Le verset Balak 22, 21 dit : «Bilaam se leva le matin et il sangla son âne». Rachi explique : «On peut en déduire que la haine remet en cause l'ordre établir(1). Il le sangla lui-même. D.ieu dit alors : Impie ! Avraham leur ancêtre t'a déjà devancé, ainsi qu'il est dit : Avraham se leva tôt le matin(2) et il sangla son âne(3)».

On peut commenter ce récit décrivant la manière de sangler un âne d'après les enseignements de la 'Hassidout. En effet, il existe une profonde différence entre l'âne d'Avraham et celui de Bilaam. Il est effectivement nécessaire de se lever tôt pour sangler le premier(4), alors qu'il est interdit de le faire pour le second(5). Il est donc nécessaire de : «remettre en cause l'ordre établi» et d'éprouver une haine profonde empêchant de sangler l'âne(6).

L'âne représente, en l'occurrence, la matérialité, l'aspect physique de la réalité. Le corps est effectivement un «âne» qu'il convient de «sangler». Un Juif doit maîtriser son corps physique, l'assujettir au service de D.ieu, sans pour autant le briser par des jeûnes et des mortifications(7).

Un Juif doit travailler son corps et le transformer, lui donner ce dont il a besoin(8), mais avec un but et un objectif bien précis, celui de lui apporter l'élévation et de l'affiner, jusqu'à l'introduire dans le domaine de la sainteté. C'est ce que signifie «sangler l'âne», dans la dimension spirituelle.

Toutefois, en la matière, une précaution importante est nécessaire. En effet, quand est-il nécessaire de préserver le corps, de ne pas le briser, de le soigner, de le transformer ? Il en est ainsi uniquement quand cet âne est celui d'Avraham, quand il n'y a pas la moindre trace d'une Interdiction que l'on pourrait commettre, quand il s'agit d'un acte totalement permis. C'est alors que l'on peut se servir de cet acte pour élever et affiner le corps(9).

En revanche, quand on est en présence de l'âne de Bilaam, il est indispensable de se tenir à distance, de couper toute relation. Il est impossible de «sangler» les actes matériels, quand ils sont interdits par la Torah. Bien au contraire, il faut alors les haïr et même : «remettre en cause l'ordre établi» pour cela, les briser et les faire totalement disparaître(10).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 28, page 162)

Notes :
(1) Qui aurait voulu, en l'occurrence, qu'il confie ce travail à l'un de ses serviteurs, compte tenu de son haut rang.
(2) Pour aller sacrifier Its'hak.
(3) Lui aussi le fit lui-même et il n'en chargea pas un serviteur.
(4) En effet, notre père Avraham allait mettre en pratique l'Injonction divine. Or, disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, «ceux qui possèdent l'empressement mettent en pratique les Mitsvot au plus vite».
(5) Qui allait faire le mal, en l'occurrence maudire Israël.
(6) C'est la haine du mal qui protège de la transgression.
(7) Conformément à l'enseignement bien connu du Baal Chem Tov : «Quand tu observeras la matière de ton corps, tu parviendras à la conclusion qu'il est ton ennemi et tu voudras le briser. Bien au contraire, tu lui viendras en aide».
(8) La nourriture, la boisson, le sommeil.
(9) Et, que l'on a donc l'obligation de le faire.
(10) Ce qui est emprisonné dans les forces du mal ne peut pas recevoir l'élévation.