La lecture de la Torah de cette semaine commence par la Mitsva des Bikourim, l’offrande du «premier fruit».
«Or, lorsque tu seras entré dans le pays que l’Eternel ton D.ieu te donne en héritage, que tu l’auras occupé et que tu t’y seras établi : tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre que tu auras récoltés du sol que l’Eternel ton D.ieu te donne, tu les mettras dans une corbeille et tu iras à l’endroit que l’Eternel ton D.ieu aura choisi pour y faire résider Son Nom. Et tu viendras chez le Cohen qui sera alors en fonction et tu lui diras : ‘Je déclare en ce jour à l’Eternel ton D.ieu que je suis arrivé dans le pays que l’Eternel a promis à nos pères de nous donner’» (Devarim 26 : 1-3)

Les Bikourim devaient être de toute première qualité, constitués des tout premiers fruits mûrs. Avant de consommer nous-mêmes les premiers fruits de la récolte, on devait les apporter au Temple afin d’exprimer notre gratitude à D.ieu pour nous avoir permis de nous installer en Terre d’Israël et pour la bénédiction sur ce produit.
Maïmonide explique que «tout ce qui est pour D.ieu doit être le meilleur et le plus beau… Chaque fois que l’on consacre quelque chose à un but saint, il faut sanctifier le meilleur de ce qui nous appartient, comme il est écrit (Vayikra 3: 16) ‘le meilleur pour D.ieu’.» En consacrant «les tout premiers fruits mûrs» de sa vie à D.ieu, l’individu s’exclame : «Voici le point central de mon existence. Il se peut que quantitativement cela ne représente qu’une petite partie de ce que j’ai et de ce que je suis. Mais le but de tout ce que je fais par ailleurs et de ce que je possède est de permettre à cette parcelle de spiritualité de s’élever au-dessus de ma vie empêtrée dans la matérialité».
Les Bikourim nous enseignent à établir des priorités dans notre vie. Dans la myriade de responsabilités de notre train- train quotidien, ils nous rappellent de donner la préséance aux êtres et aux valeurs que nous chérissons le plus. Combien de fois nous arrive-t-il de négliger de consacrer des moments de qualité à notre époux ou notre épouse ? Combien de temps consacrons-nous à nos enfants, en fin de journée, après avoir été vidés de toute énergie pour nous intéresser vraiment à leurs problèmes ? A combien d’occasions sommes-nous tellement occupés par notre quête de succès matériel qu’il ne nous reste que bien peu de force pour nous préoccuper d’apaiser notre soif spirituelle ? 
Les Bikourim nous enseignent qu’il faut prendre du recul et établir des priorités : le tout premier de nos fruits, de notre temps, de notre énergie et de nos ressources doit être consacré à D.ieu. Pour prendre conscience de ce qui est important dans notre vie et en faire notre préoccupation première. Pour reconnaître ceux que nous chérissons le plus dans notre vie et nous lier à eux régulièrement. Les autres détails de la vie, marginaux, finiront par trouver leur juste place.
C’est en cela que les Bikourim sont semblables au Modé Ani que nous récitons au moment où nous ouvrons nos yeux encore ensommeillés, remerciant D.ieu de nous avoir rendu notre âme et de nous permettre de Le servir encore un jour. L’enfant le plus jeune ou le vieillard le plus chargé d’années, le sage le plus érudit ou le plus illettré des hommes, tous commencent leur journée par ces premiers mots. 
Dans notre empressement à exprimer notre gratitude envers notre Créateur, nous nous permettons de nous adresser à Lui avec des mains rituellement impures. Ce n’est qu’après avoir prononcé cette courte prière de remerciement que nous nous lavons rituellement les mains et récitons le reste de la prière, qui fondamentalement réitère le Modé Ani.
A première vue, cette prière semble superflue. Le Modé Ani ne contient aucune mention du Nom de D.ieu parce qu’il est interdit de le prononcer en état d’impureté rituelle. Ne devrions-nous donc pas plutôt attendre afin de remercier D.ieu convenablement ?
C’est que la prière du Modé Ani représente l’unité insaisissable entre D.ieu et le Peuple Juif, notre lien profond et indéfectible. C’est la raison pour laquelle il est si important de réciter ces mots au moment où nous nous réveillons. Dès nos premiers moments de conscience, avec des mains impures, nous établissons que toutes les impuretés ou les forces négatives du monde ne peuvent entraver notre relation profonde et indispensable avec D.ieu.
C’est la raison profonde pour laquelle le Modé Ani ne mentionne aucun des Noms de D.ieu. Plutôt que de prononcer un nom, dans un contexte d’éloignement, à la troisième personne, nous nous adressons directement à D.ieu et utilisons l’intimité du «Tu».
Modé Ani lefané’ha mélè’h ‘haï vékayam chéhé’hézarta bi nichmati bé’hémla rabba émounaté’ha
«Je remercie devant Toi, Roi vivant et éternel Qui a restauré en moi mon âme. Grande est Ta Miséricorde.»
Puisque le Modé Ani tire son origine de l’essence de l’âme, il est également dirigé vers l’essence de D.ieu qu’aucun nom ne peut évoquer. C’est là la particularité du Modé Ani. D’autres prières s’adressent à D.ieu par l’intermédiaire de Noms Divins qui reflètent des attributs spécifiques mais le Modé Ani évoque notre lien avec Lui, profond, essentiel et indestructible. Tout comme les Bikourim, le Modé Ani nous enseigne l’importance d’établir des priorités dans l’organisation de notre journée et de notre vie.
Mais le Modé Ani nous enseigne également que lorsque nous montrons ce à quoi nous accordons véritablement de la valeur, dès nos premières lueurs de conscience, nous pouvons le faire de façon imparfaite ou sans éloquence. D.ieu fait abstraction de notre impureté rituelle parce que nous Lui montrons la force de notre engagement absolu pour Lui.
En prononçant le Modé Ani dès notre réveil à la conscience ou en offrant les Bikourim de nos premières récoltes, nous démontrons nos priorités. Nos gestes, même imparfaits ou défaillants, sont une indication de ce qui a vraiment de l’importance à nos yeux.
Mais le plus important est que les Bikourim nous rappellent de ne pas permettre à notre vie d’être si empêtrée dans les trivialités que nous en oublions notre raison d’être.