On était en été 1981 et Rav H., directeur de plusieurs institutions scolaires en Israël, reçut une lettre recommandée de la banque : on le mettait en demeure de rembourser une somme considérable d’ici trente jours sous peine de mesures légales drastiques.
Réalisant que la banque était sérieuse et soupirant qu’effectivement, il n’était pas raisonnable de dépasser presque constamment le découvert autorisé, Rav H. décida à contrecœur qu’il n’avait d’autre choix que de se rendre pour un mois aux États-Unis afin de ramasser des fonds auprès de la communauté juive américaine réputée pour sa générosité. Il téléphona à quelques amis à New York en leur demandant de l’aider à sauver les institutions dont dépendaient tant de personnes.
Tous acceptèrent : chacun contacta des amis et connaissances et l’agenda de Rav H. se remplit de rendez-vous. Comme prévu, les contributions furent généreuses : il avait réussi à ramasser 64 000 dollars, ce qui était appréciable mais, trois jours avant son retour en Israël, il manquait encore une somme importante. Il partagea sa préoccupation avec son hôte qui l’avait si gentiment hébergé jusque-là et celui-ci réfléchit :
- Si j’étais à ta place, j’irais demander un conseil et une bénédiction au Rabbi de Loubavitch !
- Comment ? Mais je n’ai aucun lien avec le Rabbi ! Je n’ai rien contre son mouvement mais tu le sais bien, je suis d’origine marocaine alors que les Loubavitch sont ashkénazes etc. Nous avons nos propres coutumes et institutions…
- Moi non plus je ne suis pas Loubavitch et d’ailleurs je ne suis pas non plus marocain. Mais je sais que le Rabbi a aidé de nombreuses institutions en crise – quelles que soient leur orientation. Je vais t’arranger un rendez-vous.
Rav H. se sentait très gêné : mais avait-il le choix ? Il avait épuisé toutes les solutions et, de plus, cet ami l’avait tellement aidé jusque-là qu’il ne pouvait se permettre de rejeter son conseil. Il écrivit au Rabbi, décrivit les institutions qui dépendaient du succès de sa mission, entra dans le bureau et annonça combien il avait réussi à récolter mais aussi combien il lui manquait.
Le Rabbi lui souhaita de réussir dans sa mission et ajouta qu’il devait se rendre à Montréal !
Quand il rejoignit son ami devant la synagogue du 770 Eastern Parkway, Rav H. ne cacha pas sa déception : « Le Rabbi m’a dit d’aller à Montréal ! Pourquoi ? Chez qui ? Dois-je rester assis là-bas dans l’aéroport et attendre les bras croisés ? Je ne comprends pas ! ».
L’ami le rassura : « Si le Rabbi t’a parlé clairement de Montréal, je te paie le billet pour y aller. Connais-tu quelqu’un là-bas ? »
Oui, il connaissait Rav David Cohen, un Loubavitch d’origine marocaine. Il lui téléphona, lui raconta son histoire et Rav Cohen accepta tout de suite de l’héberger pour ces deux jours et de l’aider. Pendant que Rav H. voyageait, Rav Cohen réfléchit : il était Sofer (scribe) et se souvenait qu’un Juif avait une fois évoqué la possibilité de commander l’écriture d’un Séfer Torah mais n’avait pas donné suite à cette idée. C’était peut-être le moment de le contacter et de lui demander s’il ne voulait pas, plutôt, soulager financièrement ce directeur d’institution.
Effectivement, le « client » éventuel du Sofer se montra intéressé et proposa à Rav Cohen et son invité de venir le rencontrer à son domicile. Arrivé sur place, Rav H. décrivit ses activités en Israël, soulignant combien elles étaient indispensables à la collectivité et ajouta qu’il s’était rendu au Canada à la demande du Rabbi de Loubavitch – bien qu’il n’en comprenne pas la raison.
L’hôte écouta attentivement puis ouvrit son tiroir et signa plusieurs chèques. Il les tendit à Rav H. en précisant qu’il pouvait encaisser immédiatement le premier d’un montant de 8000 dollars et les trois suivants aux dates indiquées. Il précisa qu’il était persuadé qu’en présentant ces trois chèques à d’autres personnes, il obtiendrait qu’on lui fasse confiance et qu’on lui prête la somme manquante.
Rav H. était plus que soulagé de la tournure des événements ! Cet inconnu lui avait donné l’argent dont il avait désespérément besoin sans qu’il ait dû insister – et tout cela grâce au fait qu’il avait suivi exactement la consigne incompréhensible du Rabbi !
- Il me reste une question si je puis me permettre, demanda-t-il respectueusement après un premier moment de sidération. Il est évident que vous ne disposez pas actuellement de toute cette somme : alors pourquoi vous engagez-vous pour des institutions à l’étranger que vous ne connaissez même pas ?
- Aujourd’hui, déclara l’homme après une profonde respiration, c’est mon 36ème anniversaire. Vous m’avez précisé que le Rabbi vous avait envoyé à Montréal alors que vous n’y connaissez personne à part Rav Cohen. Or celui-ci n’est ni un notable ni un collecteur de fonds et je ne pense pas qu’il connaisse beaucoup de donateurs potentiels. Donc j’ai compris que le Rabbi vous avait dirigé vers moi, le jour de mon 36ème anniversaire pour que je vous aide justement avec 36 000 dollars. J’ai décidé d’accéder à la demande muette du Tsadik en entier et je suis persuadé qu’il me bénira afin que je puisse accomplir ma promesse dans la largesse et ainsi vivre de mon mieux cette trente-sixième année !
Rav Avtzon – Jewish News - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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- Publication : 4 mai 2025