Reb ‘Haïm Chaoul Brook, directeur de la Yechiva Loubavitch de Richone LeTsione, savait, par ses histoires et ses remarques, aiguiser l’esprit de ses étudiants et stimuler leur imagination et leur réflexion. Un jour il désira leur faire comprendre combien il est nécessaire de bien utiliser son temps pour étudier en profondeur et prier avec concentration.

“Un samedi soir, un Rabbi polonais demanda à ses ‘Hassidim, comme le veut la coutume, de raconter une histoire. L’un d’entre eux se leva: “Un jour, un roi polonais sortit avec son fidèle serviteur pour une partie de chasse. Au début tout se passa bien mais petit à petit, le ciel se couvrit de nuages: un orage éclata et, à travers le feuillage épais, le roi et son accompagnateur aperçurent des éclairs fulgurants tandis que l’averse transformait le sol de la forêt en marécage, balayant tous les repères et inondant les routes. Trempés jusqu’aux os, les deux hommes tentèrent de trouver comment sortir de la forêt mais, après des heures d’errance dans l’obscurité, ils n’avaient toujours pas rencontré âme qui vive.
“Soudain ils aperçurent une cabane dans laquelle brillait une faible lueur. La cabane était misérable et ne payait pas de mine mais le roi et son compagnon furent soulagés quand, entendant leurs coups contre la porte, le propriétaire ouvrit et les fit entrer dans sa masure. L’homme était visiblement pauvre: vêtu de haillons, il avait les cheveux en désordre. Il s’excusa de ne pouvoir offrir à ses invités le confort auquel ils pouvaient prétendre mais ceux-ci étaient bien trop heureux de pouvoir se réchauffer et se reposer.
“Auparavant dit l’homme, cette maison abritait une auberge mais depuis longtemps, je n’ai plus de clients et tout ce qui me reste, c’est une chèvre. Je ne puis vous offrir qu’un bol de lait de ma chèvre”.
“Le roi et son compagnon se réjouirent de pouvoir se nourrir de bon lait frais et revigorant. Puis leur hôte leur proposa à chacun une couche de paille: ils étaient si fatigués qu’ils s’endormirent instantanément comme si on leur avait offert des vrais lits avec draps et couvertures. 
“Le lendemain matin, la tempête avait cessé et le propriétaire de la masure indiqua à ses invités le chemin pour sortir de la forêt. Ils le remercièrent du fond du cœur et, très peu de temps plus tard, ils atteignirent le palais royal où ils furent accueillis avec joie et soulagement. 
“Quelques jours plus tard, un splendide carrosse s’arrêta devant la pauvre cabane. Un laquais vêtu d’un uniforme majestueux fit savoir au propriétaire qu’il était attendu au palais royal. Effrayé, l’homme se demandait quelle faute il avait bien pu commettre pour être ainsi convoqué par les autorités. Il se prépara au pire et monta dans le carrosse. 
“Quand il arriva au palais, le roi en personne sortit à sa rencontre: “Tu ne me reconnais pas ? Je suis l’un des deux hommes que tu as si gentiment hébergés dans ta cabane il y a quelques jours!” 
“Tandis qu’il parlait, les tailleurs se mettaient à l’ouvrage et, en un rien de temps, ils avaient déjà confectionné de très beaux vêtements pour l’homme de la forêt qui les enfila après avoir pris un bain chaud. Le roi lui offrit une grosse somme d’argent ainsi qu’une grande maison non loin du palais”.
Le ‘Hassid avait terminé son histoire. tous les regards se tournèrent alors vers le Rabbi. Après un long silence, le Rabbi ajouta: “Essayons de nous imaginer la conversation qu’aurait eu l’homme de la forêt avec un de ses anciens voisins: 
- Comment as-tu fait pour devenir soudain si riche?
- J’ai donné au roi un bol de lait de chèvre et je l’ai fait dormir sur une couche de paille.
Le voisin, muni de cette recette toute simple, se rendrait au palais avec une cruche de lait de chèvre et un gros sac de paille. Ressortirait-il avec des vêtements sur mesure et des cadeaux? Bien sûr que non! D’ailleurs il risquerait plutôt d’être chassé après avoir été copieusement insulté et frappé! Son geste n’aurait été que lèse-majesté!
Que devons-nous comprendre de cela? 
Quand le roi est dans le besoin, loin de son palais, dans la honte de l’exil, il est émerveillé par un bol de lait et une couche de paille. Mais quand il retourne dans son palais, tous les ustensiles d’or et d’argent ne peuvent le satisfaire ! 
“Oh, mes frères juifs! dit le Rabbi en pleurant presque. Tant que la Présence Divine est en exil et ressent la peine de chaque Juif qui vit en exil, elle se satisfait d’un verre de lait et d’une couche de paille, c’est-à-dire d’une petite Mitsva quelle qu’elle soit. Et celui qui l’accomplit méritera tout le bien réservé aux bienfaiteurs du roi. Mais quand très bientôt, la Délivrance arrivera, que la Présence Divine secouera les brins de paille collés à ses vêtements et retrouvera sa splendeur véritable, quand Machia’h viendra, alors toutes les Mitsvot que nous pourrons accomplir, toutes les études aussi profondes soient-elles ne nous suffiront pas!”

* * *

Reb ‘Haïm Chaoul Brook conclut: “Les enfants, dépêchez-vous d’étudier un maximum et d’apprendre encore mieux, de mettre à profit les derniers instants de l’exil afin que nous ne soyons pas couverts de honte! Machia’h arrive, encore une Mitsva et encore une Mitsva, maintenant!”

Traduit par Feiga Lubecki