La fille d’un ‘Hassid de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi avait bien grandi. Il était temps de la marier mais son père n’en avait pas les moyens. Ses amis lui suggérèrent que, puisque c’était l’hiver, il devait se lancer dans le commerce des boissons fortes: « Achète une grande quantité de vodka d’une distillerie locale, lui dirent-ils, et revends-la dans une grande ville où tu pourras, avec l’aide de D.ieu, dégager un bon bénéfice ».
L’homme décida de suivre leur conseil. Il emprunta une grosse somme d’argent, acheta un gros tonneau de vodka et loua un cheval et une charrette pour transporter sa marchandise vers la grande ville.
Finalement, il arriva à destination. Il se rendit immédiatement à la foire pour commencer la vente aussi vite que possible. Il saisit le tonneau pour le décharger de la charrette mais se figea aussitôt: le tonneau était étonnamment léger! Il l’inspecta et comprit: le fond était percé! La forte odeur d’alcool l’agressa d’ailleurs tout aussi vite: les poutres en bois de la charrette en étaient imbibées et certainement on aurait pu le suivre à la trace rien qu’en reniflant l’odeur de la vodka qui s’était répandue sur son chemin... Il ne restait plus une goutte!
Effondré, en larmes, il remit le tonneau à sa place et décida de se rendre à Lyozna chez son Rabbi. Quand il fut admis dans le bureau pour une audience privée, il raconta toute son histoire. Mais de revivre ces événements ne fit qu’accroître sa peine. Il était si désolé de son malheur qu’il s’évanouit.
Quand il entendit le bruit d’une masse tombant par terre, le secrétaire du Rabbi accourut; il réussit à lui faire reprendre ses esprits mais quand le ‘Hassid réalisa à nouveau la gravité de sa situation, il s’évanouit encore une fois.
Cette fois, dès qu’il rouvrit les yeux, le Rabbi lui dit: « Maintenant tu peux rentrer chez toi; D.ieu te fera réussir dans tous tes efforts ».
Cette bénédiction encouragea le ‘Hassid qui se sentit moins désespéré. Quelques minutes plus tard, il se sentit assez d’aplomb pour remonter dans sa charrette et rentrer à la maison. Mais une fois qu’il fut arrivé chez lui, et après quelques instants de repos, il redevint progressivement nerveux: il avait perdu tout l’argent qu’on lui avait prêté et il ne voyait pas du tout comment il pourrait un jour rembourser cette somme énorme. Et de plus, il avait maintenant perdu toute chance de pouvoir aider sa fille à se marier.
Des larmes amères coulaient sur ses joues.
Il tenta de se reprendre. Mais avant qu’il ait pu sécher ses larmes, sa femme entra en courant dans la pièce: « J’ai trouvé un trésor! J’ai trouvé de l’or! » clamait-elle à tue-tête.
« De quoi parles-tu donc? » demanda le mari.
Il fallut un certain temps pour que des phrases cohérentes lui sortent de la bouche. Elle expliqua qu’elle avait pris le tonneau pour le décharger. Elle avait alors entendu un léger tintement et avait décidé de regarder à l’intérieur. Elle avait renversé le tonneau et une pluie de pièces d’or en était tombée. Une vraie fortune! Largement de quoi payer les dettes, marier leur fille puis, chaque chose en son temps, leurs autres enfants et vivre confortablement pour le reste de leurs jours.
Que s’était-il passé? Alors que le ‘Hassid dans sa charrette retournait de chez son Rabbi, il faisait un froid glacial. En arrivant devant la rivière, au lieu de faire un détour pour emprunter le pont qui l’enjambait, il avait préféré éviter cette précaution et s’était engagé directement sur la surface gelée. Pendant ce temps, un riche aristocrate russe avait, lui, choisi de passer par le pont au-dessus de lui. Apparemment sa bourse remplie de pièces d’or lui avait échappé des mains et était justement tombée dans le tonneau vide du ‘Hassid.
Quand Rabbi Chnéour Zalman entendit ce qui s’était passé, il dit immédiatement: « N’imaginez pas là que j’ai fait un miracle ou même que, lorsque je l’ai béni, j’avais une révélation divine. Ceci n’est que simple logique. Nous savons que D.ieu ne demande jamais à quelqu’un plus que ce dont il est capable, même d’un cheveu. Quand j’ai vu que ce Juif ne pouvait pas du tout supporter le malheur qui lui arrivait, je savais déjà avec certitude que D.ieu avait prévu pour lui une issue heureuse à son épreuve ».