C’est une histoire que j’ai entendue de la bouche de Rav Yossef Biller, samedi soir 11 Iyar 5764 (2004).

C’était une fillette âgée de dix ans, née dans une riche famille juive de Vienne, au début du 20ème siècle : entre autres qualités, elle était douée d’une voix magnifique et ses parents engagèrent un professeur de chant pour développer son talent musical. Ce non-Juif était chargé de lui apprendre le chant et le piano. Durant deux ans, elle fit des progrès prodigieux au point que son professeur lui suggéra de s’inscrire à la chorale de l’Opéra de Vienne : elle avait, selon lui, de grandes chances de devenir une véritable étoile. Bien entendu, la jeune fille était éblouie par les encouragements de son professeur : sans rien dire à ses parents, elle se présenta au concours et fut acceptée ! Son professeur l’avait si bien préparée qu’on lui offrit même le poste de solo.
Quand elle en informa ses parents, ils en furent très contrariés : comment une jeune fille juive pouvait-elle envisager de devenir une chanteuse d’opéra, dans un milieu artistique non-juif, aux mœurs souvent dépravées ? Elle les écouta bien sûr, mais ne cessa de rêver à la gloire et l’éclat de la vie qui s’offrait à elle. Ses parents tentèrent de la raisonner, de la convaincre qu’elle ne trouverait pas ailleurs les satisfactions d’une vie juive authentique. Mais rien n’y fit.
Finalement, à court d’arguments, ils lui demandèrent de l’accompagner pour parler avec un rabbin. Elle accepta. Le rabbin les écouta attentivement mais se sentit incapable de les aider. Il suggéra plutôt qu’ils prennent conseil auprès du Rabbi de Kapishnitz qui s’était installé à Vienne après la première Guerre Mondiale.
Quand les parents et leur fille entrèrent dans le bureau, ils expliquèrent ce qui se passait. Le Rabbi de Kapishnitz demanda à la jeune fille pourquoi elle voulait devenir une chanteuse d’opéra : elle répondit qu’ainsi elle deviendrait célèbre et connaîtrait la gloire. Le Rabbi devint très sérieux, il se concentrait dans ses pensées. Puis il leva les yeux et dit à la jeune fille : «Si vous acceptez de renoncer à tout cet éclat et cette gloire, je vous promets que vous obtiendrez la célébrité autrement !». Etonnée, elle demanda de quoi il s’agissait. Le Rabbi de Kapishnitz insista : elle devait d’abord oublier son ambition de devenir une étoile de l’opéra mais il lui promettait que cela en vaudrait la peine. Elle accepta. Le Rabbi lui promit alors qu’avec l’aide de D.ieu, elle se marierait et mettrait au monde un fils qui illuminerait le monde de la lumière de la Torah et la clarté de ses décisions hala’hiques. Il serait apprécié et accepté par tout le peuple juif et c’était cela qui lui donnerait à elle, sa mère, une intense satisfaction digne d’une mère juive, la véritable renommée et la gloire éternelle !
Qui est ce fils célèbre et comment connaît-on cette histoire ?
Il y a quelques années, Rav Dan Segal de Bnei Brak se rendit à Vienne. Il avait consulté les archives de la communauté juive et c’est ainsi qu’il avait lu cette histoire du Rabbi de Kapishnitz et de la jeune fille issue d’une famille Schiff. Il effectua d’autres recherches et cela l’amena à un rabbin de Bnei Brak, quelqu’un qu’il connaissait bien.
Effectivement, la promesse du Rabbi de Kapishnitz s’était réalisée, se dit Rav Segal. Il raconta alors à Rav Chmouel Wosner l’histoire de sa propre mère ! Le vénérable rabbin, stupéfait, expliqua qu’il n’avait jamais entendu parler de cet épisode mais qu’il se souvenait que, lorsqu’il était enfant, sa mère lui répétait souvent : «Etudie bien la Torah, mon fils, tu ne peux pas t’imaginer quel sacrifice j’ai consenti pour ton éducation juive !».

Rav Wosner quitta ce monde à l'age de 102 ans, il a rédigé de nombreux ouvrages de Hala’ha, en particulier celui par lequel il est le mieux connu : «Chévet Lévi». Il s’est une fois rendu chez le Rabbi de Loubavitch qui le reçut en audience privée. A la fin de l’audience, Rav Wosner demanda au Rabbi : «Quel est le rôle d’un Rav et d’un guide en Israël ?». Le Rabbi répondit : «Faire prendre conscience aux gens qu’il y a un guide dans la ville !».
De tous les coins du monde, on appelle Rav Wosner pour résoudre des problèmes de loi juive. Ses nombreux descendants sont eux-mêmes devenus des sommités dans le monde de la Hala’ha et des responsables communautaires.

Bluma Wineberg
Traduite par Feiga Lubecki