Les lois de l’héritage constituent l’un des sujets de la Paracha de cette semaine, Balak. Ces lois furent révélées à Moché par l’intermédiaire des filles de Tsélof’had.
Les filles de Tsélof’had, Ma’hla, Noa, Haglah, Milca et Tirsa, se tinrent devant Moché et toute la congrégation d’Israël en disant : «Notre père est mort dans le désert mais il ne faisait pas partie du groupe qui se ligua contre D.ieu dans l’assemblée de Kora’h et il n’avait pas de fils. Pourquoi le nom de notre père serait-il effacé de sa famille parce qu’il n’a pas eu de fils ? Donne-nous une part avec les frères de notre père.»
Ainsi Moché porta-t-il leur cas devant D.ieu.
D.ieu parla à Moché en ces termes : «Les filles de Tsélof’had parlent avec justesse. Tu leur donneras assurément une part d’héritage.»
Parle aux Enfants d’Israël en ces termes : «Si un homme meurt et n’a pas de fils, vous transférerez son héritage à sa fille.» (Devarim 27 : 1-8)
Chaque épisode de la Torah nous livre une leçon spirituelle éternelle. Les Maîtres de la Cabbale ont compris cette loi d’héritage comme une métaphore des rôles spirituels des hommes et des femmes.
La «conquête de la terre» n’était pas un commandement qui ne s’adressait qu’à la génération du désert. Chacun de nous est enjoint de «conquérir la terre», de gagner la maîtrise de notre monde matériel et de le transformer en une Résidence convenable et sainte pour D.ieu.
La nature de la matérialité est d’être résistante voire hostile à la Divinité, à la sainteté et à la spiritualité. La manière de «conquérir la terre» a traditionnellement impliqué de battre, soumettre et déraciner l’obscurité et la négativité (que ce soit en combattant les gens ou les régimes hostiles ou en luttant contre les systèmes de valeurs antithétiques à la morale de la Torah).
Nous «combattons» en supprimant la nature matérialiste de notre monde et en y imposant un but et une fonction plus élevés.
Mais il est une autre méthode pour transformer notre monde et en faire une Résidence Divine. Cette approche ne combat pas agressivement la négativité mais plutôt cultive et révèle la positivité inhérente dans chaque création. Dans ce mode, nous ne travaillons pas selon la méthode traditionnelle et linéaire qui consiste à imposer et surmonter mais plutôt d’une manière plus profonde et persuasive, en élevant notre réalité pour la rendre plus divine.
En bref, ces deux méthodes reflètent les modes d’engagement spirituel masculin et féminin. Nous utilisons le mode «masculin» quand nous conquérons, soumettons ou écrasons. Nous employons l’approche «féminine» lorsque nous cultivons, nourrissons et révélons les qualités inhérentes. (Cela ne signifie pas pour autant que chaque homme utilise systématiquement le mode masculin et chaque femme le féminin mais il s’agit ici des énergies masculines et féminines, à l’intérieur de la création).
Les deux rôles sont vitaux afin de rendre notre monde adéquat pour qu’y réside la Divinité. Mais depuis le début des temps, le rôle masculin a été perçu comme supérieur et plus efficace. Et pendant un certain temps, ce rôle était vital. Quand le mal domine, il faut le combattre avec agressivité et de toutes nos forces.
Mais vint un moment où l’humanité était prête à faire la transition des valeurs masculines aux valeurs féminines, de l’autorité au dialogue, de la domination à la persuasion, du contrôle à la nourriture.
Les filles de Tsélof’had comprirent cette réalité. Elles réalisèrent que viendrait un temps et un lieu où «conquérir et s’établir dans le pays» ne serait pas une entreprise exclusivement masculine. Toutes les conquêtes n’aboutissent pas en écrasant son adversaire. Il existe une manière féminine de transformer la matérialité de notre vie pour en faire «une terre sainte».
D.ieu acquiesça à leur vision.
D.ieu ordonna : «Si un homme n’a pas de fils, vous transférerez son héritage à sa fille». Les Maîtres de la Cabbale expliquent ces mots comme signifiant qu’il arrive que les qualités du «fils», la nature masculine, agressive et combative, gagnent à être remplacées par celles de la «fille», le côté réceptif, emphatique et refusant la confrontation.
L’humanité parviendra à un temps où les qualités féminines de réceptivité, de réconfort et d’empathie seront valorisées et revendiquées comme des aptitudes égales, voire supérieures, pour changer la nature-même et l’hostilité de la «terre» et la transformer en une Résidence pour D.ieu.
Les Maîtres ‘hassidiques expliquent que chacune des quarante-deux étapes du voyage de l’Egypte à la Terre Sainte reflète une autre génération et un autre stade de l’histoire du monde. L’incident des filles de Tsélof’had eut lieu lors de la dernière étape de ce voyage. Il reflète la fin de notre voyage cosmique, juste avant notre conquête ultime de le Terre, à l’âge messianique.
Depuis nos Patriarches et à travers toute l’histoire juive, il y a toujours eu des femmes particulières qui ont fait preuve de qualités spirituelles que leurs époux (eux-mêmes, hommes grands et dirigeants d’Israël) ne pouvaient atteindre. Elles étaient des individus qui donnaient un avant-goût de l’Ere Messianique, à leur propre époque. Elles effleuraient le futur, lorsque les valeurs féminines de notre monde s’élèveront au-dessus des masculines.
La génération du désert était également exposée à cette réalité messianique. Les femmes y réparèrent ce que les hommes avaient brisé. Elles refusèrent de participer à la fabrication du veau d’or. Elles refusèrent d’écouter les conseils des Explorateurs qui médisaient contre la Terre d’Israël. Et dans notre Paracha, alors que les hommes ont refusé d’entrer en Terre d’Israël, les filles de Tsélof’had demandent et obtiennent un héritage.
Le Ari zal (Rabbi Its’hak Louria, 1534-1572) explique que la génération de la Rédemption finale est une réincarnation des mêmes âmes qui ont fui l’Egypte. Leurs valeurs féminines extrêmement puissantes se retrouveront dans la dernière étape de notre histoire, suscitant et faisant triompher la Rédemption finale quand le rôle féminin sera valorisé et apprécié.