De Pourim à Pessah, le peuple juif va de miracle en miracle. A Pourim, les juifs de l'empire perse ont été sauvés de l'extermination et Pessah commémore la sortie d'Egypte et son cortège de prodiges.

Bien que tous deux miraculeux, ces événements s'expriment de façon profondément différente. Alors que la sortie d'Egypte est précédée et suivie de merveilles défiant les lois de la nature, telles que les dix plaies et le passage de la Mer Rouge, l'histoire de Pourim se présente comme un imbroglio politique digne de figurer dans les chroniques de l'empire perse: Un roi, Assuérus, nomme un premier ministre, Haman qui, pour se venger d'un notable juif, Mardochée, obtient du roi l'extermination de tous les juifs en un seul jour. Mais Haman ignorait que la cousine et fille adoptive de Mardochée était l'épouse du roi. Grâce à l'appui de celle-ci, Mardoché réussit à annuler le décret d'Haman qui tombe en disgrâce.

Il est vrai que Mardoché, bien avant tous ces avatars, avait déjoué un complot contre le roi. Il est vrai aussi qu’une nuit, peu de temps avant l'exécution du décret, le roi eut une insomnie et demanda qu’on lui lise les chroniques dans lesquelles était mentionnée cette marque de dévouement au roi. Si ces deux épisodes constituent, selon la tradition kabbalistique, la trame du miracle, les limites de la nature n'en sont pas brisées pour autant et tout cela pourrait être interprété comme une suite de coïncidences.

Se fondant sur le fait que le hasard n'existe pas pour le judaïsme, la tradition hassidique explique que c'est lorsque Dieu se cache que sa présence est la plus forte car sa révélation ne peut être qu'à la mesure des créatures. En cela, le miracle de Pourim, dans lequel la présence de Dieu ne se fait sentir qu'à travers une suite d'événements naturels, relève d'un niveau de divin bien plus élevé que les prodiges de la sortie d'Egypte.

Si la présence de Dieu est si forte lorsqu'Il change le cours des choses par des processus naturels, elle est encore plus puissante dans la nature elle-même. En effet, où cette présence pourrait-elle mieux se cacher que dans un ensemble de phénomènes régis par des lois à l'aspect immuable ? Pourtant, seule la force de l'habitude fonde le caractère naturel de ces phénomènes. Chaque matin, le soleil se lèvera à l'est. Son lever à l'ouest serait immédiatement interprété comme un miracle alors qu'aucune logique intrinsèque n'implique son lever à l'est plutôt qu'à l'ouest. De ce point de vue, nous pouvons qualifier la nature de miracle perpétuel ou le miracle de nature occasionnelle.

Cette approche est bien plus qu'une vue de l'esprit. Pour la tradition hassidique, elle est fondatrice d'une éthique. Percevoir D.ieu au-delà de Son écran naturel nourrit la confiance en son pouvoir d'intervention dans toutes les situations, même les plus difficiles. Et cette confiance est essentielle car elle constitue le socle de la pérennité de notre peuple à travers l'histoire. Mais surtout, cette perception assure, selon les paroles du prophète, de « connaître D.ieu dans toutes nos voies », donnant ainsi une dimension divine à notre vécu quotidien.