Un des ‘Hassidim qui avait réussi à fuir l’Union Soviétique dans les années 60 arriva enfin aux Etats-Unis. Toute son éducation juive s’était effectuée dans les «écoles» clandestines du réseau mis en place par le précédent Rabbi de Loubavitch et maintenu par le Rabbi. Malgré l’angoisse omniprésente d’être dénoncé, malgré les conditions très sommaires de confort, malgré la séparation obligée d’avec ses parents, il avait atteint un niveau d’érudition en Talmud et en ‘Hassidout digne des grandes Yechivot du monde occidental. Cela ne l’empêchait pas de rester humble et discret et, de fait, nul n’imaginait qu’il possédait tant de connaissances.
Une fois admis en «Ye’hidout» (entrevue privée) dans le bureau du Rabbi, à Brooklyn, il fut amené à discuter de nombreux sujets et, bien qu’il tentât de la dissimuler, son érudition était connue du Rabbi qui déclara : «On m’a parlé de votre érudition à cette table. Et, autour de cette table, on ne raconte pas de mensonges !». Finalement, le Rabbi demanda à ce ‘Hassid de se rendre auprès du grand décisionnaire, Rav Moché Feinstein (auteur des responsa «Iguerot Moché») afin de discuter de certains sujets importants.
Le ‘Hassid se rendit chez Rav Moché Feinstein à Hochaana Rabba, le dernier jour de Souccot. Rav Moché fut stupéfait : comment un homme avait-il pu atteindre un si haut niveau de connaissance malgré l’inconfort, le stress et les persécutions qu’il avait subis en Union Soviétique ? Leur discussion fut d’une haute tenue spirituelle puis, avant que le ‘Hassid ne prenne congé, Rav Moché lui dit de demander au Rabbi, de sa part, une bénédiction pour un certain malade hospitalisé dont il donna le prénom hébraïque, ainsi que le prénom de sa mère.
Pressé de retourner à Crown-Heights avant la fête, le ‘Hassid se dépêcha et parvint à obtenir une audience auprès du Rabbi le jour-même pour rendre compte de sa conversation avec Rav Moché Feinstein et transmettre la demande de bénédiction.
Bien que le Rabbi fût extrêmement occupé en ce jour de Hochaana Rabba (semblable, en bien des aspects, à Roch Hachana), il accorda sa bénédiction et ajouta qu’il serait bénéfique que le malade se rende quitte de la coutume du jour consistant à frapper cinq branches de saule sur le sol.
Deux ‘Hassidim – dont l’histoire n’a pas retenu les noms, ce qui ajoute encore à leur mérite – entendirent la réponse du Rabbi et décidèrent d’agir. Ils se précipitèrent à l’hôpital avec des branches de saule. En arrivant, ils virent les membres de la famille en grande discussion avec les médecins devant la porte de la chambre. De fait, les docteurs étaient en train de déployer de gros efforts de tact pour prévenir la famille que la situation était désespérée : le malade était inconscient et dépendait entièrement des tuyaux d’oxygène auxquels il était relié. Il n’avait plus que quelques heures à vivre.
Les ‘Hassidim informèrent la famille que le Rabbi avait donné sa bénédiction pour la guérison rapide et complète du malade mais qu’il devait accomplir le rituel des branches de saule frappées contre la terre. Les parents regardèrent les ‘Hassidim comme s’ils venaient d’une autre planète et, en haussant les épaules d’un air résigné, ils acceptèrent de les laisser pénétrer dans la pièce.
Les ‘Hassidim entrèrent, placèrent les branches de saule dans les mains du malade et les firent bouger de haut en bas. Ils saluèrent la famille et retournèrent aussi vite que possible à Crown-Heights pour procéder à leurs propres préparatifs de fête.
Quelques heures plus tard, le patient ouvrit les yeux.
Deux jours plus tard, à Sim’hat Torah, il se sentait assez bien pour descendre à la synagogue de l’hôpital et assister aux danses traditionnelles avec les rouleaux de la Torah.

* * *

Qui étaient ces ‘Hassidim ?
Peu importe leurs noms. Le Rabbi avait donné un conseil, ils avaient laissé de côté toutes leurs préoccupations personnelles et – en ce jour où ils avaient sûrement beaucoup à faire et à étudier - ils s’étaient dévoués au chevet d’une personne qu’ils ne connaissaient pas, malgré sa situation désespérée.

A nous d’imiter leur exemple et d’accomplir exactement les directives du Rabbi afin d’accueillir aujourd’hui encore notre juste Machia’h.

Rav Eli Touger
traduit par Feiga Lubecki