metsora : le nom de Machia’h


Une réelle perfection ou des failles superficielles ?
Nos Sages demandent : “Quel est le nom de Machia’h ?” et répondent : “le lépreux de la Maison de Rabbi”. Cela est très difficile à comprendre. Machia’h va initier le processus de la Rédemption et est associé au summum de la vie et de la vitalité. Comment son nom peut-il être lié à la lèpre (Tsaarat) qui est identifiée à la mort et à l’exil ?
Cette difficulté peut être résolue en s’appuyant sur ce qu’énonce le Likouteï Torah qui explique ce que sera une personne atteinte de lèpre :
Un homme d’une grande stature, d’une réelle perfection… Bien que la conduite d’une telle personne soit désirable et qu’il ait tout corrigé… il est possible que sur la peau qui couvre sa chair restent encore des niveaux inférieurs sur lesquels le mal n’a pas été raffiné. Cela résultera en marques physiques sur sa chair, d’une manière qui transcende l’ordre naturel…
Puisque la saleté de la surface de ses vêtements apparaît ne pas avoir été raffinée, (des défauts) apparaissent sur sa peau… Bien plus, ces défauts reflètent des niveaux très élevés comme cela est indiqué par le fait qu’ils ne sont pas impurs tant qu’ils ne sont pas désignés comme tels par un Cohen.
Ce passage implique qu’il existe des influences spirituelles sublimes qui, à cause du manque de récipients appropriés (mis en évidence par “la saleté de la surface”) peuvent produire des effets négatifs. Car même quand une énergie puissante est libérée sans être retenue, elle cause des blessures. C’est la raison de la Tsaarat dont Machia’h est affecté.

La charge de Machia’h
Le Peuple Juif comme entité est comparé à un corps humain. Cela s’applique dans chaque génération, et aussi à toute la nation juive à travers l’histoire. Tous les Juifs, ceux du passé, du présent et du futur font partie d’un ensemble organique.
Puisque le bien est éternel, alors que le mal n’est que temporaire, le niveau spirituel de notre peuple a constamment avancé. Un vaste réservoir de bien s’est empli au fil des siècles. Le Peuple Juif comme il existe dans l’époque où les pas qui marquent l’approche de Machia’h peuvent être entendus, a atteint le niveau de perfection mentionné dans le Likouteï Torah.
Néanmoins, il reste encore des parcelles de mal sur la périphérie, car le monde est encore déchiré par l’injustice et la violence. Aussi la lumière de la Rédemption ne peut-elle encore être manifeste ; cela se reflète dans les taches de lèpre qui apparaissent sur Machia’h lui-même. Car comme le dit le Prophète : “il a supporté notre maladie et a enduré notre souffrance… avec des blessures, frappé par D.ieu et affligé”. Machia’h endure la souffrance, non à cause de lui-même mais pour le Peuple Juif comme entité.

L’apport positif
Il existe encore une difficulté. Bien que le passage cité plus haut explique pourquoi Machia’h doit endurer la souffrance, il ne montre pas pourquoi la souffrance est identifiée à Machia’h. Le nom de Machia’h, quel qu’il soit, doit être positif.
Cette difficulté peut aussi être résolue sur la base du passage de Likouteï Torah cité précédemment. Car ce passage explique que les plaies de la lèpre reflètent “des niveaux très élevés”, leur source étant la lumière spirituelle transcendante associée à Machia’h. Néanmoins, pour que cette lumière s’exprime d’une manière positive, des ustensiles adéquats sont requis.
La souffrance de Machia’h apportera un raffinement final au monde en général, en faisant un récipient adéquat pour la révélation de son potentiel transcendant. Puisque la révélation réside au cœur de l’Ere de la Rédemption, l’élément catalyseur nécessaire est donc associé au nom de Machia’h.

Le nom de la lecture de la Torah
Les concepts que l’on a évoqués peuvent aussi résoudre une difficulté concernant le nom de la première des Parachyot qu’on lit ce Chabbat. Metsora signifie lépreux. On pourrait penser que le nom de la lecture de la Torah serait un mot à connotation plus positive. Cette question est renforcée par le fait que, dans les travaux des premiers Sages rabbiniques, Rav Saadia Gaon, Rachi et Maïmonide, un nom différent est employé pour cette lecture. Toutes ces autorités se réfèrent à cette lecture par le nom de Zot Tihyeh, “cela sera”. Ce n’est que dans les générations postérieures qu’apparaît le nom Metsora.
L’explication en est que dans ces générations ultérieures, des failles sont apparues dans le mur de l’exil, et par elles, brille la lumière de Machia’h. A la lumière de Machia’h, Metsora n’est pas un facteur négatif mais comme cela a été expliqué l’expression d’une divinité transcendante.

Par l’intermédiaire de l’étude
La lecture de la Torah commence par une description du processus de purification pour une personne affligée de Tsaraat en ces termes : “ce sont là les lois du Metsora”. En mettant l’accent sur Torat Hametsora (les lois du Metsora) et non Taharat Hametsora (la purification du Metsorah) une allusion est faite à un concept fondamental.
L’étude de la Torah développe des récipients humains qui permettent à la lumière, à toutes les lumières, même les plus sublimes, d’être acceptées et intériorisées dans notre monde. Par l’étude de la Torah, l’influence transcendante du Tsaraat peut être canalisée en une force positive.
De la même façon, en ce qui concerne Machia’h : l’étude des enseignements sur Machia’h précipitent sa révélation, attirant son influence dans notre monde.

Avec une nouvelle vie
Contrairement à cette année, la Paracha Metsora est souvent lue en relation avec la Paracha Tazrya associée au fait de répandre des graines et à la conception de la vie. Cela implique que les graines de notre service divin n’attendront pas sans fin dans le sol sombre de l’exil mais que le Metsora, la Rédemption, fleurira immédiatement après que les dernières graines auront été semées.
De même, la fusion de ces deux Parachyot implique que Metsora, la Rédemption, a déjà été conçue ; nous ne faisons qu’attendre la naissance. Car la souffrance qu’endure Machia’h est l’étape finale avant sa révélation. Puisse-t-elle avoir lieu immédiatement !

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que le compte du Omer ?
C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (dimanche soir 20 avril 2008) jusqu’à la veille de Chavouot (samedi soir 7 juin 2008 inclus). Si l’on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de «travaux» (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfaradimes respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (samedi 24 mai 2008) ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (mardi 6 mai 2008) jusqu’au 3 Sivan au matin (vendredi 6 juin 2008) à part la journée de Lag Baomer (vendredi 23 mai 2008).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer, même Chabbat, et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année dimanche matin 8 juin 2008).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa première coupe de cheveux à Lag Baomer (vendredi 23 mai 2008) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (dimanche 8 juin 2008).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.

F. L.

De Recit de la Semaine

LA MATSA DE LA FOI, LA MATSA DU RABBI

Rav Cunin raconte :
Alors que le soleil se couchait, le métro dans lequel je me trouvais s’arrêta en plein centre du Bronx et je n’avais plus qu’à marcher. Tout en me dirigeant vers Pelham Parkway, je demandais aux passants mon chemin. Quelqu’un eut pitié de moi: “Cher ami, vous en êtes encore loin !”.
Plus tôt cet après-midi, veille de Pessa’h, un groupe d’étudiants de la Yechiva Loubavitch de Brooklyn avait terminé de cuire les dernières Matsot Chmourot pour la fête. On était en 1958 et le Rabbi distribuait personnellement ces Matsot cuites à la main comme cadeau spirituel. Il se tenait debout durant des heures, saluant chacun tout en lui tendant une Matsa. D’abord il en offrait à ceux qui habitaient loin car ils ne pouvaient prendre ni voiture ni métro une fois que la fête aurait commencé. J’avais seize ans et j’habitais entre la 167ème Rue et Jerome Avenue dans le Bronx, donc relativement loin. Quand je m’approchai du Rabbi, il me demanda si je pouvais apporter une Matsa à une certaine famille.
L’idéal aurait été que je prenne un taxi en sortant du métro, que le chauffeur m’attende quelques minutes pendant que j’apportais ces Matsot et qu’il m’amène à la maison à l’heure pour le Séder. Mais la vie est rarement conforme à l’idéal. Bref, je trouvais l’adresse: c’était un quartier défavorisé. Je toquai à la porte et un homme m’ouvrit: il était tatoué, ne portait pas de chemise et semblait décontracté.
“C’est à quel sujet ?” demanda-t-il.
“Excusez-moi: êtes-vous bien M. Untel ?”
“Ouais !” me répondit-il avec l’accent du Bronx.
Je remarquai le pain de campagne posé sur la table, ce qui n’est vraiment pas l’aliment conseillé pour le Séder de Pessa’h.
“C’est le Rabbi qui m’a envoyé”, dis-je.
“Le Rabbi ? Oh, je vous en prie ! Entrez !”
Dans la petite cuisine, il n’y avait qu’une table minuscule, quelques chaises et un réchaud. Je ne comprenais pas ce que je faisais ici, à distribuer de la Matsa à une famille qui, visiblement, ne s’apprêtait pas à célébrer le Séder. Puis je me dis que c’était justement ce pourquoi le Rabbi m’avait envoyé ici.
Je demandais à l’homme s’il voulait qu’on passe le Séder ensemble. Il accepta et appela sa femme. Elle était visiblement enceinte; ses deux filles la suivaient: très mignonnes, elles avaient peut-être cinq et six ans. Toutes deux étaient aveugles.
Nous avons débarrassé la table. Je mis un chapeau sur la tête de mon hôte et commençai le Séder. J’essayais de me souvenir de l’ordre des bénédictions, mais c’était difficile car je n’avais pas de Haggada, le livre traditionnel. L’essentiel, c’est que nous avons mangé la Matsa. En guise de vin, nous avons bu quatre coupes d’eau dans des verres en papier. J’essayai de penser à ce qu’aurait fait le Rabbi s’il s’était trouvé dans ma situation. Je regardai les fillettes et leur maman qui allait mettre au monde un autre enfant, et je répétai certains enseignements que j’avais entendus du Rabbi : en cette nuit, D.ieu avait libéré nos ancêtres de l’esclavage d’Egypte et Il nous libère nous aussi. L’homme et la femme m’écoutaient attentivement, comme s’ils étaient instantanément nourris par mes paroles.
Je leur dis qu’à Pessa’h, nous nous libérons de notre Egypte personnelle, de nos limites car D.ieu ne pose pas sur nos épaules plus que ce que nous pouvons supporter. Une fois que vous savez cela et que vous y croyez, vous êtes déjà libéré. Nous avons chanté avec les enfants.
A une heure du matin, la femme mit les fillettes au lit et il était temps pour moi de partir. Mais je demandais encore à l’homme d’où il connaissait le Rabbi. Le fait est qu’il était tanneur et avait connu un rabbin à l’abattoir où il travaillait. Comme depuis quelques mois sa femme était enceinte, il avait demandé au rabbin comment agir: ils étaient porteurs de gènes qui avaient fait que leurs deux premiers enfants étaient nés aveugles et le médecin suggérait de ne pas mettre au monde ce 3ème enfant. L’homme était très triste et ne savait que faire. Le rabbin lui avait conseillé d’écrire au Rabbi de Loubavitch. Le Rabbi lui avait répondu par lettre qu’ils devaient avoir confiance en D.ieu et laisser l’enfant naître normalement.
Alors que je m’apprêtais à partir, l’homme me dit : “Vous savez, ma femme et moi-même n’étions pas très convaincus. Comment peut-on avoir confiance en D.ieu ? Comment pouvons-nous oublier ce qui nous est arrivé et espérer ? Nous ne pensions pas que c’était possible mais ce soir, en vous entendant parler de foi en D.ieu et comment D.ieu donne la force de surmonter les épreuves pour sortir de notre Egypte personnelle, nous comprenons mieux”.
Leur fils naquit: il voyait parfaitement. Par la suite, je perdis le contact avec cette famille. Mais des années plus tard, j’appris que les filles s’étaient mariées et avaient chacune plusieurs enfants qui voyaient parfaitement.

Décrire combien le Rabbi aimait des centaines de milliers de Juifs et de non-Juifs dans le monde entier serait impossible. Le mieux que je pouvais faire était de décrire cette pauvre famille du Bronx. Et comment le Rabbi leur avait fait livrer à la maison la confiance en D.ieu personnifiée par ces Matsot.

En 1966, le Rabbi de Loubavitch nomma Rav Cunin émissaire principal pour la Californie où fleurissent maintenant des centaines d’institutions Loubavitch.

Rav Barou’h Chlomo E. Cunin
traduit par Feiga Lubecki