Lorsque le Tséma’h Tsédek, (Rabbi Mena’hem Mendel, troisième Rabbi de Loubavitch) procéda à la pose de la première pierre de sa synagogue, les ‘Hassidim organisèrent une grande fête. Ils préparèrent des tables et des chaises et apportèrent vodka, cornichons et gâteaux secs pour une joyeuse réunion ‘hassidique.

Quand le Rabbi Tséma’h Tsédek arriva, il leur demanda : « Que préférez-vous écouter : un discours ‘hassidique ou une histoire ? »

Les ‘Hassidim répondirent immédiatement, à l’unanimité : « Une histoire ! »

Le Tséma’h Tsédek commença ainsi : 

« Il était une fois un Juif du nom de Reb Yaakov qui était un ‘Hassid du Rabbi de Rouzhine (Rabbi Israël Friedman, arrière petit-fils du Maguid de Mézeritch).
Ce Reb Yaakov louait une auberge à un collecteur d’impôts, Juif lui aussi et qui s’appelait également Reb Yaakov. C’était un homme honnête, craignant D.ieu ; lui-même louait cette auberge à son vrai propriétaire, un « Paritz », un noble polonais qui possédait de nombreux terrains et villages.

L’aubergiste était très pauvre. Cela faisant longtemps qu’il n’avait plus payé son loyer. Après une certaine période d’attente, le collecteur d’impôts rappela à Reb Yaakov qu’il risquait d’être expulsé s’il n’apportait pas la somme convenue. Inquiet, Reb Yaakov se rendit chez son Rabbi, le Rabbi de Rouzhine. Comprenant le désespoir de son ‘Hassid, le Rabbi se tourna vers le collecteur d’impôts et lui demanda d’avoir pitié de l’aubergiste et de ses enfants affamés, bref d’annuler carrément toute la dette. Comme ce collecteur d’impôts était un homme droit et honnête, il accepta. Non seulement il annula toute la dette mais il décida même de diminuer les loyers futurs, en demandant néanmoins à l’aubergiste de veiller, désormais, à être régulier dans ses paiements.

Malheureusement, la situation ne fit qu’empirer et l’aubergiste reçut à nouveau un avis d’expulsion. A nouveau, il se précipita chez le Rabbi de Rouzhine qui, encore une fois, supplia le collecteur d’impôts d’annuler la dette, ce qu’il fit, c’est-à-dire qu’il paya encore une fois, de sa poche, la dette de l’aubergiste au Paritz. Maintenant il était allé au bout de ses possibilités : il n’avait d’autre choix que d’expulser son malheureux corréligionnaire et sa famille.

Pour la troisième fois, Reb Yaakov partit supplier son Rabbi d’intervenir. Celui-ci fit appeler l’autre Reb Yaakov mais, cette fois, il ne put obtenir de lui un nouveau report de dette.

J’ai fait tout ce qu’il était humainement possible de faire, répondit-il. J’ai annulé ses dettes une première fois, puis une seconde fois. C’est mon argent qui est mis à contribution ici, pas celui du Rabbi !

L’expulsion ne put être retardée une troisième fois et la famille de l’aubergiste se retrouva sans logement et sans gagne-pain…

Des années plus tard, Reb Yaakov le collecteur d’impôts, décéda. Son âme monta vers le Monde de la Vérité. Les anges accusateurs le déclarèrent coupable d’avoir expulsé une pauvre famille juive ,  « Qu’ai-je fait de si grave ? plaida Reb Yaakov. Combien de fois ai-je annulé la dette et lui ai-je laissé le temps de payer ses nouveaux loyers ! De plus, j’ai même proposé de les diminuer ! Qu’aurais-je pu faire de plus ? Etais-je supposé jeter tout mon argent en sa faveur ? » demanda-t-il.

« Et puis, continua-t-il, que connaissez-vous de la valeur de l’argent ? Vous, les anges, vous ne savez pas ce que c’est et vous ne comprenez pas ces choses-là. Vous ne pouvez donc pas prétendre juger ce cas. Je demande à être jugé par un tribunal composé par des personnes qui ont déjà vécu sur terre et qui connaissent le problème ! » insista-t-il. 

On convoqua à la hâte un tribunal céleste composé du Ba’h (Rabbi Yoël Sirkis – 1561 – 1640) et du Beth Yossef (Rabbi Yossef Karo, auteur du Choul’hane Arou’h – 1488 – 1575). Après avoir entendu les arguments des deux parties, eux aussi déclarèrent Reb Yaakov coupable. Mais celui-ci savait se défendre : « La seule raison pour laquelle ces deux Tsaddikim m’ont trouvé coupable, c’est qu’ils ont quitté depuis trop longtemps ce monde matériel et ils n’ont plus de notion de ce qu’est l’argent. Je demande à être jugé par des Juifs qui résident effectivement dans le monde le plus bas, le monde physique ! »

A cet instant le Rabbi Tséma’h Tsédek s’arrêta et regarda ses ‘Hassidim : « Qu’en pensez-vous ? Reb Yaakov est-il innocent ? »

Les ‘Hassidim, interloqués, ne savaient que répondre. Le Rabbi répondit à leur place : 

« Je pense que Reb Yaakov est innocent ! Qu’en pensez-vous ? »

Et le Rabbi répéta trois fois : « Non coupable, non-coupable, non coupable ! »

Les ‘Hassidim comprirent alors que dans les sphères supérieures, le Tséma’h Tsédek venait de faire pencher le jugement de Reb Yaakov du côté du mérite et lui avait permis d’entrer au Gan Eden.

Traduit par Feiga Lubecki