Le Talmud nous enjoint de ne donner de publicité et d’importance qu’aux bons et d’ignorer les impies. Ne citez pas leur nom !
La source de cette injonction se lit dans le Livre des Proverbes rédigé par le Roi Chlomo : «La mention du juste apportera la bénédiction et le nom de l’impie pourrira» (Proverbes 10:7). A la lumière de ce verset la Talmud statue qu’ «il est interdit de nommer son enfant d’après une personne impie».
Cela nous conduit à poser une question : pourquoi donc la Paracha de cette semaine s’appelle-t-elle «Kora’h», du nom de celui qui conduisit une mutinerie contre Moché et Aharon ? Pourquoi une des sections de la Torah porte-t-elle le nom d’un pécheur qui ne se repentit pas, d’une personne dont l’existence même mit tellement le Peuple en danger que D.ieu le fit avaler par la terre pour qu’ «il descende dans l’abîme» ?
Le dicton dit que «la route de l’enfer est pavée de bonnes intentions». Kora’h, le seul homme dont il est dit qu’il gagna vivant un lieu désagréable, était également poussé par des désirs et des motivations positifs. Comme nous le rapporte la Torah, Kora’h était motivé par une aspiration sainte et spirituelle : le désir de devenir Cohen Gadol (Grand Prêtre), le plus haut niveau qu’une personne puisse atteindre dans le service de D.ieu.
Comment savons-nous qu’il s’agissait d’un désir positif ? Tout d’abord parce que nos Sages nous disent que dans le monde parfait de Machia’h, chacun d’entre nous atteindra le même niveau d’intimité avec D.ieu que celui auquel aspirait Kora’h. D’autre part, nous connaissons une autre personne qui, comme Kora’h, reçut un décret divin lui interdisant d’être Cohen Gadol mais qui était également poussée par un désir insatiable de le devenir. Qui était-ce ? Moché lui-même.
Voici Moché s’adressant à Kora’h : «Nous n’avons qu’un D.ieu, une Torah, une loi, un Cohen Gadol et un Sanctuaire. Et pourtant, tu désires la Haute Prêtrise. Moi aussi je la désire !» (Midrach Tan’houma, cité par Rachi sur Devarim 16 :10)
«Moi aussi je la désire !» Moché se moque-t-il ? Joue-t-il l’avocat du diable ? Ou avons-nous l’occasion de jeter un coup d’œil dans l’âme de Moché, une âme animée par un désir consumant de quelque chose de si exalté et divin hors d’atteinte de Moché lui-même, une âme qui trouve son aspiration la plus profonde frustrée par un commandement divin lui barrant le chemin : «Arrête. Non. Pas encore».
Kora’h comme Moché désiraient l’interdit. En Kora’h, ce désir apporta la destruction sur lui-même et ses adeptes. En Moché, le même désir nourrit une vie de grandeur.
Le chemin de l’enfer est pavé de désirs saints. Comme la route du ciel. La différence est subtile mais cruciale : c’est la différence entre agir selon un désir saint contraire au commandement de D.ieu et nourrir ce désir, lui résister, vivre une vie passionnément vouée à sa poursuite et en même temps se refrénant de toute action interdite par l’objet du désir.
C’est la raison pour laquelle, explique le Rabbi, cette section de la Torah s’appelle Kora’h. La Torah nous dit ici qu’il existe deux Kora’h : Kora’h, l’être humain et Kora’h la section de la Torah. Ou si vous voulez, le corps de Kora’h et l’esprit de Kora’h. Kora’h, l’être humain qui traverse la ligne séparant le bien du mal, la ligne définie par les commandements de D.ieu, doit être rejetée. Kora’h, la section de la Torah, l’aspiration sainte à démolir les barricades que D.ieu a construites pour retenir l’empressement de notre âme vers le ciel, notre âme qui y aspire, qui y tend mais n’ose pas violer la volonté divine, ce Kora’h là doit être imité.