Je n’ai pas à m’excuser de mon admiration pour les ‘Hassidim, en particulier ceux du mouvement Loubavitch : sans se lasser, ils vont à la rencontre des autres Juifs et accueillent chacun chaleureusement, quels que soient leur éducation ou leur mode de vie. De plus, ils ne demandent rien en retour.

Suis-je d’accord avec tous les détails de leur façon de vivre ou de leur philosophie ? Non, bien sûr mais tout de même… D’ailleurs, c’est un des sujets de conversation préférés dans ma communauté de Greenville – si peu Loubavitch – dans laquelle je suis considéré comme acquis à ce mouvement.

Leur dernier Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, est considéré par la plupart de ses ‘Hassidim comme irremplaçable. Le considèrent-ils comme un faiseur de miracles ? Sans doute ; en tous cas, il avait une influence quasiment cosmique.

Deux ans avant son départ de ce monde, le Rabbi est devenu «mon sauveur» personnel. En seulement trente secondes d’entrevue, il m’avait offert son aide au moment le plus critique de mon existence. Les quelques mots qu’il m’avait adressés – je le réalise maintenant – ont, de fait, marqué le début de ma re-naissance spirituelle et émotionnelle et m’ont empêché de commettre l’irréparable, c’est-à-dire le suicide…

C’était… il y a si longtemps ! Mais j’ai vécu récemment une expérience assez spéciale avec le Rabbi : il y a quelques mois, j’ai passé une semaine à New York pour mon travail. «Par hasard», le chauffeur du taxi qui devait m’amener à l’aéroport était un jeune Loubavitch. Dès qu’il aperçut la Kippa sur ma tête, il me demanda si j’avais déjà visité le Ohel, l’endroit où est enterré le Rabbi. Je répondis que non mais que, si la circulation me le permettait, je serais très heureux de m’y rendre. Sachant que des milliers de gens de par le monde viennent se recueillir en cet endroit et me souvenant que son conseil m’avait sauvé la vie treize ans plus tôt, j’estimais que c’était bien le moindre effort que je pouvais faire.
En arrivant au Ohel, mon guide, chauffeur de taxi, me suggéra d’écrire un «Pane» (acrostiche de «Pidyone Néfech», «une lettre pour le rachat de l’âme») pour le lire et le déposer ensuite auprès de la tombe du Rabbi.

Je me dis que cela ne pouvait pas me faire du mal. Donc je priais pour la paix entre les peuples et la protection de ma famille.
Puis je demandai quelque chose d’autre : trois ans auparavant, j’avais eu un problème dans ma communauté de Greenville, avec des circonstances désagréables. Certains fidèles s’étaient sentis vexés et laissés de côté. Petit à petit, quelques-uns m’avaient pardonné et nous avions repris des relations amicales. Mais d’autres continuaient à m’en vouloir, en particulier les Goldberg (j’ai changé leurs noms) : nous avions été très liés à l’époque mais depuis, ils refusaient de nous parler et ignoraient tous nos efforts pour rétablir la paix entre nous, que ce soit une carte de bonne année à Roch Hachana, l’envoi de Michloa’h Manot à Pourim, nos invitations à passer Chabbat avec nous et les e-mails que j’envoyais chaque vendredi après-midi pour souhaiter Chabbat Chalom.

Je priais, dans mon «Pane», pour la réconciliation avec tous les fidèles et en particulier avec les Goldberg. Je le lis auprès du tombeau puis le déposai, selon la coutume, avec tous les papiers laissés là par des milliers d’autres Juifs.

Il était déjà 18h. Je me lavai les mains rituellement (comme il est de coutume quand on sort d’un cimetière), pris un café avec des biscuits (quelle merveilleuse hospitalité !) puis mon chauffeur me conduisit à toute vitesse à l’aéroport. Une fois que mes bagages furent enregistrés, je téléphonai à mon épouse Linda pour lui confirmer que l’avion partirait à l’heure.
«Tu ne devineras jamais qui vient de me téléphoner, me dit-elle triomphalement : les Goldberg !»
Stupéfait mais heureux, je lui demandai quelle en avait été la raison.
«Rien de particulier, dit-elle, ils voulaient juste dire bonjour !»
«Te souviens-tu à quelle heure ils ont appelé ?»
«C’était à peu près à 18h 05 !»

* * *

Comprenez-moi ! A part le soulagement légitime que j’ai ressenti, je n’ai l’intention de convaincre personne : ni à vous forcer à croire aux miracles ni à déduire que le Rabbi a des pouvoirs surnaturels ni que j’ai mérité une intercession divine.
Non, je n’ai qu’une idée : c’est de faire comprendre qu’on ne sait jamais. Nous espérons, mais nous ne savons jamais. Nous sommes si souvent étonnés… Le soleil peut jaillir de l’abîme…
Un détour inopiné par le Ohel ? Une coïncidence ? Non, je ne le crois pas !

Marc Wilson – Greenville S.C.
www.marcmusing.com
The Charlotte Observer – Le’haïm
Traduit par Feiga Lubecki