Quelques jours après Roch Hachana, Rav Yossef Groner qui, avec son épouse, s’occupe de la communauté de Charlotte (Caroline du Nord), s’apprêtait à quitter la synagogue après l’office du matin. C’est alors qu’entra M. Walter Schechter, tout excité :
“Mes amis ! Ecoutez bien ce que je vais vous raconter ! Vous savez que je joue toutes les semaines au tennis avec mon ami Larry. Sa fille, Debra, habite à Los Angeles. Elle a une très bonne situation et est très bien installée. En ce qui concerne le judaïsme, disons… qu’elle n’a pas les mêmes opinions que son père. Celui-ci lui a téléphoné juste avant Roch Hachana pour lui souhaiter une bonne et douce année. Il lui a aussi recommandé de se rendre à la synagogue : “Debra ! Tu sais que Roch Hachana est un jour important ! Un jour durant lequel un Juif se rattache à D.ieu et à la communauté. De plus, tu écouteras le Choffar, ce qui est une Mitsva très importante !”.
“Papa, je t’en prie, laisse-moi tranquille. Pour moi, tous ces trucs spirituels ne signifient pas grand-chose. De plus, j’ai un travail fou en ce moment et je ne peux pas me permettre ce genre de sorties !”
Larry n’a pas insisté. Il aime trop sa fille pour engager une discussion. Il s’est contenté de renouveler ses vœux et d’espérer qu’elle serait plus réceptive une autre fois.
Le lendemain de Roch Hachana, Larry a reçu un coup de fil de sa fille. Elle était bouleversée par ce dont elle avait été témoin : le matin de Roch Hachana, sans doute à l’heure où Larry priait dans sa synagogue à Charlotte, elle marchait sur Wilshire Boulvard pour se rendre à son bureau. En attendant de traverser la route à un feu rouge, elle a aperçu un jeune homme barbu, avec un chapeau et une redingote typiquement ‘hassidique qui s’approchait d’un clochard, assis juste devant un magasin. Et voilà ce qu’elle a entendu :
“Bonjour Monsieur !”
Etonné, le clochard a regardé le ‘Hassid comme pour dire : “Personne ne m’appelle Monsieur ! Et personne ne me souhaite Bonjour !”
“Bonjour, Monsieur” répéta le ‘Hassid, un peu plus fort.
Plus de doute. Le clochard comprit que le ‘Hassid s’adressait bien à lui. Son visage s’illumina.
“J’espère que je ne vous dérange pas mais… êtes-vous juif ?”
“Oui ! Je m’appelle David !”
“Aujourd’hui, David, c’est le début de la nouvelle année juive, c’est Roch Hachana ! Et nous sonnons dans le Choffar, une corne de bélier dont le son nous rappelle la présence de D.ieu, du Roi du monde ! Avez-vous déjà entendu le Choffar aujourd’hui, David ?”
“Heu… non !”
Le ‘Hassid a sorti le Choffar de son sac. Il a enlevé sa Kippa de dessous son chapeau et l’a posée sur les cheveux longs et crasseux de David. Il lui a fait réciter les bénédictions et a sonné le Choffar.
“Papa, dit Debra, en voyant cet homme religieux agir aussi gentiment envers ce pauvre homme dont la plupart des gens s’écartent avec gêne, j’ai ressenti un profond sentiment religieux ce matin-là. Ce coin de rue était ma synagogue ce Roch Hachana !”

Malka Touger
traduite par Feiga Lubecki