On était dans les jours de ‘hanouccah et un groupe de ‘hassidim, bravant un froid si intense qu’il vous pénétrait jusqu’aux os , marchait en direction de Lublin.

Ils avaient pour but de rendre visite au ‘Hozeh, le célèbre Voyant de Lublin, connu pour son extraordinaire faculté de « voir » dans le temps comme dans l’espace.

Parmi les marcheurs, l’un portait une lettre dans sa poche. En effet, l’un de ses amis, apprenant le voyage qu’il allait entreprendre, avait rédigé une demande de bénédiction à remettre au Tsaddik. Cet ami ,quelque désireux qu’il était d’obtenir pareille bénédiction ne s’autorisait pas moins certains écarts avec ce que devrait être la conduite d’un véritable ‘hassid. Ainsi n’hésitait-il pas à occuper une partie de ses journées à des jeux de cartes ou, pour parler plus crûment, à taper le carton avec des compagnons plus ou moins recommandables.

N’empêche que l’ami était arrivé à Lublin, qu’il se tenait maintenant devant le ‘Hozeh à qui il tendait la lettre. Cette lettre, le Voyant lui accorda à peine un regard, puis parut grimacer presque de dégoût, avant de la rejeter avec une autorité qui ne souffrait pas la moindre discussion !

Etait-ce de l’inconscience ou bien l’effet d’une véritable amitié, notre homme osa pourtant, à l’occasion d’une seconde entrevue, le soir même, présenter à nouveau la lettre rejetée…

Cette fois, la réaction du Tsaddik fut bien différente ; pour tout dire : absolument inattendue. A peine son regard se posa-t-il sur la feuille qu’il s’écria : « cet homme illumine véritablement l’ensemble des mondes ! ».

Devant le visage interloqué du ‘hassid, le ‘Hozeh , un fin sourire aux lèvres, consentit à expliquer : « quand j’ai vu, pour la première fois cette lettre, ton ami jouait aux cartes. En ce moment, très précisément, il allume les lumières de ‘hanouccah… ».