Rambam 3 Chapitres

Notons que bon nombre de ces lois ne sont pas la halakha, c'est-à-dire la pratique observée dans les communautés juives. Elles ne sauraient donc en aucun cas être prises comme référence. Veuillez noter également que cette version est un premier essai qui fera l'objet de corrections ultérieures.

2 Chevat 5783 / 01.24.2023

Lois relatives au vol (guézel) et à l’objet perdu (avéda) : Chapitre Quatre

Ce chapitre aborde la question de la recevabilité d’une réclamation déposée par le volé contre un voleur. Il étudie la crédibilité de chacune des parties, les présomptions de vol et les avantages accordés au volé.


1. Les Sages ont infligé une amende aux voleurs (gazlanim), [à savoir] que le volé peut prêter serment sur tout ce qu’il revendique et percevoir [cela] du voleur, à condition qu’il soit établi par deux témoins qu’il l’a volé.

2. Comment cela ? [Soit le cas suivant :] un homme est entré dans la maison d’un autre pour lui prendre un gage [alors que c’est défendu en tant que guézel ] devant des témoins. [En entrant,] il n’avait rien sous les pans [de son vêtement] et il est sorti avec des ustensiles sous les pans [de son vêtement]. Les témoins ignorent ce que sont [ces ustensiles] et le propriétaire dit : « Ceci et cela tu m’as volé ».
[Dans ce cas,] que le voleur dise : « Je ne suis jamais entré et je n’ai rien pris », ou : « Je suis entré pour prendre un gage, comme l’ont vu les témoins, mais je n’ai pas pris [de gage] ; il n’y avait sous les pans [de mon vêtement] que des ustensiles qui m’appartiennent », ou [encore] : « J’ai pris tel ustensile » [alors que] le propriétaire prétend qu’il a pris celui-ci et un autre ustensile, le propriétaire prête serment [sur sa déclaration] en tenant un objet [saint, un rouleau de la Thora] et perçoit tout ce qu’il revendique.

3. De quel cas parle-t-on ? Du cas où le propriétaire revendique des choses que l’on peut estimer qu’il possède ou si l’on peut supposer que les gens déposent chez lui telles choses qu’il revendique, et [de plus,] il revendique des choses pouvant être prises sous les pans [d’un vêtement], conformément à la déposition des témoins.

4. [Soit le cas suivant :] des témoins l’ont vu entrer pour prendre un gage à l’autre mais ne l’ont pas vu au moment où il est sorti, ou bien [ils l’ont vu] sortir mais rien n’apparaissait [être caché] sous les pans [de son vêtement] ; le propriétaire fait une revendication en disant : « Il a pris ceci et cela ». [Dans pareil cas,] même si le voleur déclare : « Je ne suis jamais entré [chez lui] », démentant [ainsi] les témoins, il est exempt.
En effet, s’il avait dit : « Je suis entré et je n’ai [rien] pris », il aurait prêté le serment d’incitation [d’ordre rabbinique, certifiant] qu’il n’a rien pris et s’en serait allé [librement], car il est possible qu’un homme entre [dans la maison d’autrui] pour voler et [finalement] ne vole pas.

5. Si un témoin atteste qu’un sujet est entré [chez un autre] et a pris des ustensiles sous les pans [de son vêtement] mais ignore ce que sont ces ustensiles, et que le prévenu dise : « Je n’ai rien volé » ou : « J’ai pris [ces ustensiles] pour [percevoir] mon dû », [dans ce cas,] étant donné que le témoin ignore ce qu’il y avait en dessous des pans [du vêtement de l’accusé], celui-ci prête serment en tenant un objet [saint, un rouleau de la Thora, certifiant] qu’il n’a pas commis de vol [et est exempt de payer]. Car un homme n’est réputé [coupable de] vol que par [le témoignage de] deux témoins.

6. De même qu’un maître de maison [affirmant qu’un certain objet lui a été volé] peut prêter serment et prendre [ce qu’il revendique] du voleur, de même, un gardien [au service] du propriétaire [ou] même la femme du gardien peuvent [contraindre] le voleur [à] payer en prêtant serment qu’il a pris ceci et cela.

7. S’il y avait [dans la maison] un recueilleur ou un salarié du propriétaire, ceux-ci ne peuvent pas prêter serment et prendre [les objets dérobés selon leur déclaration]. Le volé [le propriétaire] ne peut pas prêter serment puisqu’il n’était pas dans sa maison au moment où il a été volé. Les témoins ignorent ce que le voleur a pris sous les pans [de son vêtement] pour [pouvoir] le condamner à restituer [ceux-ci]. Et on ne peut pas faire jurer le voleur [de n’avoir rien pris], parce qu’il est soupçonné [de parjure] concernant le serment [dès lors qu’il a été établi par deux témoins qu’il a commis un vol].

8. Comment procède-t-on dans cette affaire ? Le propriétaire prononce une mise au ban indéterminée [sans préciser le nom du voleur] contre celui qui a pris quelque chose de sa maison et ne reconnaît pas [son acte] au tribunal .
Même si le voleur reconnaît avoir volé une partie [des biens revendiqués par le propriétaire], il restitue seulement la partie qu’il reconnaît [avoir volé], parce que le propriétaire ne fait pas une revendication certaine contre lui.

9. [Soit le cas d’]une personne qui en vole une autre parmi [un groupe de] cinq et on ignore laquelle a été volée . Chacune d’elles poursuit le voleur [en justice] en disant : « C’est moi que tu as volé ».
[Dans ce cas,] bien qu’il n’y ait pas de témoins [pouvant attester] qu’il a commis le vol, chacune des personnes prête serment que celui-ci l’a volée, et le voleur paye [la valeur de] l’objet volé à chacune. Cela est également une pénalité que les Sages ont infligé au voleur, parce qu’il a commis une transgression en volant. Mais [selon] la loi [stricte] de la Thora, il n’est pas tenu de payer du fait du doute [quant à l’identité de la victime].

10. Quand un sujet dit [de lui-même, sans réclamation préalable,] à deux personnes : « J’ai volé l’une d’entre vous […] » ou « [J’ai volé] le père de l’une d’entre vous, mais j’ignore qui [de vous] ou quel [père] », s’il vient s’acquitter vis-à-vis du Ciel [c'est-à-dire de son obligation morale], il est tenu de payer [le prix de] l’objet volé à chaque personne. Mais [selon] la [stricte] loi, il ne donne qu’une fois [la contre-valeur de] l’objet volé et les réclamants partagent l’argent entre eux.
En effet, aucun d’eux ne savait [au départ] qu’il avait été volé ; plutôt, celui-ci [le voleur] est venu et les a informés [du vol]. Les Sages ne l’ont pas pénalisé en cela, parce qu’il n’y a pas de demandeur contre lui .

11. Quand un homme fait une revendication contre un autre, en lui disant : « Tu m’as volé cent [zouz] », si le défendeur dit : « Je n’ai pas volé », il doit prêter un serment d’incitation [d’ordre rabbinique], comme [le veut] la loi pour tout défendeur [qui nie en bloc la revendication].
S’il reconnaît lui avoir volé cinquante [zouz], il [les] paye et prête un serment imposé par la Thora concernant le reste [de la somme revendiquée], comme [le veut] la loi pour toute personne qui admet partiellement [une réclamation], n’ayant pas été reconnu comme voleur par des témoins [cf. § 1].
De même, [soit le cas d’]un homme qui fait une revendication contre un autre, [prétendant] qu’il est entré dans sa maison et lui a volé des ustensiles ; ce dernier dit : « C’est à titre de gage que je [les] ai pris pour la créance que j’ai sur toi » et le propriétaire dit [au défendeur] : « Tu n’as rien dans ma main » [c'est-à-dire : « Je ne te dois rien »]. [Dans ce cas,] bien que le défendeur ait admis lui avoir pris un gage sans autorisation [cf. ch. 3 § 16], étant donné qu’il n’y a pas de témoins attestant qu’il a volé (gazal) [les ustensiles], il prête serment et perçoit [le recouvrement de] sa créance sur le gage. En effet, [sa crédibilité résulte du principe talmudique :] « la bouche [de celui] qui a établi l’interdiction [en admettant de lui-même avoir pris quelque chose à autrui sans autorisation] est celle qui a établi la permission [en déclarant n’avoir pris que son dû] ».
Et puisqu’en prêtant serment, il perçoit [sur le gage ce qu’il revendique], il doit prêter serment en tenant un objet [saint], comme il sera expliqué dans les lois relatives aux réclamations.

12. [Soit le cas de] témoins ayant vu un homme entrer dans une maison en l’absence du propriétaire et y prendre des ustensiles. Bien qu’il les ait sortis à découvert [ce qui affaiblit l’hypothèse d’un vol] et bien que ce propriétaire ait l’habitude de vendre ses ustensiles, si le propriétaire fait une revendication en disant : « C’est en tant que vol qu’il les a pris » et que l’intrus dise : « Je suis venu avec ton autorisation et tu me les as vendus » ou « […] tu m’en as fait don » ou « Je les ai saisis pour [recouvrer] la créance que j’ai sur toi », il n’est pas cru.
En effet, quiconque entre dans la maison d’un autre en son absence, y prend des ustensiles et les sort devant témoins, est présumé gazlan.
C’est pourquoi, il doit restituer les ustensiles au propriétaire et il n’y a pas là de serment [qui incombe au propriétaire], car les témoins ont vu ce qu’il a volé. Après avoir restitué [les ustensiles], il peut revenir et poursuivre le propriétaire [en justice] pour tout ce qu’il revendique ; un procès [a alors lieu] entre eux.

13. De même, s’il y a un seul témoin [ayant vu l’intrus], et que le propriétaire prétende que cet ustensile [qui se trouve] en la possession du prévenu a été volé alors que ce dernier dise : « Je l’ai acheté », ou « J’ai perçu dessus [le recouvrement de] ma créance » ou [encore] « Il m’appartient et était en dépôt chez toi », il est tenu de restituer l’ustensile à son propriétaire sans [que ce dernier ne prête] serment.
En effet, s’il y avait deux témoins, il serait tenu de payer ; maintenant qu’il n’y a qu’un seul témoin, il est tenu de prêter serment. Cependant, il ne peut pas le faire, parce qu’il ne dément pas le témoin ; or, quiconque est passible d’un serment et ne peut pas prêter [ce] serment doit payer [ce qu’on lui réclame].
C’est pourquoi, si le prévenu nie en disant : « Je ne suis pas entré dans sa maison et je n’ai rien pris », étant donné qu’il n’y a qu’un seul témoin et qu’il le dément, il prête le serment imposé par la Thora [sur sa déclaration] de n’avoir rien pris de la maison et est quitte.

14. [Le Talmud relate] le cas d’un individu qui arracha un lingot d’argent de la main d’un autre en présence d’un témoin. L’arracheur vint [au tribunal] et dit : « J’ai arraché [le lingot], mais c’est ce qui m’appartient que j’ai arraché ». Les Sages le condamnèrent à [le] restituer, parce qu’il était tenu de [prêter] un serment [sur sa déclaration] à cause de ce témoin, mais ne pouvait le faire, ayant reconnu les dires du témoin.
[Dans pareil cas,] s’il n’y avait pas eu du tout de témoin, il aurait prêté un « serment d’incitation » [certifiant] avoir arraché ce qui lui appartenait [et aurait été exempt].
S’il avait démenti le témoin en disant : « Je n’ai jamais arraché [le lingot] », il aurait prêté le serment imposé par la Thora [certifiant] ne pas avoir arraché [le lingot et aurait été exempt].
On applique cette loi dans tous les cas semblables et en tout lieu .

15. Si un homme arrache à un autre des pièces d’or (devant un témoin) et dit [au tribunal] : « J’ai arraché ce qui m’appartient, et il y avait vingt [pièces] », bien que le témoin ignore combien [de pièces] il a arraché, il doit payer les vingt [pièces d’or], car le témoin sait avec certitude qu’il a arraché des pièces d’or. S’il y avait deux témoins, il aurait été tenu de payer [les vingt pièces d’or]. Ainsi, [quand il n’y a qu’]un témoin, il est tenu de prêter serment, mais ne peut pas le faire [puisqu’il ne dément pas le témoin ; il doit donc payer], comme nous l’avons expliqué.

16. [Dans un cas similaire à celui du § précédent,] si l’homme qui a arraché [les pièces d’or] dit : « J’ai arraché vingt [pièces] et elles m’appartiennent » et que le volé déclare : « Il a arraché cent [pièces] », dès lors que le témoin ignore le nombre de pièces, le prévenu paye les vingt [pièces] qu’il reconnaît avoir arrachées et prête un serment imposé par la Thora concernant le reste [les 80 pièces revendiquées par le volé], car il s’est astreint [à payer] une partie [de ce qu’on lui réclame ].
Mon avis penche dans [ce cas] que le prévenu doit [simplement] prêter un serment d’incitation [ordonné par les Sages et non le serment généralement imposé par la Thora à celui qui reconnaît une partie de la réclamation qui lui est faite], parce qu’il n’a rien admis [de la revendication] ; au contraire, il a dit : « J’ai saisi ce qui m’appartient ».

17. [Soit le cas suivant :] un homme est entré dans la maison d’un autre en son absence et a pris des ustensiles devant un témoin ; le témoin ignore combien [d’ustensiles] il a pris. Le propriétaire dit : « Il y avait vingt ustensiles dans ma maison », et le voleur dit : « Je n’[en] est pris que dix et ils m’appartiennent ». [Dans ce cas,] le voleur doit restituer les dix [ustensiles qu’il reconnaît avoir pris], parce qu’il est tenu de prêter serment, mais ne peut pas le faire.
Pour le reste [les dix autres ustensiles que le propriétaire revendique], il ne doit même pas prêter de serment d’incitation, car le propriétaire [qui était absent] ne peut pas faire une revendication certaine contre le voleur [il ne peut pas être certain que c’est lui qui les a pris].

Lois relatives au vol (guézel) et à l’objet perdu (avéda) : Chapitre Cinq

Ce chapitre étudie l’interdiction de tirer profit d’un objet volé, qui se déduit du verset suivant (Lév. 19, 14) : « Tu ne mettras pas d’embûche devant l’aveugle », et les lois relatives à celui qui en profite, qu’il soit un héritier du voleur ou un acheteur.
Il conclut par les règles régissant un roi ou un gouverneur qui décrète un impôt ou une loi dans son royaume, dont l’application peut bénéficier les uns au détriment des autres.


1. Il est défendu d’acheter un objet volé au voleur et il est défendu de l’aider à [introduire] un changement [dans l’objet volé] pour qu’il l’acquière. En effet, quiconque fait ces choses-là et ce qui est semblable soutient les transgresseurs et transgresse [un interdit de la Thora (Lév. 19, 14)] : « Tu ne mettras pas d’embûche devant l’aveugle. »

2. Il est défendu de tirer profit d’un objet volé, même après le renoncement [du propriétaire à le retrouver], à condition de savoir avec certitude qu’il s’agit de l’objet volé même.
Comment cela ? [Par exemple,] saurait-on avec certitude que tel animal est volé, il est défendu de le chevaucher ou de l’utiliser pour labourer.

3. Le voleur aurait-il volé une maison ou un champ, il est défendu de traverser [le champ] ou d’entrer [dans la maison] en été pour [se protéger du] soleil et en hiver pour [se protéger de] la pluie.
Si on y habite, on est tenu de payer le loyer au propriétaire, comme [le veut] la loi pour celui qui habite dans la cour d’autrui à son insu.
[Le voleur] aurait-il volé des palmiers pour en faire un pont, il est défendu de passer dessus. Il en va de même pour tout cas semblable.

4. Si un individu [autre que le voleur] transgresse et consomme le bien volé après le renoncement [du propriétaire à le retrouver], il est exempt de [le] payer [seul le voleur est tenu de payer].
S’il le consomme avant le renoncement [du propriétaire] et que le propriétaire désire [en] percevoir [la valeur] de celui qui [l’]a consommé, il peut le faire. Car le bien volé était encore dans le domaine de son propriétaire [au moment de la consommation, puisqu’il n’avait pas désespéré de le retrouver]. S’il désire, il [en] perçoit [la valeur] du voleur.

5. Celui qui a commis un vol et est décédé, qu’il ait nourri ses enfants avec le bien volé après le renoncement [du propriétaire à le retrouver] ou qu’il ne les ait pas nourris [avec celui-ci], l’ayant à la place vendu ou perdu, s’il a laissé un bien immeuble [en héritage], les enfants sont tenus de payer [avec ce bien].
Mais ils ne sont pas tenus de payer avec les biens meubles [laissés en héritage]. En effet, la valeur du bien volé est une dette qui incombe au voleur, et les biens meubles ne sont pas grevés d’[une dette envers] un créancier .

6. [Cependant,] les guéonim ont déjà institué qu’un créancier puisse percevoir [son dû] sur les biens meubles [hérités], même [dans le cas d’]un prêt verbal [non appuyé par un titre de créance].
C’est pourquoi, [dans le cas du § 5,] les héritiers sont tenus de payer [le bien volé], qu’ils [l’]aient consommé ou non, que le propriétaire ait désespéré [de le retrouver] ou non, soit avec les biens immeubles, soit avec les biens meubles que leur père a laissés.

7. Celui qui achète des biens meubles à un gazlan a le même statut que celui qui [les] achète à un ganav : si le gazlan est un voleur notoire, les Sages n’ont pas appliqué [de mesure] pour le bon [fonctionnement du commerce au] marché .
Si le gazlan n’est pas notoire, les Sages ont appliqué [la mesure pour favoriser] le bon [fonctionnement du commerce au] marché. [Par conséquent,] le volé verse à l’acheteur la somme d’argent que celui-ci a donnée en paiement [au voleur] et prend l’objet qui lui a été volé, puis revient et poursuit le voleur [en justice] pour [percevoir] la valeur de l’objet volé [qu’il a dû payer à l’acheteur].
Si le propriétaire a déjà désespéré [de le retrouver], l’acheteur acquiert l’objet volé même, et n’est pas [tenu de] le restituer.

8. Il est défendu de tirer profit [des biens] d’un voleur.
Si une minorité [de ses biens] lui appartient, bien que la majeure partie de son argent [c’est-à-dire de ses biens] provienne du vol, il est permis de tirer profit d’[un bien] lui [appartenant], à moins que l’on sache avec certitude que ce bien-là a été volé.

9. Les individus présumés être des voleurs et dont tout argent est présumé provenir du vol, parce que leur activité est celle [qui caractérise] les voleurs, comme les receveurs des taxes et les bandits, il est défendu de tirer profit d’eux. En effet, cette activité [la perception de taxes] est présumée du vol .
On ne doit pas faire la monnaie de dinars [avec des pièces provenant] de leur boîte [réservée à cet effet], car tout [l’argent qui s’y trouve] est présumé être du vol.

10. Si les receveurs des taxes prennent le vêtement d’un contribuable et lui en rendent un autre (ou s’ils prennent son âne et lui en restituent un autre), le vêtement ou l’âne retourné appartient au contribuable.
En effet, cela est considéré comme une vente : on présume que le propriétaire [du vêtement ou de l’âne donné en compensation] a désespéré [de retrouver son bien] et, [au moment où le contribuable le reçoit ,] il ne sait pas avec certitude que c’est un bien volé.
Si ce contribuable est scrupuleux et exigeant envers lui-même, il restitue le vêtement ou l’âne à son propriétaire initial.

11. Dans quel cas dit-on qu’un receveur des taxes est considéré comme un bandit ? Lorsque le receveur des taxes est un gentil [même s’il est nommé par le roi], ou un individu qui s’est nommé lui-même, ou [encore, s’il s’agit d’]un receveur des taxes nommé par le roi, mais n’ayant pas de limite, [habilité à] prendre et à laisser ce qu’il désire.
En revanche, [quand il s’agit d’]une taxe que le roi a fixée, [par exemple] il a dit de prendre un tiers ou un quart [des marchandises], ou quelque chose de fixe, nommant un receveur juif pour percevoir cette part pour lui, si l’on sait que cet homme est digne de foi et n’ajoute rien par rapport à ce que le roi a décrété, il n’est pas présumé être un voleur, parce que la loi du roi est la loi [effective].
Plus encore, [dans ce cas,] quiconque échappe au [paiement de] cette taxe transgresse [l’interdit du vol], parce qu’il vole la part du roi, que le roi soit un gentil ou un juif.

12. De même, quand un roi établit un impôt fixe annuel sur les citadins ou sur chaque individu, ou un impôt fixe sur chaque champ, ou bien décrète que quiconque transgressera ces [obligations fiscales], tous ses biens seront pris pour la maison du roi, ou [encore que] quiconque sera trouvé au moment de l’engrangement dans le champ, qu’il en soit le propriétaire ou non, devra payer l’impôt sur celui-ci ou toute règle semblable, cela n’est pas du vol.
Si un juif perçoit ces impôts pour le roi, il n’est pas présumé être un voleur ; il reste honorable, à condition qu’il n’ajoute rien, ne change rien et ne prenne rien pour lui-même.

13. De même, si un roi s’irrite contre l’un de ses esclaves ou sujets parmi les habitants du pays et saisit son champ ou sa cour, cela n’est pas du vol et il est permis d’en tirer profit.
Si un homme l’achète au roi, il lui appartient et le propriétaire [initial] ne peut pas le lui retirer. En effet, telle est la loi de tous les rois [d’où sa légitimité] : [le droit de] prendre tout l’argent de leurs sujets lorsqu’ils s’irritent contre eux.
Le roi a donc levé le droit du sujet [en question sur son bien] et cette cour ou ce champ est devenu [considéré] comme sans propriétaire. [Ainsi,] quiconque l’achète au roi l’acquiert [légalement].
En revanche, un roi qui saisit la cour ou le champ d’un habitant du pays de façon non conforme aux lois qu’il a établies est un voleur. [Par conséquent,] si une personne lui achète [la cour ou le champ], le propriétaire [initial] peut [les] lui reprendre.

14. En règle générale : toute loi que le roi établit pour tous et qui ne s’applique pas à un individu particulier n’est pas [considérée comme] du vol. Et [dans] tout [cas où] le roi prend [un bien] de tel individu seulement, de manière non conforme à la loi connue de tous, en faisant violence à ce [particulier], cela est du vol.
C’est pourquoi, quand les percepteurs du roi et ses officiers de justice vendent des champs [saisis] pour l’impôt fixé sur les champs [l’impôt foncier que le propriétaire n’a pas payé], leur vente est une vente [effective].
En revanche, l’impôt sur chaque individu [la capitation] ne peut être perçu que de l’individu lui-même ; [ainsi,] si les percepteurs vendent un champ pour [percevoir] la capitation, cela n’est pas une vente [valable], à moins que telle soit la loi du roi.

15. [Soit le cas d’]un roi dont la loi [veut] que quiconque ne paye pas l’impôt sur le champ, son champ revient à celui qui [en] paye l’impôt [de sorte qu’il pourra jouir de l’usufruit].
Si le propriétaire d’un champ s’enfuit du fait de cet impôt [pour ne pas le payer] et qu’un autre vienne payer l’impôt [réclamé] sur le champ et jouir des fruits du champ, cela n’est pas du vol. Plutôt, il peut jouir des fruits [du champ] en payant l’impôt jusqu’à ce que le propriétaire revienne [et paye l’impôt], car la loi du roi est la loi [effective], comme nous l’avons dit.

16. De même, [soit le cas d’]un roi qui décrète que quiconque paye l’impôt sur la personne [réclamé à un contribuable puisse] se faire servir par ce [contribuable] qui n’a pas payé. [S’il arrive qu’]un juif paye l’impôt incombant à un juif pauvre, il peut le faire travailler excessivement, car la loi du roi est la loi [effective], mais il ne peut pas le faire travailler comme un esclave [cananéen, c'est-à-dire lui assigner des tâches serviles].

17. Si un roi coupe des arbres qui appartiennent à des particuliers et en fait un pont, il est permis de passer dessus. De même, s’il démolit des maisons et en fait une route ou une muraille, il est permis d’en tirer profit. Il en va de même pour tout ce qui est semblable, car la loi du roi est la loi [effective].

18. De quel cas parle-t-on ? [Du cas] d’un roi dont la monnaie a cours [légal] dans ces terres [où il exerce sa royauté]. En effet, [cela signifie que] les habitants de cette terre ont accepté [son pouvoir] ; ils admettent qu’il est leur maître et qu’ils sont ses serviteurs.
Mais si sa monnaie n’a pas cours, il est considéré comme un voleur, un homme de bras, comme une compagnie de bandits armés dont les lois ne sont pas la loi [effective]. Ainsi ce roi et tous ses serviteurs [qui agissent pour lui, collecteurs et officiers…] sont considérés comme des voleurs en tous points.

Lois relatives au vol (guézel) et à l’objet perdu (avéda) : Chapitre Six

Ce chapitre étudie les objets trouvés qu’il est défendu de s’approprier et ceux qu’il est permis de garder pour soi.
Il aborde également les pratiques, comme le jeu, que les Sages ont interdit, car elles sont assimilées au vol.


1. [Concernant] des poutres, des pierres, du bois ou des [choses] semblables emportés par un fleuve : si leur propriétaire a désespéré [de les retrouver], ils sont permis [c'est-à-dire que le fait de les prendre n’est pas considéré comme du vol] et ils appartiennent à celui qui les « sauve ».
Si celui qui les trouve ignore si le propriétaire a désespéré [de les retrouver] ou non, il est tenu de les restituer.
Il est inutile de dire [qu’il en a l’obligation] si le propriétaire court après [ses objets dans le fleuve pour les récupérer].

2. C’est pourquoi, celui qui « sauve » [c'est-à-dire récupère des objets] d’un fleuve, du reflux de la mer, de la crue d’un fleuve, [de la main] de gentils, d’un incendie, d’un lion, d’un ours, d’un léopard ou d’une hyène, s’il sait avec certitude que le propriétaire a désespéré [de les retrouver], cela lui appartient. Et s’il l’ignore, il [doit les] restituer.

3. Celui qui sauve [des objets] de la main de bandits juifs, ils lui appartiennent car [on présume] a priori que leur propriétaire a désespéré [de les retrouver]. S’il sait que leur propriétaire n’[y] a pas renoncé, il est tenu de [les lui] restituer.
En revanche, celui qui sauve [des objets] de la main d’un bandit non juif ou d’un receveur des taxes non juif est tenu de [les] restituer, car [on présume] a priori que le propriétaire n’a pas désespéré [de les retrouver]. S’il sait avec certitude que le propriétaire a désespéré [de les retrouver], ils lui appartiennent.
Pourquoi [présume-t-on] a priori, [dans le cas de] bandits juifs, que le propriétaire a désespéré [de retrouver ses objets] et, [dans le cas de bandits] non juifs, qu’il n’a pas désespéré [de les retrouver] ? Parce que le propriétaire sait que les [tribunaux des] gentils [ordonnent la] restitution [d’un objet volé] de la main d’un voleur [à son propriétaire], bien qu’il n’y ait pas de témoins [attestant] qu’il a commis le vol, [en se fondant] sur des preuves branlantes et [sur leur] appréciation [générale].

4. Le cresson qui pousse au milieu du lin [dans un champ privé], le cueillir lorsqu’il est frais n’est pas [considéré comme] du vol, parce que le cresson abîme le lin du propriétaire du champ.
S’il a séché, il est défendu [de le prendre] au regard [de l’interdiction] du vol, car il a déjà abîmé ce qu’il a abîmé. [Etant donné qu’il ne continuera plus à abîmer le champ, le propriétaire ne désire pas qu’il soit pris].
S’il se trouve sur la limite [du parterre de lin et non au milieu], il est défendu [de le cueillir], même lorsqu’il est frais [parce qu’il n’abîme pas le lin].

5. Nous avons déjà expliqué dans les [lois relatives aux] dommages [causés] par les biens [d’une personne] que si un particulier sort de la grosse paille ou de la paille coupée dans le domaine public [pour qu’elle soit piétinée et puisse servir d’engrais], il n’est pas [défendu de la prendre] au regard [de l’interdiction] du vol.
En revanche, si un particulier sort les excréments [des animaux] dans le domaine public, que ce soit à l’époque [de l’année] où le fumier peut être sorti [dans le domaine public] ou non, on est coupable de vol pour [le fait de] les [prendre].

6. Celui dont le vêtement a été échangé avec un autre [par exemple,] dans la maison d’un endeuillé ou dans une maison de festin [où beaucoup de monde est présent], ne doit pas utiliser [le vêtement laissé à la place du sien ; il doit attendre] jusqu’à ce que l’autre [le propriétaire de ce vêtement] vienne, restitue [le vêtement emmené par erreur] et prenne ce qui lui appartient.
Si [son vêtement] a été échangé dans la maison d’un artisan [qui lui en a rendu un autre à la place de celui qu’il lui avait remis pour réparation, voici comment il faut procéder] : si ce sont la femme ou les enfants de l’artisan qui [le] lui ont donné, ou si l’artisan [le] lui a donné en disant : « Prends ton vêtement » [ce qui indique bien qu’il a commis une erreur], il ne doit pas l’utiliser ; [il doit attendre] jusqu’à ce que l’autre [le propriétaire de ce vêtement] vienne, restitue [le vêtement qui lui a été remis par erreur] et prenne ce qui lui appartient. [Mais] si l’artisan lui a dit : « Prends ce vêtement », il peut l’utiliser jusqu’à ce que celui-ci [celui qui a reçu son vêtement] vienne, [le lui] restitue et prenne ce qui lui appartient . [L’intéressé peut dans ce cas porter le vêtement que l’artisan lui a remis] car peut-être ce vêtement appartient à l’artisan ou [encore, peut-être] le propriétaire du vêtement a exigé de l’artisan qu’il le lui vende. [L’artisan aurait par erreur vendu le vêtement à arranger et, par conséquent, confié à l’intéressé le vêtement à vendre jusqu’à ce qu’il récupère le sien]. Il en va de même pour tout cas semblable.

7. Les Sages ont défendu de nombreuses choses au regard de [l’interdiction du] vol. Celui qui transgresse ces dispositions des Sages est [considéré comme] un voleur par ordre rabbinique. Par exemple : ceux qui font voler les pigeons et ceux qui jouent aux dés.
[On a cité] ceux qui font voler les pigeons. Quel est le cas ? Un homme ne doit pas faire voler [un pigeon] dans un lieu habité, parce qu’il prend [ainsi] illégalement l’argent d’autrui, puisqu’il envoie un mâle, qui emmènera une femelle d’un autre pigeonnier ou [il envoie] une femelle, qui emmènera un mâle. [Cela ne s’applique] pas seulement [pour] les pigeons ; plutôt, quiconque agit de manière similaire avec d’autres oiseaux, avec un animal sauvage ou avec un animal domestique est [considéré comme] un voleur par ordre rabbinique.

8. De même, les Sages ont défendu de capturer des pigeons dans un lieu habité, parce qu’ils appartiennent à d’autres personnes.
On ne doit pas poser de piège pour pigeons, à moins de [l’]éloigner de quatre mils d’un lieu habité. S’il s’agit d’un lieu « peuplé » de vignobles, on ne doit pas poser [de pièges] même à [une distance de] cent mils, car les pigeons appartiennent aux propriétaires des vignobles.
De même, un homme ne doit pas poser [de pièges à oiseaux] au milieu de pigeonniers, bien que les pigeonniers lui appartiennent, ou appartiennent à un gentil, ou soient sans propriétaire, et bien qu’il [se] soit éloigné de cent mils d’un lieu habité, parce que les pigeons viennent dans un lieu « peuplé » de pigeonniers.

9. Il faut éloigner un pigeonnier d’[au moins] cinquante coudées de la ville. Un homme ne doit pas installer de pigeonnier à l’intérieur de son champ, à moins de disposer de cinquante coudées dans toutes les directions, pour que les pigeonneaux ne soient pas attirés et n’abîment pas les champs [voisins], en mangeant les produits appartenant aux autres.
Si un homme achète à un autre un champ avec un pigeonnier, même s’il y a seulement [la surface d’]un beit rova entre le pigeonnier et le début du champ du voisin, le pigeonnier garde son statut : [on présume qu’un arrangement a été fait entre le propriétaire du champ voisin et l’ancien propriétaire, le droit de celui-ci n’ayant pas été contesté], et on n’oblige pas l’acheteur à éloigner [le pigeonnier davantage].

10. [On a cité] ceux qui jouent aux dés. Quel est le cas ? [Il s’agit de] ceux qui jouent avec des [morceaux de] bois, des cailloux, des os ou ce qui est semblable, en posant comme condition entre eux que celui qui vaincra l’autre à ce jeu lui prendra telle [somme d’argent]. Cela est du vol par ordre rabbinique. [En effet,] bien que le vainqueur prenne [cet argent] avec le consentement du propriétaire, étant donné qu’il prend l’argent d’autrui gratuitement [sans contrepartie] par plaisanterie et frivolité, [on considère qu’]il commet un vol.
De même, ceux qui jouent avec un animal domestique, un animal sauvage ou des oiseaux, en posant comme condition que celui qui [verra] son animal vaincre [l’animal de l’adversaire] ou courir davantage prendra telle [somme d’argent] de l’autre, et tout ce qui est semblable à ces pratiques : tout est défendu et est [considéré comme] du vol par ordre rabbinique.

11. Dans le jeu aux dés avec des gentils, ce n’est pas l’interdiction du vol [qui intervient], mais l’interdiction de s’occuper de choses futiles. Car il convient à l’homme de ne s’occuper tout les jours de sa vie que des paroles de sagesse [la Thora] et de ce qui participe à la stabilité du monde [c’est-à-dire une activité professionnelle].

12. [Concernant les] pièges [posés par un homme] pour [capturer] des animaux sauvages, des oiseaux ou des poissons : si un animal tombe dans un piège et qu’une autre personne vienne le prendre, cela est du vol par ordre rabbinique [seulement].
En effet, l’animal n’est pas encore arrivé en la possession de celui qui [cherche à] l’acquérir [il ne lui appartient pas puisqu’il n’a pas encore effectué d’acte d’acquisition].

13. Le fleuve qui coule et les sources qui jaillissent appartiennent à tout le monde.
Si un pauvre secoue, au sommet d’un olivier, [les branches de l’arbre pour faire tomber] les olives oubliées [par le propriétaire, lesquelles reviennent aux pauvres,] et qu’un autre pauvre vienne les prendre du sol, cela est [considéré comme] du vol par ordre rabbinique.
Si le pauvre au sommet de l’olivier réunit [les olives] dans sa main pour [les] jeter au sol [au lieu de les faire tomber en secouant les branches], les ramasser constitue un vol véritable [considéré comme tel par la Thora], parce que les olives sont parvenues dans la main de l’acquéreur [et elles lui appartiennent].

14. Les abeilles ne sont pas en le pouvoir de l’homme, comme les coqs ou les oies ; néanmoins, elles sont sujettes à l’acquisition par ordre rabbinique. Celui qui vole un essaim d’abeilles ou empêche leur propriétaire [de les prendre], si l’essaim vient dans son domaine, cela est du vol par ordre rabbinique.
C’est pourquoi, si un essaim d’abeilles sort du domaine d’un particulier pour se poser dans le domaine d’un autre, le propriétaire de l’essaim a [le droit de] marcher dans le champ de l’autre jusqu’à ce qu’il prenne son essaim ; s’il cause un dommage, il paye [la réparation du] dommage causé. Mais il ne peut pas couper une branche [dans le champ qui ne lui appartient pas] en vue d’en payer la [contre-]valeur .

15. Une femme et un mineur sont dignes de foi pour dire : « Cet essaim est sorti d’ici » [et par ce témoignage, le propriétaire du domaine voisin a l’obligation de restituer l’essaim d’abeilles à son propriétaire], à condition qu’ils parlent en toute innocence et que le propriétaire coure après l’essaim, en demandant : « Où s’est-il posé ? ». Bien qu’une femme et un mineur ne soient pas [aptes à délivrer] un témoignage, étant donné que l’acquisition des abeilles est d’ordre rabbinique, les Sages leur ont donné crédit dans ce cas.

16. Quiconque a en sa possession [un objet obtenu grâce à] un vol d’ordre rabbinique, celui-ci ne peut pas lui être retiré par les juges .
De même, s’il nie [le détenir] et prête un serment [mensonger], il ne doit pas ajouter un cinquième [en sus de sa valeur] , comme il [faut] le faire [dans le cas d’]un vol véritable [selon la Thora].