Semaine 36

Editorial
Le «Je» et le «Bien Aimé»

«Je suis à mon Bien Aimé et mon Bien Aimé est à moi», c’est dans cette phrase que le roi Salomon, écrivant le Cantique des Cantiques, cache toute la grandeur de la période que nous vivons. Sous ce «je», c’est le peuple juif qui s’exprime. Et le «Bien Aimé» n’est autre que D.ieu. C’est dire que ces mots indiquent un véritable chemin d’attachement avec la Divinité et que l’appel qui retentit ici est celui de l’essence de l’âme à l’essence du Créateur. Il n’est, pour cela, guère surprenant que les Sages aient trouvé dans les lettres initiales de chacun des mots de la phrase en hébreu, celles qui forment l’acronyme du mot «Elloul», le nom de ce mois que nous vivons aujourd’hui.
Il faut en prendre conscience : le moment est d’importance. Nous sommes déjà parvenus au second versant du mois et nous en ressentons toute la puissance. Pour reprendre les termes du verset cité, le «Je» s’avance vers son «Bien Aimé». Il fait effort pour laisser en arrière tout ce qui, jusqu’ici, a retenu ce mouvement profond de son âme. Il a décidé, à l’orée de la nouvelle année, de se libérer des entraves qu’il a lui-même, plus ou moins inconsciemment, mises en place. Aussi, entreprend-il le plus sincère retour à D.ieu. Au point qu’il proclame avec force : «Je suis à Lui». Il entend ainsi affirmer son lien éternel, au-delà de tous les errements d’un quotidien dont il aspire à effacer les conséquences.
Alors, le «Bien Aimé» répond, poursuit le texte. Il a vu l’effort de l’homme et, comme celui-ci s’est avancé vers Lui, Il fait la démarche symétrique : «mon Bien Aimé est à moi». A présent, c’est une unité merveilleuse qui se met en place entre le Créateur et la créature. Et c’est là tout le sens du mois d’Elloul.
La nouvelle année est, maintenant, à portée de vue. La présence de Roch Hachana est, de plus en plus, une réalité concrète, presque écrasante. Nous le savons : c’est dans ce jour que la clé pour une année bonne et douce se dissimule. A présent, nous portons aussi en nous cette connaissance précieuse : c’est au mois d’Elloul que tout se prépare. Par l’élan vers D.ieu qui suscite Sa réponse, nous faisons descendre sur ce monde les plus grandes bénédictions. Une prise de conscience, une volonté, une décision, une action : c’est à cela que tient la vie.
Etincelles de Machiah
Le cerveau et le cœur

Il est souvent expliqué que l’exil présente un certain nombre d’aspects positifs : il est «une chute pour permettre une élévation supérieure», il manifeste «la supériorité de la lumière qui provient de l’obscurité» etc. Toutefois, toutes ces explications s’adressent au cerveau. Pour les sentiments du cœur, l’amertume de l’exil les rend toutes inacceptables.
C’est pourquoi, bien que ces explications aient été données et comprises, le peuple juif ne cesse de demander que l’exil se termine enfin et que la Délivrance arrive.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parchat Nitsavim 5741) H.N.
Vivre avec la Paracha
Nitsavim Vayélè’h: mouvement et inflexibilité

Contrairement aux autres Sidrot de la Torah qui sont combinées, Nitsavim et Vayélè’h sont essentiellement unies. Aussi Rav Saadia Gaon écrit-il que “lorsque cela est nécessaire, l’une de ces sections de la Torah est lue lors de deux Chabbatot, c’est la portion de Nitsavim qui est divisée à Vayélè’h Moché ” [n.d.t. il n’évoque pas là la présence de deux parties différentes].

Un nom, en hébreu, traduit le contenu d’une entité. On comprend aisément que cela s’applique également à Nitsavim et Vayélè’h. Et pourtant les mots eux-mêmes de Nitsavim et Vayélè’h évoquent deux concepts diamétralement opposés.
Nitsavim signifie “se tenir fermement en place”. Vayélè’h, par contre, signifie “aller de lieu en lieu”.
Comment donc devons-nous comprendre que Nitsavim et Vayélè’h forment essentiellement une même section?
Le service divin s’appuie sur l’idée qu’il doit y avoir deux sortes de services distincts : l’un ferme et stable, Nitsavim et l’autre, une constante évolution de niveau en niveau : Vayélè’h.
C’est le cas de ce qui concerne tous les aspects du service spirituel : la Torah, la prière et les Mitsvot.
La Torah se divise en Torah écrite et Torah orale. La Torah écrite fut donnée d’une manière strictement délimitée, avec un nombre spécifique de mots et de lettres et n’est sujette à aucun changement.
La Torah orale, par contre, nous fut révélée par l’intermédiaire des Sages comme ils l’expliquèrent à partir de la Torah écrite, selon les principes utilisés dans son explicitation. Dans leurs analyses, un mot ou même une lettre de la Torah écrite peut servir de base à une longue exposition. Avec ses délibérations et ses explications constantes, la Torah Orale s’est développée de génération en génération.
Il en va de même pour la prière. Dans un sens général, la prière est un commandement quotidien qui incombe à chaque individu. Mais par ailleurs, la prière est aussi un “ service du cœur ” et chaque cœur est différent. Même les sentiments à l’intérieur du cœur de la même personne varient d’un jour à l’autre.
Il en est de même pour les Mitsvot. Il existe précisément 613 commandements éternels ; nous ne pouvons en ôter ni en ajouter aucun. Mais nous devons aussi embellir et glorifier les Mitsvot de niveau en niveau.
Puisque la Torah et les Mitsvot furent données par D.ieu au Peuple Juif, elles incluent également ces deux aspects. Elles sont la Torah et les Mitsvot de D.ieu mais elles constituent aussi le service du Peuple Juif.
Ces deux aspects trouvent leur expression ;dans les concepts d’immuabilité et de changement. L’inflexible et l’inaltérable aspect de la Torah et des Mitsvot met l’emphase sur Celui Qui donna la Torah et ordonna les Mitsvot, Qui n’est pas sujet au changement.
La Torah et les Mitsvot constituent le service du Peuple Juif. En tant qu’êtres créés, nous sommes intrinsèquement sujets au changement et il est attendu de nous, comme une part de notre service divin, que nous nous élevions constamment de niveau en niveau. C’est pourquoi la Torah, la prière et les Mitsvot contiennent chacune des éléments de changement et d’évolution.
C’est pourquoi Nitsavim et Vayélè’h forment véritablement une seule Sidra, malgré le sens apparemment opposé de leurs noms, car le service de D.ieu requiert les deux traits : l’immuabilité de Nitsavim comme résultat de Celui qui donna la Torah et les Mitsvot et le mouvement de Vayélè’h comme partie de l’homme, celui qui les reçut.
Nitsavim et Vayélè’h forment donc bien une seule partie de la Torah car le fondement du service de Vayélè’h, mouvement et changement doit nécessairement être Nitsavim, une reconnaissance que la Torah et les Mitsvot furent données par D.ieu qui, Lui, est au-delà de ces concepts.

(Basé sur Likouteï Si’hot, Vol XXIX, pp. 173-178)
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que les Seli’hot ?

Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte et l’humilité requises.
Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 8 septembre 2007 vers 1h 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 10 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les «bénédictions du matin» ainsi que les bénédictions de la Torah.
On ne commence les Seli’hot qu’en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les «Treize Attributs de Miséricorde» et le «Vidouy» (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les «Treize Attributs» ni les prières en araméen.
L’officiant s’enveloppe d’un «Talit» (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (mercredi 12 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.

F. L. (d’après «Cheva’h Hamoadim» - Rav Shmuel Halevy Hurwitz)
De Recit de la Semaine
«Chalom Alé’hem !»

Il y a quelques années, j’ai été envoyé avec un ami par le Merkaz Chli’hout (qui envoie des émissaires rabbiniques dans le monde entier) pour l’été à Mexico. J’étais qualifié pour cela puisque je parle espagnol. A notre arrivée, nous avons fait connaissance de la communauté et avons décidé d’organiser un grand concert pour rassembler un maximum de jeunes et leur faire passer un message sur le judaïsme. Pour cela, nous nous sommes assurés la participation du chanteur Yehuda Glantz : celui-ci connaît bien la culture sud-américaine et en utilise d’ailleurs les instruments de musique. De plus, sa présence sur scène garantit une atmosphère enthousiaste et la participation enflammée du public.
Durant les préparatifs, nous avons été confrontés à de nombreuses difficultés, en particulier pour trouver un système de sono compatible avec les exigences de Glantz et de son orchestre. Finalement on nous indiqua le nom d’un magasin qui vendait exactement ce qu’il nous fallait. Au téléphone, le commerçant se montra ravi, bien entendu, de nous procurer le matériel nécessaire. J’insistai cependant pour fixer un rendez-vous pour le lendemain : dans une conversation face à face, il me serait plus facile d’obtenir un rabais - ce qui est courant dans ce pays.
Quand je m’y rendis avec mon ami, nous rencontrâmes un homme âgé d’une cinquantaine d’années. Après une poignée de main et des paroles de courtoisie habituelles, j’expliquai qui nous étions, pourquoi nous étions là et qui était celui qui nous avait envoyés à Mexico. Notre interlocuteur fit un geste de la main, signifiant : «Pas besoin de m’expliquer qui est le Rabbi de Loubavitch ! Je connais le Rabbi et j’ai même eu le privilège de le rencontrer une fois !»
J’étais stupéfait. Par son apparence extérieure, l’homme n’avait pas l’apparence d’un Juif ‘hassidique... L’homme ne se fit pas prier pour me raconter son histoire : «Oui, ma femme et moi, nous sommes juifs. Nous l’avons toujours su mais sans y attacher une importance quelconque. Par un certain concours de circonstances, nous avons commencé à nous intéresser à notre judaïsme, à observer Chabbat et la cacherout, deux principes auxquels nous avons décidé d’adhérer.
Peu après, nous avons eu l’occasion de visiter les Etats-Unis, le Texas précisément. Comme nous devions y passer un Chabbat, nous avons cherché l’adresse d’un rabbin chez qui nous pourrions passer Chabbat et manger cachère. Et nous avons trouvé un rabbin qui, au téléphone, nous invita cordialement à passer Chabbat chez lui.
Nous sommes donc partis, rassurés, et avons apprécié notre voyage. A l’approche du Chabbat, nous avons rappelé le rabbin mais sa femme nous répondit : «Je suis désolée mais comme une certaine Fédération Juive organise son congrès justement ce Chabbat, nous ne pourrons pas vous recevoir !»
Tous nos plans s’écroulaient. Nous avons cherché en vain un autre rabbin ou au moins un Juif pratiquant quel qu’il soit. Nous n’avions plus qu’à acheter dans un supermarché quelconque quelques produits permis par les différentes listes de cacherout et à organiser le Chabbat dans notre chambre d’hôtel. Ma femme et ma fille allumèrent les bougies de Chabbat puis nous nous sommes installés tant bien que mal. Nos filles qui fréquentaient une école juive, nous indiquèrent ce qu’il fallait réciter dans le seul livre de prières que nous avions emporté mais elles-mêmes n’étaient pas très sûres d’elles. Nous étions vraiment peu à l’aise.
Alors que nous tentions maladroitement de déchiffrer les instructions fournies par le livre de prières, nous avons soudain entendu quelqu’un chanter des airs connus. Persuadés que nous rêvions réveillés, nous nous sommes tus subitement : oui, c’était bien le chant de «Chalom Alé’hem !». Nous nous sommes regardés les uns les autres puis je me suis précipité dans le couloir et j’ai compris que les chants joyeux venaient justement de la chambre voisine ! J’ai frappé à la porte et deux jeunes gens m’ont ouvert : ils avaient une vingtaine d’années, portaient la barbe et le chapeau. Très ému, je me suis présenté : eux aussi étaient très étonnés. Sur leur table, j’aperçus une boîte de thon en conserve, une bouteille de vin cachère et quelques Matsot : «C’est tout votre Chabbat ?» m’exclamai-je. Ils m’ont souri et je les ai invités dans notre chambre : je leur ai montré les tampons rabbiniques sur les produits que nous avions achetés avant Chabbat et ils ont accepté de partager notre repas.
Ah, quel Chabbat ! Ils ont prié et chanté, nous ont expliqué tout ce qu’il fallait faire ou dire, ils nous ont aidé à mieux comprendre le Chabbat, ils ont expliqué la Sidra de la semaine avec des mots simples mais des concepts profonds…
Puis je leur ai posé la question qui me taraudait depuis le début : que faisaient-ils là ? Il s’avéra qu’ils avaient été envoyés pour rendre visite à des détenus juifs emprisonnés au Texas. Ils avaient choisi cet hôtel afin de pouvoir visiter ces détenus même pendant Chabbat !
«D.ieu existe !» m’exclamai-je. «De tous les hôtels de la ville, vous avez choisi justement celui-ci, et des quatre cent cinquante chambres situées sur plusieurs étages, vous avez pris justement celle qui était voisine de la nôtre pour que nous vous entendions chanter «Chalom Alé’hem», que nous puissions vous inviter et que vous nous expliquiez ce qu’est un véritable Chabbat et comment le célébrer !»
Ils m’expliquèrent alors patiemment le concept de «Providence Divine», comment le Créateur dirige le monde à chaque instant dans ses moindres détails. Ils me racontèrent aussi qu’ils avaient été envoyés par le Rabbi de Loubavitch «qui s’occupe de chaque Juif, dans tous les coins du monde afin qu’il soit conscient et fier de son judaïsme et qu’il se rapproche de son Créateur par l’étude de la Torah et l’accomplissement des Mitsvot, même ceux qui se trouvent en prison !»
Stupéfait, je leur demandai où habitait ce Juif qui s’occupait de chacun. «A Brooklyn, New York !» et ils m’expliquèrent qu’il était possible d’aller le voir et même d’échanger quelques mots avec lui le dimanche matin, quand il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité).
Ce Chabbat fut vraiment exceptionnel et ces deux jeunes gens nous ont fait découvrir un monde nouveau !
Bref, deux semaines plus tard, nous avons fait un détour par New York et nos deux nouveaux amis nous ont amenés devant le Rabbi : en le voyant, j’ai compris de qui ces deux jeunes gens tiraient leur force et leur motivation, pour être prêts à passer un Chabbat dans un coin perdu, pratiquement sans manger, juste pour encourager des Juifs détenus en prison. Je remerciai en mon nom personnel le Rabbi pour avoir envoyé ces deux jeunes gens au Texas et pour avoir ainsi sauvé notre Chabbat et notre détermination à le pratiquer dorénavant.
Alors, continua-t-il triomphalement tandis que nous l’écoutions bouche bée, vous n’avez pas besoin de m’expliquer davantage. Vous avez dit : Rabbi de Loubavitch et cela me suffit ! Votre sono, ne vous inquiétez pas, je vous l’offre !» conclut-il avec un grand sourire.
Au fait ce concert – pour ceux que cela intéresse – a été un succès indéniable. Des centaines de jeunes y ont participé !

Zalman Ruderman
Kfar Chabad
Traduit par Feiga Lubecki