Je viens d’une famille traditionaliste. Je me suis mariée et m’attendais à avoir bien vite une maison remplie d’enfants courant dans tous les sens. Mais une année passa puis une autre et la maison restait silencieuse. Huit années s’écoulèrent et la table n’était mise que pour deux…


Un Chabbat, je décidai de m’habiller dorénavant comme il convient pour une princesse, fille de Sarah, Rivka, Ra’hel et Léa. Mon mari n’en revenait pas mais pensa que ce serait une lubie passagère. Mais j’étais décidée et, le lendemain, je jetai sans regret tous mes vêtements qui n’étaient pas conformes à la Tsniout.

Puis je rencontrai ‘Hanna Abramowitz, émissaire du mouvement ‘Habad (« ‘Habad, c’est quoi ? » lui demandai-je, étonnée) qui me proposa de participer aux activités de Shifra OuPoua, pour aider les dames qui venaient de donner naissance. J’acceptai volontiers mais ce fut difficile, non pas physiquement mais émotionnellement : voir des bébés, des berceaux, des jouets… tout ceci me rappelait ma propre situation et augmentait ma peine. Partout, je remarquai la photo du Rabbi et, un jour, je me décidai : je devais aller le voir. Mon mari haussa les épaules mais j’insistai. Rav Diskin de Kyriat Ata me mit en contact avec le regretté Rav Eliézer Ceitlin de Safed qui organisait justement un voyage au 770 Eastern Parkway à Brooklyn en l’honneur de Lag Baomer. Quand je lui téléphonai, il regretta de m’annoncer qu’il n’avait plus de place disponible. Mais, quelques instants plus tard, il me rappela : une dame venait d’annuler sa participation et il avait maintenant une place. Pour le lendemain !

Je réfléchis à la vitesse de l’éclair : oui j’avais une valise, j’avais des vêtements prêts, j’avais un passeport valable mais… je n’avais pas de visa !

Le lendemain (le jour prévu pour le vol vers les États-Unis), je me rendis à la première heure au Consulat américain. L’employée fut très compréhensive et sympathique, prit mon passeport et… m’invita à revenir le récupérer dans trois jours ! Puis elle appela la personne suivante !

- Impossible, protestai-je de toutes mes forces (moi qui suis d’ordinaire si polie et obéissante !). Vous ne comprenez pas ? Je dois partir ce soir !

- Ce soir ? Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Je ne peux pas vous accorder un visa – sauf si vous m’apportez votre billet !

En larmes, je téléphonai à l’agence de voyage de Rav Ceitlin : le billet se trouvait à Safed et il avait été prévu de me le remettre le soir-même à l’aéroport (souvenez-vous, il n’y avait pas de smartphone à l’époque…). Finalement l’agence de Safed s’arrangea avec la compagnie Tower Air (dont les bureaux étaient situés à côté du Consulat) et me délivra un billet. Je me précipitai vers le Consulat mais les portes étaient maintenant hermétiquement fermées ! Je voyais cependant qu’il y avait encore des employés à l’intérieur et je m’étonnai une fois de plus quand je criai à en perdre la voix pour qu’on me laisse entrer ! Je réussis ! On m’ouvrit la porte et, une demi-heure plus tard, j’avais le précieux visa en poche !

Quand j’arrivai finalement au 770, je vécus comme sur un nuage : la synagogue, les prières avec le Rabbi, les réunions ‘hassidiques, des Juifs de toutes origines, les dollars (j’en amassai onze au final) que le Rabbi distribuait en de nombreuses occasions afin d’en remettre l’équivalent à la Tsedaka (charité), les préparatifs pour la grandiose parade de Lag Baomer… A un moment donné, j’entendis une conversation entre deux femmes :

- Tu n’as pas encore d’enfant, n’est-ce pas ?

- Exact !

- Aujourd’hui c’est Lag Baomer, un jour propice pour les bénédictions – surtout en ce qui concerne les enfants… Va attendre le Rabbi sur Union Street quand il sortira du Mikvé, avant qu’il n’aille prier au Ohel ! Maintenant !

Je n’entendis pas la suite de cette conversation car je me précipitai vers Union Street. Il pleuvait à torrent, mes pieds s’enfonçaient dans des flaques de boue mais j’arrivai devant le Mikvé, tremblante de froid et d’émotion et, surprise, je m’entendis crier : « Rabbi, je veux des enfants ! ». Le Rabbi me sourit, me bénit et, en extase malgré la pluie battante, je retournai sur Eastern Parkway où la parade allait commencer. A peine le Rabbi sortit pour prendre place sur l’estrade que le soleil réapparut, la pluie s’arrêta comme si les gouttes d’eau étaient restées suspendues dans l’air. L’orchestre, les chars décorés, les élèves des écoles défilant dans un ordre parfait et même un groupe de femmes dont je fis partie qui passa devant le Rabbi avec la même requête : un enfant ! Chacune de ces femmes reçut deux dollars du Rabbi, j’en reçus quatre !

Quelqu’un me suggéra de concrétiser d’ores et déjà la bénédiction du Rabbi. Comment, demandai-je, étonnée ? En achetant une poussette ! répondit-elle. Non, je ne me voyais pas acheter aux États-Unis une poussette à rapporter dans mes bagages en Israël ! Mais j’achetai quelques vêtements de bébé que je pus glisser dans ma valise.

A mon retour en Israël, je décrivis tout ce qui s’était passé et, comme je l’avais tant souhaité, même mon mari se remit à espérer. Il accepta que nous achetions une poussette mais sans que personne ne le sache.

Chaque nuit, pendant un an, je regardai la poussette en priant. Puis le miracle se produisit…

La grossesse fut difficile. Quand le médecin effectua la première échographie, il appela mon mari. J’étais si anxieuse que je ne parvenais pas à respirer. Il s’éclaircit la gorge puis, après un instant qui me sembla une éternité, annonça : « Je comprends pourquoi la grossesse est si difficile : ce sont des jumeaux ! ». Soudain je me souvins que le Rabbi ne m’avait pas donné deux dollars comme aux autres femmes mais quatre !

Par la suite, le docteur ne cacha pas son angoisse : il n’entendait plus qu’un cœur. On m’hospitalisa en catastrophe et mon mari envoya un fax en urgence au bureau du Rabbi. Quelques instants plus tard, un autre docteur m’examina et ne comprit pas pourquoi on m’avait hospitalisée : « Qui a prétendu qu’un seul cœur battait ? On entend parfaitement le second ! ». De mon lit, j’expliquai, soulagée : « Effectivement il n’en avait entendu qu’un mais le Rabbi de Loubavitch a prié pour nous ! ».

Malgré les difficultés, la grossesse se poursuivit et je mis au monde deux beaux bébés, un garçon et une fille. La Brit Mila de mon fils eut lieu le 10 Chevat, le jour anniversaire de la prise de fonction officielle du Rabbi.

Penina Salhov

Traduite par Feiga Lubecki