Je suis assise dans la position du lotus sur le sol de ma chambre, à mi-chemin entre mon heure de yoga et celle de méditation. Les larmes coulent de mes yeux et la respiration que je devrais contrôler me brise les côtes.
Désespérée, je regarde le plafond, essayant de voir au-delà, d’apercevoir le ciel, D.ieu, l’Univers, la divinité, enfin “quelque chose” vers lequel (ou laquelle ?) prier:
“Donne-moi, maintenant, mon mentor spirituel, celui qui me guidera vers davantage de bien parce que je sais ce que je suis supposée accomplir dans la vie mais j’ignore comment… Et ne me fais pas tourner en rond !”
Pas étonnant que je sois si perdue: je suis un prototype de Juif errant: j’ai fréquenté des synagogues libérales, j’aime l’engagement politique, social et culturel, mais je n’ai plus d’illusion sur D.ieu et le judaïsme. Non, mon identité actuelle est un mélange de philosophies orientales à la sauce américaine. Non, je n’irai pas jusqu’à rechercher la sagesse dans un ashram en Inde, ce serait trop me demander. Mais je suis ce qu’on pourrait qualifier une touriste des religions, essayant à droite et à gauche, de trouver un équilibre, un sens à ma vie… Et j’habite à Los Angeles où les promesses du salut de votre âme et du bonheur perpétuel s’étalent sur tous les supports médiatiques.
Et en ce jour de février 2001, mon âme souffre. Ma prière sera-t-elle exaucée ?
Le lendemain, j’ouvre ma boîte à e-mails, mais ne reconnais pas une des adresses. La plupart du temps, je n’ouvre pas les mails provenant d’inconnus mais celui-là, je l’ai ouvert. Il s’agit d’un Juif orthodoxe qui s’adresse à quelqu’un qui porte le même nom que moi, qui est peut-être une lointaine cousine. Ma famille est laïque, mes cousins sont athés pour la plupart. A qui cet e-mail peut-il bien être adressé ?
De fait, j’ignorais que D.ieu utilisait Internet, que mon itinéraire de retour vers le judaïsme m’amènerait deux fois à l’autre bout du monde et que je trouverais en Nicole Green et sa famille du Cap, en Afrique du Sud et en leur famille éloignée, les Shermans, ici, à Los Angeles, l’amitié, l’aide et l’exemple pour lesquels j’avais tant prié.

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Nicole Green est une des émissaires du Rabbi au Cap, en Afrique du Sud. Un jour Nicole avait organisé pour les femmes juives du Cap une conférence où avait parlé Mme Myriam Swerdlov de Brooklyn. Suite à la réussite de cette soirée, Nicole avait décidé d’envoyer au mari et aux enfants de Myriam un e-mail pour les remercier de lui avoir “prêté une épouse et une mère aussi exceptionnelle”.
“Quelques jours plus tard, raconte Nicole, je reçus en réponse un e-mail très étrange. L’expéditeur expliquait qu’elle avait reçu mon e-mail qui, apparemment ne lui était pas destiné mais qu’elle était prête à le renvoyer à la bonne adresse. Elle s’appelait aussi Swerdlov, mais elle habitait à Los Angeles, en Californie.
“Je compris alors que j’avais mal noté le nom de Myriam: Swerdlov avec un V à la fin et non un W ! Je renvoyai donc un e-mail à la famille de Myriam à Brooklyn et me demandai comment répondre à cette Yael de Los Angeles.
“Il s’ensuivit plus de trois cents e-mails entre Yael et moi, dans lesquels nous avons tenté ensemble de définir le “chemin long mais court” vers D.ieu et vers autrui. Il y eut des échanges très fructueux et d’autres dont l’importance reste encore à dévoiler.
Yael posait des questions très pertinentes sur les relations à autrui. J’avais souvent à creuser profondément à l’intérieur de moi-même et j’ai passé des heures devant mon ordinateur en me demandant: “Si j’étais à sa place, la réponse du judaïsme ainsi formulée me conviendrait-elle ou non ?”. Tout au long de ces échanges d’e-mails, Yael fit preuve d’une honnêteté fondamentale et ce fut un honneur pour moi de rechercher comment répondre à ses arguments imprégnés de la culture californienne.
J’enrôlai mes cousins à Los Angeles et Yael fit leur connaissance; elle fut bien accueillie non seulement par eux mais par toute leur communauté. C’est un long chemin, mais tout est disponible pour quiconque veut apprendre et pratiquer ”.

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Quant à Yael, elle est toujours émerveillée d’avoir rencontré des gens qui sont sincèrement à sa disposition pour discuter de son bien-être spirituel, pour l’accepter parmi eux malgré leurs styles de vie si différents. Les familles Green et Sherman dont elle a fait la connaissance s’assurent toujours que leurs idées seront traduites dans la pratique d’un judaïsme bien compris.
“Même si je ne suis pas (encore) pratiquante à 100 %, je me sens accueillie à bras ouverts et nous avons des idées et des expériences à partager. Cela ne fait que deux ans que j’ai eu accès à ce monde si différent mais je ne peux décrire la sérénité qui m’entoure quand j’allume ma bougie de Chabbat, quand je m’arrête au milieu de mon travail pour réciter la “Amida” ou comment mon âme danse de joie quand je prie dans une synagogue orthodoxe le Chabbat matin. Et quand on me demande ce qui me rend si joyeuse, je réponds tout simplement: “l’étude de la Torah !”. Oui, c’est bien moi, Barou’h Hachem (D.ieu merci) !
Ce voyage n’est encore pas terminé et il n’est pas facile. Nicole me propose continuellement d’autres débats, mais n’utilise pas toujours mes définitions. Elle me rappelle gentiment que D.ieu s’occupe aussi des détails, qu’il faut imprégner toute la Création de sainteté. Je sens que je suis doucement ramenée “à la maison”…

Yael Swerdlov
traduite par Feiga Lubecki