Semaine 2

Editorial
Le profond sursaut

Certaines périodes ont parfois une valeur double. C’est ainsi que nous les traversons, y commémorant des dates dont le message ne se limite pas à sa seule portée mais, au contraire, nous emporte au-delà des certitudes d’un passé figé par le déroulement des jours. Voici que, peu après ‘Hanoucca, alors que la lumière nous imprègne encore, apparaît le 10 Tévèt.

Historiquement, la couleur du jour est loin d’être positive. Ne s’agit-il pas, cette date-là, de se souvenir du début du début du siège de Jérusalem ? N’est-ce pas un jour de jeûne qui ouvre le cycle tragique débouchant sur la commémoration de la destruction du Temple ? Tout cela est certes vrai, cependant la description liturgique de la cause du jeûne ouvre aussi d’autres horizons. De fait, le terme hébraïque qui signifie «mettre le siège» peut également se traduire par «soutenir». Cette ambivalence est évidemment étonnante. Comment considérer, comme le mot pourrait le laisser penser, que le début d’un siège est une forme de soutien ? Comme si, décidément, quelque chose d’autre se cachait à la lisière du sens ?

C’est justement de cela qu’il est question. Il est clair que l’intention des armées babyloniennes est bien, lorsqu’elles se présentent devant Jérusalem, d’y mettre le siège pour en venir à bout et la conquérir. Pourtant, il est des réalités spirituelles qui dépassent les intentions des conquérants. Car l’histoire n’est pas une avancée aveugle des jours et des événements, dont les hommes ne seraient jamais que les victimes impuissantes. Elle est, au contraire, façonnée par nos actes quotidiens. Elle l’est non seulement parce que nous en sommes naturellement les acteurs mais surtout parce qu’elle est d’abord l’expression de notre lien avec D.ieu.

Ainsi, une même date, le 10 Tévèt, peut présenter deux visages virtuels : celui du drame et celui du progrès. Il peut être l’anniversaire d’un désastre à venir et celui d’un nouveau temps en émergence, à la fois le siège et le soutien. Quel est le facteur qui, concrètement, affirme sa nature ? Rien d’autre que le libre choix de l’homme.

Ainsi vont les choses jusqu’en notre temps. Si, parfois, nous pouvons croire que la tourmente se lève et que les forces de l’obscurité l’emportent, sachons que cela dépend d’abord de ce que nous ferons d’une telle conscience. Le sursaut n’est pas qu’un élément essentiel de la victoire finale. Il est, dès aujourd’hui, la victoire même.
Etincelles de Machiah
Corps et âme

Un verset prophétique enseigne (Osée 6:2) : «Il nous fera revivre après deux jours ; le troisième jour, il nous redressera et nous vivrons devant Lui.»

Les Sages interprètent les «deux jours» comme faisant référence à ce monde-ci et au monde futur, au sens d’au-delà. En revanche, le «troisième jour» correspond au monde de la résurrection, le plus haut des degrés qui suivra la venue de Machia’h. Ce dernier niveau est radicalement différent des deux précédents car le corps et l’âme partagent alors le même enthousiasme pour le service de D.ieu. C’est là le but ultime de la création.
(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi de Loubavitch,
Vivre avec la Paracha
Vaye’hi : le secret

Et Yaakov appela ses fils et il dit : «rassemblez-vous pour que je puisse vous révéler ce qui vous arrivera à la fin des temps» (Béréchit 49 :1)

Le Talmud explique que «Yaakov désirait révéler à ses fils «la fin des jours» (Kets Hayamim, le temps de la Rédemption complète et finale par Machia’h), et c’est alors que la Présence Divine le quitta».

Cette affirmation soulève une question évidente : pourquoi Yaakov avait-il un tel désir ? Qu’aurait apporté une telle connaissance ? Le fait que les Enfants d’Israël connaissent la date de la venue de Machia’h n’aurait-il pas eu sur leur moral un effet dévastateur? Savoir que la Rédemption n’aurait pas lieu avant plus de 3500 ans n’aurait-il pas été une source de découragement et de désespoir pour les Juifs en Egypte?

L’opportunité
Dans le «Cantique de la mer» (le Psaume de louange que chanta le Peuple d’Israël au moment de sa délivrance des armées de Pharaon), un verset nous dit : «Apporte-les et plante-les sur la montagne de Ton héritage, la base de Ta résidence que toi, D.ieu, as établie». Le Zohar explique que si nous avions été méritants, D.ieu Lui-Même nous aurait transportés en Terre Sainte et Lui-Même aurait construit le Temple à Jérusalem, ces actes devenant éternels et inaltérables. En d’autres termes, la sortie d’Egypte aurait constitué la Rédemption ultime. Ce n’est que par une série d’échecs de notre part (comme la faute du Veau d’Or et celui des Explorateurs) que notre entrée en Terre d’Israël et la construction du Temple furent entreprises par des efforts humains et furent aussi finies et vulnérables que leurs auteurs. Ainsi, attendons-nous encore le jour où D.ieu Lui-Même nous rassemblera de tous les coins de la terre et reconstruira le Temple, rendant Sa présence manifeste dans nos vies devenues inaltérables et éternelles.
C’est cette «fin» que Yaakov désirait révéler. Si nous avions su que la sortie d’Egypte (annoncée dans l’alliance d’Avraham avec D.ieu) devait constituer la Rédemption finale et ultime, nous aurions été poussés à saisir l’occasion et assurer que tout son potentiel soit réalisé.

Construire dans l’obscurité
Néanmoins, D.ieu empêcha Yaakov de révéler ces faits à ses enfants. La «fin des jours» devait rester un mystère, même si sa révélation eût pu encourager nos efforts pour perfectionner le monde et le préparer à la Rédemption. Car pour que l’homme participe réellement au perfectionnement de la création, il est crucial que le cadre temporel de l’avènement messianique lui reste inconnu.
Comme il a été dit précédemment, la Rédemption finale est un acte divin, inaltérable et éternel. Ainsi, si l’homme doit jouer un rôle significatif dans sa venue, c’est par des actes qui sont eux-mêmes inaltérables et éternels. C’est pourquoi nous nous trouvons en exil, un état de déplacement physique et spirituel, un état dans lequel la Main de D.ieu qui guide l’histoire nous est cachée et nos vies semblent livrées au hasard et à la chance. Quand un individu garde son intégrité et sa loyauté envers D.ieu, même dans de telles conditions, il manifeste une alliance «éternelle», un engagement que ni les aléas du temps ni ceux de l’histoire ne viendront ébranler.
Aussi, l’exil n’est-il pas seulement une situation dont nous devons être sauvés mais aussi la condition qui permet notre participation significative dans le processus de la Rédemption. L’exil signifie être dans le noir, habiter un monde dans lequel une épaisseur opaque obscurcit le contenu spirituel, un monde sourd aux tintements de l’horloge cosmique de l’histoire et aveugle à sa propre progression régulière vers l’harmonie spirituelle. C’est seulement dans de telles conditions que nos actes positifs revêtent l’éternité qui définit l’âge messianique. Si nous connaissions la date de l’ère messianique, nos actes seraient de nature prévisionnelle, stimulés par notre claire vision du progrès de l’histoire vers la perfection.

La conscience supra rationnelle
Et pourtant, Yaakov nous révéla la fin des temps. Il ne nous indiqua pas la date précise de la venue de Machia’h, D.ieu l’en empêcha pour que notre expérience de l’exil soit complète et garantir l’engagement «éternel» qui fait de nous de véritables partenaires dans le projet divin d’un monde messianique parfait. Mais le fait même qu’il désira nous l’indiquer eut ses conséquences. La Torah établit que «D.ieu accomplit le désir de ceux qui Le craignent». Si Yaakov désirait que nous sachions, alors, d’une manière ou d’une autre, cette connaissance nous fut transmise.
Bien plus, Yaakov est l’un des trois Patriarches d’Israël, que nos Sages ont décrits comme «ne servant que comme véhicules du désir divin, à chaque moment de leur vie». Si Yaakov désirait que nous connaissions le secret de la «fin des jours», c’est un désir qui était en toute adéquation avec la volonté divine. D.ieu veut que nous voulions savoir, et que nous sachions réellement, pour que nous soyons poussés par ce désir et cette connaissance. Mais en même temps, Il ne nous permet pas de savoir exactement pour que nos actes soient vrais et inconditionnels et non contingents de ces «informations internes».
Ainsi menons-nous nos vies dans l’obscurité, dépourvus de toute conscience de notre place dans l’histoire. Quelques secondes avant que ne soit vaincue l’obscurité, nous ne percevons que la nuit la plus complète. Mais cela n’a lieu qu’à la surface de notre vie, au niveau dans lequel nous agissons pour apporter au monde la Rédemption. Sous cette apparence, existe une âme consciente, une âme imperméable à l’emploi du temps externe, une âme sensible aux moments les plus opportuns pour la Rédemption et capable de révéler ce savoir et ce potentiel.
Le Coin de la Halacha
En quoi consiste l’interdiction de nuire financièrement à son prochain ?

On veillera à ne pas causer de dommage à son prochain, même par la parole : ainsi, on ne prétendra pas que la marchandise de Chimone ne vaut pas le prix qu’il en demande si ce n’est pas vrai. On ne se débarrassera pas d’un objet gênant en le lançant dans la propriété de quelqu‘un d’autre ; on pourra cependant l’empêcher de pénétrer dans sa maison même si, par cette manœuvre, on sait que l’objet nuisible risque d’entrer dans la propriété du voisin.
On veillera à préserver l’environnement de ses voisins, en évitant par exemple de les incommoder par des fumées, des odeurs ou des bruits, sauf s’ils donnent leur accord au préalable ou si les autorités municipales le permettent.
Si on constate que son prochain risque de perdre de l’argent ou de subir des dommages de quelque nature que ce soit, on s’efforcera de veiller à préserver pour lui son argent ou ses possessions par tous les moyens possibles, en y consacrant son temps, son énergie et ses relations. On n’est cependant pas tenu de dépenser de l’argent pour cela, sauf si on est certain que son prochain acceptera de rembourser les frais engagés.
On n’est pas obligé d’interrompre son activité – et donc sa source de revenus – pour sauver les biens de son ami, mais il est recommandé d’agir au-delà de ses obligations strictes et de mettre tout en œuvre pour sauver l’argent de son prochain (sauf si le préjudice était vraiment trop important). En effet, celui qui se montre excessivement préoccupé par son argent oublie de se préoccuper des autres et risque de dépendre des autres par la suite.
On n’enviera pas les possessions des autres car cela risque de leur porter ombrage et d’attirer «le mauvais œil».
On ne cherchera pas à savoir ce qui se passe chez son ami ou son voisin et on respectera l’intimité de chacun : dans la mesure de possible, on édifiera un mur ou on posera des rideaux afin de préserver son intimité.
F. L. (d’après Rav Avraham Elashivili – Michpa’ha ‘Hassidit)
De Recit de la Semaine
«Gagner» une amende

Un vendredi après-midi, je rentrai de Tel-Aviv vers Kfar ‘Habad : il était tard et, pour gagner quelques minutes, je pris un raccourci : cela n’impliquait aucun risque pour les autres mais cela me fit mordre une ligne blanche.
C’est alors qu’un policier me repéra et m’ordonna de me garer. J’arrêtai le moteur, ouvris ma fenêtre, admis ma faute et demandai à l’officier de police de me rendre un service : qu’il rédige le procès-verbal aussi vite que possible car Chabbat approchait.
Il m’intima l’ordre de sortir de la voiture car il voulait vérifier sur son ordinateur si je n’étais pas un récidiviste. Il se mit à écrire et me demanda mon nom : «Vous êtes Touvia Bolton ? Ce nom me dit quelque chose ! D’où est-ce que je connais ce nom ?»
«Peut-être de prison ?» hasardai-je, tout en regrettant mon audace : il était capable de ne pas apprécier la provocation…
«Prison ?» Il était visiblement choqué.
«Oui ! Je vais souvent en prison : pour lire la Méguila à Pourim pour les détenus, pour leur distribuer des bougies à ‘Hanouccah ou des Matsot avant Pessa’h… Mais moi-même, je n’ai jamais été emprisonné, rassurez-vous !»
Il continuait d’écrire. Puis il leva la tête : «Vous êtes Loubavitch, n’est-ce pas ?»
«Oui», répondis-je, ne sachant pas si ce serait positif ou non…
Il me tendit le papier et déclara, pensif : «J’ai eu un grand miracle, grâce au Rabbi, vraiment un grand miracle !»
«Racontez-moi votre histoire, dis-je, cela me remboursera au moins l’amende que je devrai payer !»
«C’était il y a vingt ans, en 1986. J’étais un policier en moto. Je m’apprêtai à aller dégager un passager encastré dans une voiture accidentée. Soudain un véhicule suspect, en me dépassant, me poussa avec mon cycle dans un ravin où je dégringolai d’une hauteur de plusieurs mètres. Quand on me dégagea, mon cou et ma colonne vertébrale étaient brisés et je pensai rester paralysé à vie. Les chirurgiens parvinrent à me faire retrouver l’usage de la moitié gauche de mon corps mais estimaient qu’ils ne pouvaient m’aider davantage. J’essayai plusieurs praticiens, des médecines alternatives, sans succès.
Quatre ans plus tard, mon médecin m’informa qu’une opération en Allemagne était susceptible de m’aider. C’était encore au stade expérimental, mais cela valait la peine d’essayer, disait-il. On fixa l’opération pour dans deux semaines. Je n’étais pas vraiment convaincu, mais me disais que tout était préférable à ma situation actuelle.
Ce vendredi après-midi, un de mes amis amena un jeune Loubavitch à la maison. Je n’ai aucune relation avec la religion et je n’aime pas les gens religieux. Mais ce Loubavitch me conseilla de demander une bénédiction au Rabbi : «Laissez-moi tranquille et sortez d’ici !» lui dis-je.
Il m’expliqua qu’il ne prenait pas d’argent pour cela et je me radoucis. Tout ce que j’écrivis dans la lettre fut : «Je veux la santé et de l’argent !». Je signai de mon nom et faxai la lettre depuis mon domicile.
Neuf heures après la fin de ce Chabbat, mon fax sonna. C’était une lettre en provenance du secrétariat du Rabbi : «Ne procédez pas à l’opération, elle n’est pas nécessaire. Avec l’aide de D.ieu, vous recommencerez à travailler comme auparavant».
Je lus et relus la lettre. «Elle vient de ce grand rabbin ? Mais je ne lui ai rien écrit à propos de l’opération ! C’est ce jeune Loubavitch qui a dû lui en parler ! Voilà comment ce rabbin à New York est au courant ! Et il me dit de retourner travailler ! C’est ridicule !» De rage, je déchirai la lettre en petits morceaux que je jetai à la poubelle.
Deux jours plus tard, à six heures du matin, le téléphone sonna. A moitié endormi, je décrochai le combiné : «Qui est-ce ?» demandai-je.
«C’est Eddy, de la police municipale. Nous réorganisons le service et nous désirons que vous en fassiez partie !»
«Quelle bonne blague tôt le matin !» me dis-je. Je raccrochai avec fracas et refermai les yeux. C’est alors que je me réveillais complètement : je venais de réaliser que j’avais décroché le combiné avec la main droite, celle qui avait été paralysée ! Je pensai que je rêvai mais je levai ma main vers mon visage : elle fonctionnait ! Le téléphone sonna à nouveau, je décrochai encore avec la main droite.
«Pourquoi avez-vous raccroché ?» Avant que j’ai pu répondre, il continua : si vous ête intéressé, vous devez vous rendre au bureau le mercredi.
Je me rendis en voiture au bureau : c’était la première fois depuis quatre ans que je conduisais ! Tous les fonctionnaires de police étaient nouveaux, ce qui explique sans doute pourquoi ils m’avaient appelé : ils ignoraient mon état de santé !
Je passai des examens médicaux. Quand je retournai le dimanche pour les résultats, j’en profitai pour montrer au médecin mes précédentes radios : «Oh, le pauvre ! dit-il. De qui s’agit-il ?» Quand je pointais le doigt vers moi-même, il faillit tomber à la renverse : «Sur l’ancienne radio, vous n’étiez qu’os fracturés et cicatrices tandis que sur les radios prises cette semaine, tout est parti ! On dirait que le Rabbi vous a donné un corps nouveau !»
«Si on me demande mon avis, conclut le policier, je dirai que le Tsaddik prie pour chacun de nous de là où il se trouve.»
Nous nous sommes embrassés puis je remarquai : «J’ignore quel est le montant de l’amende que je mérite mais elle en vaut chaque chékel, rien que pour l’histoire que j’ai entendue !»
Il sourit : «Une amende ? Non ! Juste un avertissement !»

Rav Touvia Bolton
ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki