Au début des années 70, le travail accompli par le délégué du Rabbi de Loubavitch pour la région parisienne, le Rav Chmouel Asimov, apparaissait déjà clairement.

Ils ou elles venaient d'horizons très divers. Certains avaient en route franchi quelques barricades d'un mois de mai ensoleillé, d'autres les pièges de spiritualités de pacotille qui avaient alors cours. Beaucoup venaient de milieux où le judaïsme n'était plus qu'une tradition qui, d'année en année, paraissait s'effriter sous les assauts d'une modernité qui semblait pimpante.

Nissim était né à Oran une vingtaine d'années plus tôt, dans une Algérie qui était encore française. Sommés comme tant d'autres de choisir entre la valise et le cercueil, ses parents étaient venus en « métropole », dans cette France qu'ils connaissaient principalement par ce que leur en avait appris l'école (et par quelques champs de bataille).

C'est à Paris, donc, que Nissim rencontra le 'hassidisme. Et que bien vite grandit en lui le désir de se rendre à New York pour y rencontrer le Rabbi.

Ainsi, à l'été 1973, il arpentait les trottoirs de Crown Heights à Brooklyn sous le regard peut-être circonspect des vieux 'hassidim qui découvraient cet exotisme nouveau pour eux : les Français.

Il était parti vers le 15 août pour les célébrations du 20 av, anniversaire du décès du père du Rabbi dans l'exil où l'avait relégué la barbarie soviétique.

Nissim comptait qu'à cette occasion il pourrait bénéficier d'une entrevue particulière avec le Rabbi, une ye'hidout. Dès son arrivée, il avait déposé une lettre au secrétariat qui formulait différentes requêtes. Mais on apprit bien vite que, pour différentes raisons, il n'y aurait pas de ye'hidout et qu'il faudrait attendre celles organisées à l'occasion des premiers jours du mois d'Elloul, une bonne dizaine de jours plus tard.

Bien qu'attendu à Paris par son travail, Nissim décida de rester et fut effectivement reçu.

Ainsi arriva la nuit au cours de laquelle, tremblant, il se présenta devant le Rabbi. Selon la tradition il lui remit une lettre qui contenait les questions qu'il souhaitait poser et ses demandes de bénédictions.

Le bureau du Rabbi était alors littéralement jonché de toutes les lettres reçues dans la dernière période. Ce que vit alors Nissim, pour toujours restera gravé dans sa mémoire : la main du Rabbi s'engagea sous cette masse absolument informelle de papier. Sans un regard, aussi sûrement que l'aimant attire à lui la pièce métallique, le Rabbi ressortit, d'entre toutes les lettres, celle que Nissim avait, une vingtaine de jours plus tôt, déposée à son secrétariat !