Le Rav était fébrile : ce Chabbat, un invité prestigieux le passerait dans sa demeure, le Baal Chem Tov en personne ! En une telle circonstance, il fallait que tout soit parfait. Comment monter assez de déférence à ce Prince d'Israël ? Son épouse tenta de le rassurer. Elle avait veillé à faire provision de tout ce qui était nécessaire à la célébration d'un Chabbat aussi exceptionnel. Ainsi, assura t'elle, elle avait acheté la meilleure, la plus succulente des viandes.



Las, quand elle entra dans sa cuisine pour l'accommoder, la viande avait disparu. En pleurs devant le phénomène aussi fâcheux qu'inexplicable, elle alla frapper à la porte de sa voisine. Pourrait-elle au moins lui en prêter quelques morceaux ?



Mais le mystère s'épaississait : la voisine non plus ne retrouvait pas trace de la viande achetée le matin même en prévision du Chabbat. Plus encore, une nouvelle tentative, dans une autre maison du voisinage aboutit au même résultat ! Et on était maintenant à quelques heures de Chabbat !



Désespérée l'épouse du Rav regagna son foyer. Le Baal Chem Tov était là ! C'est alors qu'à travers une fenêtre, elle aperçut le cho'het , l'abatteur rituel qui passait. Voyant là sa dernière chance de préparer un Chabbat convenable, elle l'interpella sans hésiter. « Oui, annonça t'il, j'ai encore de la viande d'un veau abattu ce matin, tendre et bonne.



Le Baal Chem Tov avait tout entendu. Il s'adressa directement au cho'het. « J'apprécie beaucoup la tête de veau. Peux-tu l'apporter immédiatement pour la débarasser devant moi des nerfs qui doivent en être retirés ? ». L'homme s'exécuta immédiatement. Mais à son retour le Baal Chem Tov lui posa une étrange question : « Certains disent pouvoir reconnaître un animal au nombre de ses dents. Peux-tu me dire combien ce veau a de dents ? ».



Le cho'het introduisit sa main dans la gueule béante. Qui se referma aussitôt ! L'homme hurlait de douleur ! « Pourquoi cries-tu », lui dit le Baal Chem Tov ce veau est pourtant mort. Confesse tes fautes ! Tu n'as jamais vérifié le poumon d'une bête, n'est-ce pas ? Tu décides arbitrairement qu'elles sont cachères ! ».



L'homme avoua sa faute et le Baal Chem Tov lui indiqua comment la réparer.