En conclusion de sa discussion sur les lois de ‘Hanouccah, le Rambam (Maïmonide) écrit :

« Si (un homme n’a les moyens d’accomplir qu’une seule des deux mitsvot) : allumer pour sa maison (c’est-à-dire les bougies de Chabbat) ou allumer une lampe de ‘Hanouccah, ou bien une lampe pour sa maison ou la sanctification du jour (le Kiddouch), c’est à la lampe pour la maison qu’est donnée la priorité puisqu’elle crée la paix dans le foyer… »

La paix est importante. En fait, toute la Torah n’a été donnée que pour apporter la paix dans le monde.

Dès lors, se soulève une question : pourquoi le Rambam explique-t-il l’importance de la paix dans la partie du Michné Torah relative aux lois de ‘Hanouccah ? N’aurait-ce pas été plus approprié d’enseigner ces lois dans Hil’hot Chabbat, lois relatives au Chabbat ? Et de fait, la loi relative au Kiddouch qu’il cite n’a aucune relation avec les lois de ‘Hanouccah. Enfin, donner cette loi dans Hil’hot Chabbat ne l’aurait pas empêché d’ajouter sa conclusion concernant l’importance de la paix !

Deux fréquences de lumière

Le problème peut être résolu en expliquant quelques-unes des différences entre les lampes de la Menorah (Candélabre) du Beth Hamikdach (le Temple de Jérusalem) et les lampes de ‘Hanouccah.

Les lampes de la Menorah étaient allumées à l’intérieur du Sanctuaire alors que celles de ‘Hanouccah sont allumées à l’extérieur de l’entrée de la maison.

De plus, les lampes de la Menorah étaient allumées pendant le jour alors que celles de ‘Hanouccah le sont après «le coucher du soleil», avec l’intention qu’elles brûlent dans la nuit.

Les lampes de la Menorah étaient allumées dans un lieu où la sainteté se révélait ouvertement, dans le Beth Hamikdach. Là n’apparaissait pas la dissimulation de la Divinité qui caractérise notre monde matériel. C’est la raison pour laquelle, lorsque les Grecs introduisirent l’impureté dans le Temple, tous les éléments du service sacerdotal, et notamment l’allumage de la Menorah, furent invalidés.

Les lumières de ‘Hanouccah ont un autre but. Elles ont pour fonction d’illuminer notre environnement et d’éclairer l’obscurité de la nuit, c’est-à-dire de l’exil. Elles ont, en réalité, le potentiel d’annuler les forces du mal. Cela est évoqué dans la déclaration de nos Sages qui précisent qu’elles doivent brûler jusqu’à ce que «les pieds des Tarmoudaïm quittent le marché» (Chabbat 21b). Le mot hébreu Tarmoud a les mêmes lettres hébraïques que le mot morédèth, «le rebelle» et se réfère aux forces du mal.

Cela nous indique que les lumières de ‘Hanouccah possèdent une dimension supérieure à celles de la Menorah du Temple.

Cela apparaît également dans le commentaire du Rambam qui explique que les lumières de la Menorah furent annihilées par l’influence des Grecs qui profanèrent la sainteté du Beth Hamikdach.

Les lumières de ‘Hanouccah ne sont, quant à elles, jamais annihilées. Elles continuent à briller même en exil, dans une période de grande obscurité.

Cela correspond à la supériorité que possèdent les Baalé Techouvah, ceux qui reviennent vers D.ieu, sur les Tsadikkim, les Justes (Bera’hot 34b). Le Juste n’a aucun lien avec le mal. Un Baal Techouvah, par contre, a goûté au mal, mais par sa Techouvah, il a trouvé la force de transformer son passé. Même ses transgressions intentionnelles peuvent être transformées en mérites. Le mal lui-même devient bien.

Fusionner deux dynamiques

Les Baalé Techouvah possèdent un avantage sur les Justes : ils attirent un niveau supérieur de lumière. Il va sans dire, toutefois, que les Tsaddikim possèdent également une supériorité sur les Baalé Techouvah : ils n’ont rien à voir avec le mal. Leur Service Divin n’implique que du bien et ils ont le privilège d’expérimenter une plus grande révélation de la Lumière Divine.

C’est pour cette raison que le sommet du Service Divin implique la fusion des deux approches. C’est ce qu’accomplira la venue de Machia’h qui «motivera les Juste à se tourner vers D.ieu dans la Techouvah». Cette fusion n’est rendue possible que par une lumière qui les transcende tous deux et peut donc les réunir.

La fusion de ces deux approches dans le Service Divin se perçoit également dans les lumières de ‘Hanouccah.

Leur but est d’éclairer l’obscurité de l’exil mais elles ont leur origine dans les lampes du Beth Hamikdach. En effet, leur allumage fut institué pour commémorer le miracle qui eut lieu à propos des lumières de la Menorah et elles perpétuent cette lumière.

La relation entre ‘Hanouccah et la Paix

Sur la base de ce qui vient d’être dit, nous pouvons désormais comprendre pourquoi le Rambam relie l’idée de la grandeur de la paix avec ‘Hanouccah. La paix se réfère à l’établissement de l’unité entre deux dynamiques opposées.

Et cela renvoie tout particulièrement au fait de faire régner la paix entre les époux. Bien que les hommes et les femmes aient des approches opposées, ils se complètent et s’assistent mutuellement.

L’allumage des bougies de Chabbat fut institué pour apporter la paix. En fait, elles ont même pour but d’apporter un niveau supérieur de paix : la paix entre l’obscurité (l’époque où sont allumées les lumières de ‘Hanouccah) et la lumière, entre l’ordre naturel et la lumière qui transcende l’ordre naturel.

Cela trouve son application en termes de notre service divin. Les lumières de ‘Hanouccah ont deux dimensions.

Elles expriment la dimension de la Techouvah, c’est-à-dire qu’elles illuminent l’obscurité, établissant la paix entre des entités qui appréciaient leur égo et D.ieu. Mais elles exercent également la fusion du service de la Techouvah avec le service du Tsaddik de sorte que la lumière qui transcende l’ordre naturel brille à l’intérieur de ce même ordre.

Tel est le but ultime.

Cependant, quand quelqu’un n’a pas suffisamment de ressources, sa priorité doit aller vers la démarche d’établir la paix dans son foyer et non d’illuminer son environnement.

C’est pourquoi le fait d’allumer les bougies de Chabbat, de faire régner la paix, prend la préséance.

(D’après une Si’hah du Rabbi, Chabbat Parachat Vayéchèv, 5722)