Rav Chlomo ‘Haïm Bernstein est un ancien directeur de Yechiva et habite actuellement à Bné Brak.

A l’âge de dix ans, le jeune Chlomo ‘Haïm fut accepté dans la Yechiva de Rav Chimon Grinfeld dans la ville de Sémiali en Hongrie. Le “Maharchag” - car c’est par ses initiales qu’on appelait Rav Chimon - était un des grands érudits de Hongrie: son esprit aiguisé par l’étude talmudique avait développé une manière originale d’expliquer les textes et de trancher la loi.
De 1928 à 1930, Chlomo ‘Haïm avait fréquenté assidûment la Yechiva, s’était imprégné de l’enseignement de son maître qui lui avait fait découvrir des profondeurs de sagesse. Même soixante-dix ans plus tard, le Rav Bernstein se souvenait de ces années de bonheur et avait entrepris de rédiger des livres pour propager ce système d’étude toranique.
En 1969, Rav Bernstein était depuis de longues années lui-même directeur de Yechiva au Brésil. Transmettre ses connaissances et sa façon de vivre aux jeunes Juifs de sa ville était pour lui un vrai régal. Par contre, Rav Bernstein souffrait de ses mauvaises relations avec les notables de la communauté: en effet, ceux-ci lui reprochaient d’être “trop religieux” et pas assez “ouvert” alors que le Rav ne faisait qu’appliquer les principes essentiels de la loi juive, sans compromis.
Devait-il continuer ? Il aurait bien voulu s’établir tranquillement en Israël d’où il recevait des propositions de travail bien tentantes.
“A l’époque, je devais me rendre à New York pour le mariage de mon fils, raconte-t-il. Rav Chabtaï Halperin, émissaire du Rabbi au Brésil, et à qui j’avais confié mon dilemme, me suggéra de demander conseil au Rabbi. C’est ce je fis: je fus reçu en audience privée et le Rabbi me demanda d’où je venais. Je répondis que j’étais né en Hongrie. Le Rabbi me demanda où j’avais étudié et je dis que j’avais eu le mérite d’apprendre la Torah de la bouche d’un Rabbin célèbre de Hongrie. Je n’avais pas mentionné son nom, estimant que puisque le Rabbi lui-même venait d’Ukraine, il ne pouvait pas connaître les rabbins hongrois.
- Racontez-moi quelque chose à son propos, dit le Rabbi en souriant.
- Tout le monde l’appelait “le Maharchag” commençai-je alors que je voulais exposer sa personnalité extraordinaire et son érudition.
Mais le Rabbi ne me laissa pas terminer:
- Le “Maharchag” cite soixante-dix sept fois l’opinion de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi (fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad) dans son Choul’han Arou’h !
J’étais stupéfait. Mais le Rabbi continuait :
- Tant et tant de fois (je ne me souviens plus du nombre exact cité par le Rabbi) le “Maharchag” résout des questions sur l’opinion de Rabbi Chnéour Zalman et tant et tant de fois (je ne me souviens plus du nombre exact) le Maharchag pose des questions sans y répondre.
J’avais comme la langue coupée. Comment avais-je pu imaginer que le Rabbi ne connaissait pas le Maharchag ?
Durant la conversation qui suivit, je me rendis compte que le Rabbi connaissait parfaitement le monde des Yechivot de Hongrie avant la guerre. Je dois avouer qu’il m’est arrivé de rencontrer de grandes personnalités, des génies de la Torah mais jamais une personne aussi experte dans tous les domaines de la Torah comme lui.
Comme je l’ai dit, j’étais venu voir le Rabbi pour un problème bien particulier. J’exposai donc mes arguments pour et contre: d’une part le plaisir que je retirai de l’enseignement prodigué aux jeunes gens et, d’autre part, les accrochages constants avec les notables de la communauté à propos de mon “fanatisme”.
- Vous rendez-vous compte, répondit le Rabbi, que si vous quittez votre poste, ce sera une personne bien moins pratiquante qui vous remplacera ? Avec cette personne, les notables de votre communauté s’accommoderont sans peine ! Le fait même que les partisans des compromis ne vous acceptent pas prouve votre grande réussite. Vous êtes le seul là-bas à pouvoir protéger et promouvoir le judaïsme authentique. Vous devez retourner au Brésil et continuer à enseigner!
Le Rabbi avait parlé avec une telle simplicité et une telle conviction qu’il m’avait donné la force et le courage de reprendre mon activité. Tel un véritable leader, il avait pris en compte tous les paramètres du problème et avait ôté de mon esprit tous les doutes. Je n’étais resté que dix minutes dans le bureau du Rabbi de Loubavitch, mais j’en sortis renforcé, émerveillé par sa personnalité, par ce que j’avais vu et entendu: cette érudition d’une part et ce souci pour la communauté juive d’autre part.
Je retournai au Brésil et je repris mes activités avec un enthousiasme renouvelé durant de longues années.

Traduit par Feiga Lubecki