Les Dix Commandements sont rapportés deux fois dans la Torah : une fois dans la Paracha de cette semaine, Yitro, et une fois dans Vaét’hanane. Puisque les Dix Commandements constituent la pierre angulaire de toute la Torah et incluent toute la Torah, il est évident que le fait qu’ils soient répétés nous communique des leçons essentielles concernant la Torah en tant qu’entité.

Les différences fondamentales entre le récit des Dix Commandements dans Yitro et celui de la Paracha Vaét’hanane réside dans le fait que Yitro relate de quelle manière les Dix Commandements furent donnés par D.ieu alors que dans Vaét’hanane, il s’agit de la description que fait Moché du Don de la Torah. Ce sont «les paroles de Moché» et non la parole directe de D.ieu.

Cette différence reflète deux dimensions essentielles de la Torah. D’une part, la Torah est «la volonté de D.ieu et la sagesse de D.ieu», «la Torah et le Saint Béni soit-Il ne font qu’Un». Dans cette perspective, la Torah est un «trésor caché», au-delà de la compréhension humaine.

Mais en même temps, «la Torah a voyagé et est descendue à travers des niveaux secrets, étape après étape, à travers tout l’enchaînement du cosmos spirituel jusqu’à s’habiller dans des entités matérielles et les choses de ce monde». Ce processus a atteint sa pleine expression, au Don de la Torah lorsqu’elle fut remise aux Juifs, tels qu’ils évoluent dans leur vie matérielle ordinaire. Depuis lors, «la Torah n’est pas dans les cieux» mais elle est entre les mains du Peuple juif. Après le Don de la Torah, les Juifs doivent l’étudier, tels qu’ils existent, «des âmes dans des corps» et c’est sur la base de leur compréhension que se décide la Loi Juive. De même, par leur observance des Mitsvot, peuvent-ils transformer le monde en une demeure pour D.ieu.

Ces deux dimensions doivent se retrouver dans la manière dont chaque Juif étudie la Torah. La conscience que la Torah transcende la connaissance humaine conduit au Bitoul, l’annulation de soi. Dans son sens le plus entier, ce Bitoul se reflète dans le verset «ma langue répétera Tes paroles» comme signifiant : «la Torah est ‘Tes paroles ‘et ma langue ne fait que simplement répéter ce que Tu as dit». C’est dans ce contexte que l’on peut également interpréter le verset de la Amida: «D.ieu, ouvre mes lèvres et ma bouche récitera Ta louange». Bien que ce soit un homme qui parle, ce qu’il dit est «Ta louange», les paroles de D.ieu et non les siennes propres. «La Présence Divine parle par sa gorge».

C’est sur cette base que nous pouvons comprendre la déclaration de nos Sages selon laquelle si nous étudions la Torah avec la même crainte, la même peur et les mêmes tremblements que ceux que ressentirent les Juifs au Mont Sinaï, l’essence de l’expérience, c’est-à-dire qu’un être limité perçoit la parole de D.ieu, est la même.

Parallèlement, il nous faut également apprécier le fait que la Torah a été donnée à l’homme comme il est, dans notre monde matériel, une âme dans un corps. C’est ainsi que l’homme doit s’efforcer de comprendre la Torah avec son propre intellect et ses propres facultés. Et quand il y parvient, il s’approprie la Torah qu’il étudie. Il reçoit une part d’autorité sur la Torah qu’il a étudiée.

Ces deux mouvements se retrouvent également dans le but ultime de notre étude de la Torah : modeler une résidence pour D.ieu dans les règnes inférieurs. Ici également apparaissent deux dimensions. Tout d’abord, c’est une résidence pour D.ieu, c’est-à-dire un lieu où Il Se révèle totalement, comme une personne se révèle sans retenue, dans sa propre maison. Cela se réfère à la dimension transcendante de la Torah. Parce que «la Torah et D.ieu sont Un», la Torah peut révéler Sa présence dans le monde.

Simultanément, comme nous l’avons mentionné, la Torah a subi un processus de descente, se revêtant dans la matérialité de notre monde. Cela rend possible que cette résidence fasse partie de notre monde ici-bas.

A partir de là, nous pouvons apprécier la signification des deux récits différents du Don des Dix Commandements. La description dans Yitro reflète la parole de D.ieu, donnant aux Juifs le potentiel pour que leur propre étude reflète cette parole.

Ce concept se retrouve dans le verset introduisant les Dix Commandements : «Et D.ieu dit tout ce qui suit pour dire (Lémor)». Les commentateurs relèvent que le mot «Lémor» apparaît fréquemment dans la Torah, avec pour signification que le message communiqué soit transmis aux autres. Cependant, cette approche n’est pas appropriée à notre circonstance puisque le Peuple Juif tout entier était présent ainsi que toutes les âmes du Peuple juif, y compris celles encore à naître.

Ainsi, le sens de ce terme, ici, indique que D.ieu donna aux Juifs la force de dire les paroles de la Torah comme Il les avait dites Lui-même. Ces mots sont «la parole de D.ieu».

Par contre, la description des Dix Commandements dans Vaét’hanane évoque la manière dont ils sont relatés par Moché». Bien qu’il fut un «moyen qui lie» et que «la Présence Divine parlait par sa gorge», cela représente néanmoins un niveau inférieur. Mais cela signifie aussi qu’un Juif, comme Moché, peut être un moyen pour exprimer la parole de D.ieu.

Ainsi les deux récits du Don des Dix Commandements peuvent être entrevus comme deux étapes d’un processus unique. Le récit de Yitro montre le potentiel de la révélation de l’essence de D.ieu. Quant à Vaét’hanane, il révèle comment cet aspect essentiel de la Divinité s’intériorise dans Moché, dans le Peuple Juif, dans le monde en général. Et c’est ainsi que cette révélation concerne notre service divin, en tous lieux et en tous temps.