Chavouot 5783

  • Nasso
Editorial

 Au rendez-vous du Sinaï

Les jours de l’Omer sont passés peu à peu et voici arrivée, comme prévu mais, en même temps, avec la portée et le sentiment d’une infinie surprise, la fête de Chavouot. Bien sûr, chacun était conscient de cette occurrence, cependant la voir se concrétiser dépasse très largement toutes les attentes. Car ce n’est pas ici de la commémoration d’un événement ancien, même important, qu’il s’agit. Ce moment du Don de la Torah a changé le monde et continue de le faire aujourd’hui à telle enseigne qu’il nous appartient d’en percevoir les paroles comme nouvelles. Il y a là presque un mystère : cela fait plus de trois millénaires que la Torah nous fut donnée et il nous serait fait devoir de considérer cela comme contemporain ? Plus encore, c’est là un devoir accueilli comme une évidence et un motif de joie pour le Peuple juif de génération en génération. Où est donc le secret ?

En une phrase célèbre, les Sages répondent à cette question : « la Torah est notre vie et la longueur de nos jours. » C’est dire que notre lien avec la Torah n’est pas une simple péripétie historique, il est la clé de ce que nous sommes, finalement notre essence même. En fait, lorsque nous nous présentons devant le mont Sinaï, c’est à un rendez-vous éternel que nous sommes invités. Et nous assumons pleinement le moment : nous proclamons alors « nous ferons et nous comprendrons » ; cette affirmation d’implication et de fidélité nous accompagne toujours.

C’est la raison pour laquelle nous revivons la fête de Chavouot avec une intensité toujours renouvelée. Loin de la commémoration nostalgique d’un passé glorieux, elle nous raconte une histoire du présent, d’une certaine manière quelque chose qu’il nous est donné de vivre aujourd’hui. Certes, nous ne voyons pas autour de nous le désert du Sinaï et aucune montagne n’apparaît à l’horizon, c’est pourtant bien en cette situation que nous nous trouvons. Lorsque les Dix Commandements vont retentir au matin du premier jour de Chavouot dans toutes les synagogues, au-delà de la dimension rituelle, ce sera bien d’un revécu qu’il s’agira. Pour cela, chacun a à cœur d’être présent en cet instant. C’est là un rendez-vous dont tout le monde sait, en son for intérieur, qu’il n’est pas envisageable de le manquer, hommes, femmes, enfants, en une unité merveilleuse. Pour un instant qui ne laisse personne inchangé.

Etincelles de Machiah

 La Techouva pour les Tsadikim ?

La notion de Techouva peut également s’appliquer aux Tsadikim – aux Justes – si l’on se réfère à l’enseignement de nos Sages selon lequel un homme devrait « passer tous ses jours dans la Techouva ».

En effet, dès qu’un Juif perd, ne serait-ce qu’un instant, de son niveau habituel du service de D.ieu, par la prière et l’étude de la Torah, cela est considéré, pour lui, comme une chute considérable. Cela appelle donc la Techouva la plus sincère. Devant l’intense lumière apportée par Machia’h, cette dernière sera d’autant plus nécessaire.

(d’après Or Hatorah, Chir Hachirim, p. 688)

Vivre avec la Paracha

 LA TOUCHE D’OR

Au saint jour de Chavouot, est consacrée une lecture particulière de la Torah : « Le jour des premiers fruits… lors de ta (fête de) Chavouot… tu apporteras une offrande de Olah à D.ieu ». (Bamidbar, 28 :27)

 

Questions

  • Dans le Saint Temple, le sacrifice de Olah était apporté sur une base quotidienne. Quand la Torah mentionne ce sacrifice dans notre verset, concernant Chavouot, elle orthographie le mot Olah (Ayin-Vav-Lamed-Hé), avec une lettre supplémentaire, un Vav, par rapport aux autres mentions de ce sacrifice (Ayin-Lamed-Hé). Pourquoi ce mot comporte-t-il ici un Vav supplémentaire ?
  • La Torah mentionne des dates spécifiques pour la célébration de chacune des fêtes du calendrier juif, à l’exception de Chavouot. Pourquoi ?
  • Nous commémorons chaque fête avec l’observance d’une Mitsva particulière. Durant Pessa’h, nous mangeons de la Matsa, lors de Souccot, nous résidons dans la Soucca, à Roch Hachana, nous soufflons dans le Choffar. Quelle est la Mitsva spécifique de la fête de Chavouot ?

Que s’est-il réellement passé ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut, au préalable, comprendre ce qui s’est réellement passé à Chavouot.

C’est en ce jour que nous avons officiellement reçu la Torah de D.ieu : les Dix Commandements ainsi que les 613 Mitsvot, avec tous leurs détails, telles qu’elles sont énumérées dans les Cinq Livres de Moché, les Six Livres de la Michna et le Talmud.

Et pourtant, le Talmud établit que notre Patriarche Avraham accomplissait toute la Torah, y compris les lois rabbiniques, plus de 400 ans avant le Don effectif de la Torah au mont Sinaï. S’il en est ainsi, qu’avait de si particulier Chavouot ? La Torah avait déjà été dévoilée !

La ‘Hassidout nous explique qu’en fait l’événement du Sinaï était révolutionnaire. Cette révélation accomplit une fusion entre le Ciel et la terre. Jusqu’alors, personne ne pouvait faire descendre le Ciel sur terre pas plus qu’élever la terre vers le Ciel. Avant cet événement, on pouvait accomplir une Mitsva mais l’objet, par l’intermédiaire duquel s’accomplissait cet acte saint, restait lui-même ancré dans la matérialité.

A Chavouot, D.ieu descendit sur le Mont Sinaï et Moché, représentant le peuple d’Israël en particulier et le monde matériel en général, monta sur le Mont Sinaï. Cette rencontre donna au Peuple juif une touche d’or, une force pour transformer le monde matériel, concret en quelque chose de véritablement saint.

Le sens du Vav

Le dessin : la lettre Vav est un trait vertical qui fait penser à une chute. Cela fait allusion à la descente de D.ieu sur le Mont Sinaï. Il évoque également une échelle représentant l’ascension de Moché vers l’Essence Divine.

La valeur numérique : En hébreu, chaque lettre a une valeur numérique. Ainsi le Vav représente le chiffre 6, ce qui fait allusion au 6 Sivan, date effective du Don de la Torah. Cette valeur fait également référence aux 6 Livres de la Michna et aux 600(13) Mitsvot.

Le sens : Vav signifie « crochet pour relier ». Cela rappelle également la force de la Torah pour connecter la Divinité à l’espace et au temps et pour resserrer le lien entre les générations passées et les générations présentes et futures.

C’est la raison pour laquelle le mot Olah comporte un Vav supplémentaire : pour faire allusion au fait que, le 6 Sivan, D.ieu descendit nous donner la Torah pour que nous et toutes les générations à venir soyons connectés à Lui.

Notions préconçues

La Mitsva spécifique de Chavouot est l’étude de la Torah. Si la Torah avait d’emblée déclaré : « Le sixième jour du troisième mois (Sivan) de l’année, D.ieu nous a donné la Torah ; vous accomplirez donc la Mitsva de l’étude la Torah », on aurait pu penser, par erreur, que l’étude n’est obligatoire que seul le jour de Chavouot et non le reste de l’année. C’est pour aller à l’encontre de toutes notions préconçues que la Torah omet la date et la Mitsva spécifique de Chavouot.

Levez la tête

C’est aussi le lien avec la Paracha Nasso, que nous lisons juste avant ou juste après Chavouot (cette année, la semaine prochaine). Le commentateur Ibn Ezra explique que le mot Nasso signifie « lever la tête ». Comment relever la tête ? Par l’étude de la Torah.

Le grand mariage

Bien que la Révélation Sinaïtique changeât radicalement la nature de l’univers, le lien entre le Ciel et la terre reste, jusqu’à ce jour, très largement caché. Peut-être à cause de ces « idées préconçues », l’humanité perçoit encore ce « Vav de connexion », de manière très superficielle. L’événement du Don de la Torah fut comme des fiançailles et nous attendons encore le grand mariage, où sera enfin consommé l’union entre D.ieu et le Peuple juif. Cette célébration du mariage aura lieu avec la venue du Machia’h dont la touche d’or immaculée révélera notre lien avec D.ieu. Il nous fera découvrir les niveaux les plus profonds de la Torah. Alors, non seulement pourrons-nous établir une relation avec la Divinité mais également l’intérioriser. Cela constituera la Olah ou élévation ultime, l’ultime Nasso ou élévation de notre tête. Que nous puissions mériter de le voir avec nos propres yeux, immédiatement.

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à Chavouot ?

(Tous les horaires indiqués ici sont valables uniquement pour l’Ile-de-France)

On a coutume de se couper les cheveux la veille de Chavouot, donc cette année le jeudi 25 mai 2023.

Jeudi 25 mai 2023, on allumera avant 21h 20 une bougie de 48 heures (au moins) pour pouvoir aussi allumer les bougies de vendredi soir. Puis les jeunes filles et petites filles allumeront chacune une bougie – les femmes allumeront au moins deux bougies – en récitant les bénédictions suivantes :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov » (Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête.)

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé » (Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as fait vivre, exister et qui nous as fait parvenir à ce moment.)

Ce moment est propice pour prier de tout son cœur.

Vendredi soir 26 mai 2023, avant 21h 21, les jeunes filles et petites filles allumeront – à partir de la bougie de 48 heures allumée la veille – une bougie et les femmes au moins deux bougies en récitant les bénédictions :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Nèr Chèl Chabbat Véchèl Yom Tov »  (Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du Chabbat et du jour de fête.)

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé »

Dans nombre de communautés, on a la coutume de décorer la synagogue et sa maison de fleurs, en souvenir du don de la Torah, quand le désert et le mont Sinaï se sont couverts de fleurs.

Il est de coutume de veiller toute la première nuit de Chavouot, la nuit de jeudi 25 mai à vendredi 26 mai 2023 et de lire le "Kérié Moèd".

Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue vendredi matin 26 mai 2023 pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du Peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes.

On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande vendredi midi.

Chabbat matin 27 mai 2023, on récite, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor en souvenir des parents disparus : on donnera de l’argent à la Tsédaka pour leur mérite après la fête.

La fête se termine samedi soir 27 mai 2023 après 22h 43 avec la prière traditionnelle de la Havdalla.

Rappelons qu’on ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications) depuis Roch Hodech Sivan (dimanche 21 mai 2023) jusqu’au jeudi 12 Sivan (1er juin 2023) inclus.

Qu’est-ce que Erouv Tavchiline ?

On n’a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu’un jour de fête tombe le vendredi, on prépare avant la fête un aliment cuit au four et un aliment cuit à l’eau, pour montrer qu’on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.

Cette année, jeudi 25 mai 2023, on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une 'Halla ou une Matsa ainsi qu’un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al Mitsvat Erouv » (Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv.) (Se référer au Sidour pour la suite du texte en araméen : Bédèn Yéhé...) Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera pendant un des repas de Chabbat. Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.

Même si on a tout préparé et cuit avant la fête, il sera nécessaire de procéder au Erouv Tavchiline afin de pouvoir, vendredi après-midi 26 mai, poser les plats sur la plaque de Chabbat et allumer les bougies de Chabbat et du deuxième jour de fête - à partir de la bougie de 24 heures allumée la veille.

Le Recit de la Semaine

Deux lettres dans un Séfer Torah

Au début des années 80, Rav Chalom Ber Schapiro enseignait la Torah dans une Yechiva de Brooklyn et recevait un maigre salaire. Un parent d’élève lui proposa d’arrondir ses fins de mois en s’associant dans ses affaires – ce qui l’obligerait à voyager dans le pays une fois toutes les six semaines. Avant d’accepter cette offre, Rav Schapiro demanda la bénédiction du Rabbi de Loubavitch. Celle-ci lui fut accordée mais à une condition : dans chaque ville où il se rendrait, Rav Schapiro devait trouver au moins deux enfants juifs qui achèteraient – pour une somme symbolique d’un dollar – une lettre dans le Séfer Torah des enfants. En effet, au printemps 1981, le Rabbi avait lancé une campagne internationale pour que chaque enfant juif acquiert une lettre dans un rouleau de la Torah qui serait écrit (à la main, à l’encre, sur du parchemin, par un scribe qualifié) à Jérusalem, en cette année de Hakhel (rassemblement).

Mais où ce Juif ‘hassidique trouverait-il deux enfants juifs dans la ville de McAllen, cachée profondément au sud du Texas ? On était jeudi et Rav Schapiro aspirait à rentrer chez lui pour Chabbat : « Le lendemain, ce serait vendredi mais je ne pouvais pas quitter la ville avant qu’aux moins deux enfants aient été inscrits pour une lettre dans le Séfer Torah ! Je ne connaissais aucun Juif, d’ailleurs je ne connaissais strictement personne dans cette ville ». Finalement, il entra dans un magasin d’objets électroniques dont le propriétaire, juif, n’était absolument pas intéressé par son discours. Par contre, il l’informa qu’il y avait un autre propriétaire juif de magasin sur Main Street.

« Mon père pensa que ce Juif respectable qui entra dans son magasin voulait ramasser des fonds pour une institution charitable ou éducative, se souvient celui qui est maintenant Rav David Goldstein de West Houston. Mais Rav Schapiro expliqua la raison de sa visite. Il demanda d’abord à mon père s’il avait déjà entendu parler de Loubavitch auparavant. Bien sûr, répondit mon père dont l’arrière-grand-père avait connu Loubavitch dans sa ville natale d’Azarichi en Russie. Sa famille avait d’ailleurs conservé quelques traditions Loubavitch, en particulier le texte des prières selon le rite du Ari Zal repris par Rabbi Chnéour Zalman. Puis Rav Schapiro lui demanda s’il connaissait des enfants juifs dans la ville et fut plus qu’heureux d’apprendre que nous étions, à l’époque, deux garçons ; Rav Schapiro put donc nous inscrire sur le champ pour l’achat de deux lettres dans le Séfer Torah. Sa mission était accomplie mais Rav Schapiro resta plusieurs heures dans le magasin pour discuter avec mon père, Isser Leib Goldstein qui écoutait avidement chaque mot de Torah de son visiteur, sans prêter attention aux clients qui entraient et sortaient. Finalement, Rav Schapiro rentra chez lui à Brooklyn mais resta en contact avec nous.

Peu après, mon père passa les derniers jours de Pessa’h à Brooklyn, dans la maison de Rav Schapiro. Il eut ainsi l’occasion d’assister aux offices et aux réunions ‘hassidiques auprès du Rabbi qui l’encouragea trois fois d’un geste de la main lors de la distribution d’un peu de vin du Kos Chel Bra’ha à l’issue de la fête ».

Petit à petit, toute la famille évolua et se mit à mener une vie juive complète. Isser Leib déménagea à San Antonio (Texas) pour vivre dans l’inspiration d’une communauté juive vibrante : il fut même le premier à accueillir les nouveaux Chlou’him (émissaires) que le Rabbi envoya en 1985, Rav ‘Haïm et Rivkie Block, pour développer les activités juives dans le sud du Texas. En 1986, Isser Leib Goldstein choisit de s’installer à Brooklyn, avec la bénédiction du Rabbi.

Quant aux deux enfants (et leur frère et sœur qui naquirent par la suite) qui avaient ainsi été providentiellement inscrits pour une lettre dans le Séfer Torah, ils ont suivi le parcours d’études des institutions Loubavitch, en particulier David qui, en 1998, s’installa avec son épouse Elisa à West Houston où il créa et développa une communauté juive florissante. Quand Isser Leib Goldstein quitta ce monde en mai 2022, ses quatre enfants surent quelle serait la Mitsva qui honorerait sa mémoire : ils commandèrent un nouveau Séfer Torah qui fut complété cette année de Hakhel à Lag Baomer, exactement six cycles d’années de Hakhel après qu’il ait acheté deux lettres pour ses enfants - deux lettres qui avaient donné une impulsion nouvelle à la vie de cette famille.

Mendel Super - chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki