Un instituteur de Lyozna était un 'Hassid de Rabbi Chnéor Zaïman. Lorsque celui-ci fut emprisonné, il multi-plia les jeûnes pour demander à D.ieu sa libération. Puis, lorsqu'on sut que le Rabbi était libre et s'apprêtait à rentrer à Lyozna, il laissa éclater sa joie et dansa dans les rues. Lorsque l'on en fit part à Rabbi Chnéor Zaïman, il dit: "Ainsi se comporte le riche de Lyozna."
Tous s'étonnèrent car on savait cet instituteur partic-ulièrement démuni.
Un peu plus tard, passèrent par Lyozna des soldats qui passèrent la nuit dans la ville, trois ou quatre d'entre eux logeant dans chaque maison. Chez l'instituteur, les soldats qui passèrent la nuit furent ceux qui détenaient la caisse de l'armée. Il n'y avait à l'époque pas de banque et cette caisse suivait le bataillon dans tous ses déplace-ments. Au levée du jour, les soldats reçurent l'ordre de quitter immédiatement la ville. Ils s'exécutèrent et les soldats qui se trouvaient chez l'instituteur, dans leur précipitation, oublièrent la caisse chez lui.
Une demi-heure après avoir quitté la ville, les soldats s'aperçurent de leur oubli. Ils regagnèrent la ville, passè-rent de maison en maison, mais furent incapables de retrouver celle où ils avaient passé la nuit. Ils durent donc rejoindre la garnison les mains vides.
L'instituteur se rendit alors chez Rabbi Chnéor Zaï-man, lui raconta ce qui s'était passé et lui demanda ce qu'il devait faire de la caisse. Le Rabbi lui répondit: "Annonce publiquement que l'enseignement est trop difficile, que tu as décidé d'y renoncer et d'ouvrir un petit commerce. Mais tout cela doit rester secret."
C'est ce que fit le 'Hassid.
Six mois plus tard, le Rabbi lui demanda d'ouvrir une boutique au marché, sans ostentation. Au bout de quel-ques années, cette boutique était la plus importante de toute la ville de Lyozna. Chaque fois qu'il avait une décision à prendre, le 'Hassid sollicitait le conseil de Rabbi Chnéor Zaïman.
Il eut une fois avec le Rabbi le dialogue suivant: "Où achètes-tu ta marchandise? " "AVitebsk." "Et où les commerçants de Vitebsk s'approvisionnent-ils?" "A Moscou." "Ne peux-tu te rendre toi-même à Moscou?"
Depuis ce jour, le 'Hassid s'approvisionnait à Moscou. Un peu plus tard, le Rabbi dit au 'Hassid: "Où se fournissent les commerçants de Moscou?" "A l'étranger.", fut la réponse.
"Ne peux-tu en faire de même?".
Dès lors, notre 'Hassid se rendit à l'étranger, une fois par an, comme les grands commerçants.
Lors de l'un de ses voyages, il lui vint l'idée d'acheter un cadeau au Rabbi. Il choisit une boite à tabac en or. Lorsqu'il la donna au Rabbi, celui-ci lui dit: "Ne pouvais-tu me choisir un meilleur cadeau?"
Le 'Hassid en conçut beaucoup de peine. Lors de son voyage suivant, le ' Hassid acheta une belle canne avec un pommeau en argent. Mais, là encore, le Rabbi lui signifia son insatisfaction. Le 'Hassid s'exclama: "Mais comment donc pourrais-je accomplir le souhait du Rabbi?" "Voici le cadeau que je désire. Va au théâtre. A l'étranger, il y a de nombreux théâtres."
Le 'Hassid ne s'était jamais rendu dans un tel endroit. Il demanda conseil à son hôtelier. Celui-ci lui acheta un billet et, le soir venu, lui indiqua le chemin. Le 'Hassid s'exécuta, quoi que la requête du Rabbi lui sembla bien étrange. Il pénétra dans le théâtre, prit place et s'endor-mit. A la fin de la représentation, la salle se vida mais le 'Hassid était encore profondément endormi.
L'homme qui gardait la salle se dirigea vers lui, le réveilla. Voyant qu'il était étranger, il lui dit:
"D'où viens-tu?"
"De Russie."
"De quelle ville?"
"De Lyozna."
"Connais-tu Rabbi Zaïman, fils de Rabbi Barou'h, qui habite à Lyozna?"
"Bien évidemment. C'est mon Rabbi."
"S'il en est ainsi, je suis content de te rencontrer. A ton re-tour, transmet lui le bonjour du gardien du théâtre."
Le 'Hassid fut particulièrement heureux. Il comprit qu'il était en présence d'un Tsaddik caché. Il savait main-tenant pourquoi le Rabbi l'avait envoyé au théâtre. Lors-qu'il rentra à Lyozna, il transmit le message au Rabbi, qui en fut particulièrement satisfait et lui dit: "Lorsque tu retourneras là-bas, viens me voir avant de partir."
Lorsqu'il revint, le Rabbi lui transmit le texte de quel-ques chapitres de son livre, le Tanya. "Montre-lui tout cela, dit-il, mais ne le lui laisse pas. Tu me rendras ensuite ce livre."
Le gardien du théâtre considéra le livre et dit: "Dis à Rabbi Chnéor Zaïman que ce texte est, à mon avis, excellent. Il est bon de le publier."
Quand le 'Hassid transmit ces mots au Rabbi, il dit: "Hé bien, s'il est d'accord également, il est bon en effet, d'imprimer le Tanya."
Jusqu'à ce jour, personne ne sait qui était cet homme.