Souccot est généralement une fête aisée à respecter de nos jours. On trouve des Souccot en kit et des Souccot – parapluies qui se montent en un clin d’œil, là où vous le désirez ; grâce aux techniques modernes, le touriste ou l’homme d’affaires juif peuvent manger et boire à Souccot à peu près partout dans le monde.
À condition que la météo le permette…
Nous habitons dans un endroit où vous ne pourrez pas monter une Souccah en kit et encore moins une Souccah portable : c’est notre Alaska ensoleillé (oui, il y a du soleil en Alaska !). Parce qu’en octobre, même si le soleil brille, la température tombe bien en dessous de zéro. Le blizzard souffle comme s’il était chez lui, ce qui est le cas. Et à moins que vous n’appréciez de déambuler dans un énorme congélateur, vous ne passerez pas beaucoup de temps à l’extérieur. Oui, Souccot en Alaska est une expérience très spéciale.
Seul le Rabbi de Loubavitch pouvait envisager d’envoyer un Rav (mon mari !), né à Bnei Brak en Israël, à Anchorage depuis 1991.
Chaque année, après les deux premiers jours de fête, mon mari tombe malade parce qu’il fait si froid. Dès que l’été se termine, c’est l’hiver. Ce n’est que lorsque Souccot tombe en septembre que c’est encore une fête facile. Mais en octobre, il neige déjà. Et parfois il ne neige même pas, tellement il fait froid.
Ce n’est pas que la température ; il y a aussi des problèmes techniques : il faut construire une Souccah aussi solide qu’une maison afin qu’elle résiste à des tempêtes de neige et des blizzards tellement forts qu’ils vous abattent une Souccah ordinaire d’un seul souffle.
D.ieu merci, nous avons parmi nous Ythro ben Avraham. Né en Alaska il y a quarante ans, ce «Guer Tsédek», converti sincère – qui s’est récemment installé à Monsey – est un maître du bricolage. C’est lui qui nous a construit une Souccah en bois qui résiste au rude climat de notre pays voisin de la Sibérie.
D’accord pour des murs solides. Mais – vous l’avez deviné – le problème essentiel est le «Skha’h», le toit de feuillages. Les premières années, nous étions très surpris par les piles de neige qui le recouvraient. Il a donc fallu recourir à des ruses. Parfois nous demandons à nos sympathiques voisins non-juifs – toujours prêts à nous aider, avec le sourire en plus – de dégager ces mètres cubes de neige. Parfois nous pensons à le recouvrir d’une bâche en plastique la veille mais celle-ci - quand elle est recouverte de neige - est bien trop lourde : nous sommes donc obligés encore une fois de recourir à l’aide de nos voisins non-juifs.
La porte est aussi une œuvre d’art qui doit résister au vent ; elle est équipée d’un impressionnant verrou qui la maintient fermée même quand le vent souffle très fort. La dernière personne qui sort de la Souccah ferme la porte hermétiquement pour empêcher la neige et le vent de s’y engouffrer. Mais notre bricoleur de service n’avait pas pensé à un mécanisme qui permettrait de l’ouvrir de l’intérieur. C’est ainsi qu’une fois, quarante personne se sont retrouvées coincées à l’intérieur car le verrou s’était fermé tout seul : quelqu’un se dévoua alors pour grimper jusqu’au Skha’h, se glisser en bas et ouvrir le cadenas ; il s’est acquis le mérite de «Pidyione Chevouyim», délivrer les prisonniers…
Bon, vous avez une Souccah solide : mais comment y manger quand le froid gèle votre ‘Halla en quelques minutes ? Très simple : vous mettez vos vêtements de ski. Les fondateurs de la communauté juive sont d’ailleurs des fourreurs et nombre de nos fidèles sont leurs bons clients. Chaque année, nous essayons un autre type de chauffage. Mais aussi sophistiqué soit-il, le chauffage n’aide que les trois personnes qui sont assises juste à côté. Et même si notre Souccah n’a aucune fenêtre, le froid reste insoutenable. Nous gardons toute la nourriture (vin, ‘Halla, poisson, salade, soupe etc…) à l’intérieur jusqu’au moment de son utilisation : alors, on apporte chaque assiette à toute vitesse et on mange précipitamment, sans attendre que tous les convives soient servis comme l’exige la politesse. Bien sûr, certains citent la Hala’ha comme quoi on n’est pas obligé de manger dans la Souccah si cela cause de la peine mais les ‘Hassidim ont l’habitude de dire : un ‘Hassid a de la peine s’il ne mange pas dans la Souccah !
Nous avons choisi d’ériger notre Souccah non pas dans la cour, derrière la maison mais dans le jardin, devant la maison, de sorte que tous peuvent la voir afin de montrer notre fierté d’être juifs. Un jour, nous avons invité le sénateur de notre état à assister à notre fête de ‘Hanouccah. J’ai téléphoné à son bureau, à Washington et j’ai expliqué ma demande à sa secrétaire en me présentant : elle m’a interrompue et m’a demandé : «Vous êtes les gens avec la cabane dans leur jardin, n’est-ce pas ?». De fait, elle habitait en Alaska, à quelques mètres de chez nous. Bien sûr, grâce à elle - et à notre Souccah - le sénateur a accepté avec joie notre invitation pour ‘Hanouccah… !
La première nuit de Souccot, de nombreux membres de la communauté viennent assister au Kiddouch dans notre Souccah. Les gens ressentent la chaleur de la Mitsva même s’ils restent emmitouflés dans leurs manteaux. Mon mari leur dit : «Moi je reste dans la Souccah pour tout le repas. Vous n’avez besoin de rester que pour le Kiddouch et le Motsi (le vin et le pain). Mais quiconque veut rester est le bienvenu !». La moitié des gens restent sur place. C’est alors que commence la compétition traditionnelle : qui parviendra à rester dans la Souccah aussi longtemps que le rabbin ?
Brr, brr…
Mais nous sommes des Juifs bien plus chaleureux grâce à cela !

Esty Greenberg
The Jewish Press
Traduite par Feiga Lubecki