C’est arrivé il y a trente-huit ans. A l’époque, mon épouse et moi-même étions émissaires du Rabbi à Buffalo dans l’état de New York.

Comme la plupart des villes américaines, il n’y a pas de petits commerces à Buffalo. Si vous avez besoin de faire des courses, vous devez aller au centre commercial. C’est ainsi qu’un jour, ma femme et moi-même nous sommes partis en voiture à Wegman’s, un très grand supermarché.

De nombreux voyageurs passent par Buffalo qui se trouve sur la route des Chutes du Niagara et d’autres endroits touristiques du Canada. Souvent, ils téléphonent au Beth ‘Habad pour demander où ils peuvent passer Chabbat. Je me souviens que, quand j’habitais à Londres en Angleterre, c’était exactement la même chose : les gens s’arrêtaient pour une escale en route vers d’autres destinations et avaient besoin d’un endroit où passer une nuit ou deux.

Justement ce matin, des fidèles à la synagogue s’étaient plaints de cette attitude. Ils trouvaient que ce n’était pas normal, que les gens profitaient un peu trop de notre hospitalité et que nous devrions nous contenter de leur indiquer l’adresse de quelques hôtels. Je mentionnai leurs arguments devant ma femme dans la voiture tout en remarquant que je n’étais pas du tout d’accord : après tout, si nous nous étions installés à Buffalo, c’était certainement pour aider les autres, qu’ils soient des touristes ou des habitants locaux. C’était bien pour cela que le Rabbi nous avait envoyés dans cette ville, pour y renforcer le judaïsme et venir en aide à qui en avait besoin, n’est-ce pas ?

C’est alors que je remarquais que nous étions au bord de la panne d’essence et je m’arrêtais à la station-service la plus proche.

- Chalom !

Un homme d’une cinquantaine d’années était sorti lui aussi de sa voiture, avait mis la main dans sa poche pour en sortir une Kippa et s’approchait de moi, l’air visiblement soulagé de rencontrer un ami potentiel.

- Savez-vous où je pourrais trouver un hôtel dans les environs ?

A son accent, j’avais reconnu qu’il était israélien.

Incroyable, me dis-je ! D.ieu est-Il en train de me tester ? Je venais de parler avec ma femme de ce genre de rencontre.

- Attendez !

Je retournais à la voiture pour parler avec ma femme :

- Choulamit ! lui demandai-je par la fenêtre de sa portière, cet homme vient de me demander où il pourrait trouver un hôtel ! Pouvons-nous l’inviter à passer la nuit chez nous ?

- Bien sûr ! répondit-elle avec un sourire qui indiquait non seulement son approbation mais sa joie d’accomplir la Mitsva de l’hospitalité.

Je retournais vers l’Israélien :

- Venez chez nous !

- Oh non ! C’est impossible ! protesta-t-il. C’est très gentil de votre part mais nous sommes quatre ! Donnez-moi juste l’adresse d’un hôtel où nous pouvons passer la nuit !

Ma première réaction fut : «Incroyable ! On dirait vraiment que D.ieu me fait passer un examen !». Je retournai auprès de ma femme : 

- Ils sont quatre…

- Pas de problème ! rétorqua-t-elle.

Il me fallut beaucoup d’arguments pour qu’ils acceptent finalement de nous suivre jusque chez nous. Nous n’avions que deux chambres à coucher mais il y avait un canapé et deux lits ; un d’eux se proposa pour dormir sur une couverture posée sur le tapis et tout se passa agréablement.

Que puis-je ajouter ? C’était des gens très sympathiques, des musiciens en route pour se produire dans une grande salle de Toronto : le père, deux fils et un gendre. Nous avons bavardé une bonne partie de la nuit : ils nous posèrent une foule de questions sur le Rabbi dont ils avaient beaucoup entendu parler. Je me souviens leur avoir raconté une histoire que j’avais entendue de Rav Nachman Sudak, de mémoire bénie (principal émissaire du Rabbi en Angleterre) : quand Ariel Sharon était une fois sorti d’une Ye’hidout (audience privée) avec le Rabbi, avant la Guerre de Kippour, il avait lancé aux élèves de la Yechiva qui l’attendaient dehors :

- Les garçons ! Vous pensez du bien de votre Rabbi ? Mais vous ne connaissez même pas le centième de sa véritable grandeur !

Le lendemain, nous nous levâmes tôt pour participer à la prière du matin : grâce à mes invités, nous avons eu Minyane (les dix hommes nécessaires pour nombre de prières) et tout le monde était donc très content. Quand nous sommes retournés à la maison pour le petit déjeuner, le père alla acheter un petit vélo pour notre fils de deux ans et tous nous ont couvert de bénédictions, surtout pour mon épouse qui était au septième mois de grossesse. Ce fut vraiment une très belle expérience et nous nous sommes séparés à regret.

Six mois plus tard, je me trouvais à Crown Heights, Brooklyn, pour un grand rassemblement dans la synagogue du Rabbi, 770 Eastern Parkway. Quelqu’un me donna une tape amicale sur l’épaule : c’était le plus jeune frère :

- Vous souvenez-vous de moi ? Oui, j’ai commencé à étudier la Torah ici à la Yechiva. Mon frère s’est installé à Queens et toute la famille s’est rapprochée du judaïsme. Et tout cela grâce à la nuit que nous avons passée chez vous !

A la suite de cela, j’appris qu’ils avaient tous deux évolué de façon très positive, s’étaient mariés et avaient élevé leurs enfants dans le chemin de la Torah. Nous sommes restés de très bons amis jusqu’à aujourd’hui.

Ils sont devenus de très bons musiciens et leur relation avec le mouvement Loubavitch et le Rabbi a joué un grand rôle dans le développement de leur musique. Chaque année, à Souccot, des milliers et des milliers de gens dansent au son de la musique entraînante et dynamique des frères Yossi et Avi Piamenta.

Et tout cela débuta par la Mitsva de l’hospitalité !

Dovid Sholom Pape – Tsivot Hachem

Traduit par Feiga Lubecki