Artiste de renom, Raphaël Nouril avait eu l’occasion de peindre un portrait du Shah d’Iran, le souverain iranien dans les années 60 - 70. Auparavant, son père avait été l’orfèvre attitré du souverain et avait même confectionné la couronne et les bijoux de l’impératrice. Lors d’une discussion avec un ministre, Raphaël comprit que, bien que les Juifs aient séjourné en Perse puis en Iran depuis plus de deux mille cinq cents ans, c’était sa « religion » (le judaïsme) et non sa nationalité (iranienne) qui le définissait et que la révolte islamique qui s’annonçait ne lui laisserait que peu de chance.

Sentant le vent tourner, il s’était échappé d’Iran quelques années plus tard, avant la révolution. Heureusement pour lui et sa famille car, même si les débuts furent difficiles aussi bien à Paris qu’à Londres, Raphaël parvint à exposer ses œuvres à l’hôtel Hilton puis dans différentes galeries d’art. Petit à petit, il réalisa qu’il voulait que ses enfants connaissent un peu le judaïsme et il les amenait de temps en temps à la synagogue : lui-même ne savait pas lire l’hébreu et regardait par-dessus l’épaule de son voisin pour savoir quand tourner la page du livre de prières…

En 1983, Raphaël s’inquiéta énormément pour sa fille : au lieu de parler normalement, celle-ci criait et s’agitait violemment. Médecins et psychologues avouaient leur incompétence pour traiter son problème. A l’âge de quatre ans et demi, elle était en proie à des crises de plus en plus insupportables au point qu’elle subit une fracture et que les médecins décidèrent de l’opérer. Mais comment allait-elle supporter l’atmosphère de l’hôpital ? N’allait-elle pas souffrir encore davantage ? Hésitant, Raphaël se confia à son voisin, Rav Rotman qui venait souvent lui proposer d’accomplir les Mitsvot comme le Loulav et la Souccah… C’était surtout le fait que Rav Rotman et son épouse avaient de nombreux enfants et cela lui semblait une garantie de bon conseil. Effectivement, le Rav l’écouta attentivement et, quand Raphaël lui demanda ce qu’il aurait fait à sa place, il répondit immédiatement : « Je demanderais la bénédiction du Rabbi ! ».

Comment la bénédiction d’un Tsadik à New York pouvait-elle aider quelqu’un qui se trouvait à Londres ? Rav Rotman ne tenta même pas de répondre à la question et téléphona à Brooklyn. Ce n’est qu’à 2 heures et demi du matin qu’il réussit à contacter le bureau du Rabbi et, à peine quelques instants plus tard, le Rabbi avait donné son accord pour opérer la fracture : « Bénédiction et succès ; guérison complète aussi pour les autres sujets, au-delà de ce qu’on peut espérer. Je le mentionnerai sur le tombeau (de mon beau-père le Rabbi précédent) ».

Etonnés de cette réponse mais rassurés, Raphaël et son épouse amenèrent l’enfant à l’hôpital. Celle-ci se débattait tellement que ses parents avaient déjà oublié les paroles d’encouragement du Rabbi et qu’on fut obligé de la calmer avec une piqûre pour l’amener dans la salle d’opération. Ce fut une heure éprouvante pour les parents épuisés mais la maman fut autorisée à entrer dans la chambre de réveil et fut heureuse de constater que sa petite Ruth dormait paisiblement, souriait dans son sommeil et ne gémissait même pas.

Au bout de quelques heures, le miracle se produisit : la fillette s’éveilla, saisit le livre de prières qu’on avait posé sous son oreiller, l’ouvrit, l’embrassa puis se mit à lire à voix haute le chant Adone Olam !

« Je crus que je rêvais, se souvint Raphaël : ma fille parlait ! Comment une opération pour une fracture avait-elle pu avoir un impact sur sa parole ? Elle se rendormit puis se réveilla complètement, se retourna et… posa le pied par terre. Effrayés, nous avons tenté de l’en empêcher mais, sans aucun effort, elle avait déjà posé les deux pieds par terre et commençait à marcher ! Une infirmière accourut, poussa un cri et nous adressa de sévères reproches, pensant que c’était nous qui l’avions incitée à se lever. D’autres infirmières et médecins furent appelés en renfort et n’en crurent pas leurs yeux. Ils remirent doucement Ruth au lit et celle-ci ne manifesta aucune crainte en apercevant ce personnel en blouses blanches qui, peu avant, la terrorisait ! Même le chef de l’hôpital dut reconnaître qu’il s’agissait là vraiment d’un double miracle !

La fillette se remit à marcher et se précipita même vers un gros jouet, une voiture qu’elle s’amusa à « conduire » avec délectation. Puis elle se laissa ramener dans son lit sans protester, sans pousser les cris stridents et sans s’agiter dans tous les sens comme auparavant. « Guérison complète aussi pour les autres sujets » avait écrit le Rabbi et ces miracles se déroulaient devant nos yeux ! Dès le lendemain, nous l’avons ramenée à la maison : elle marchait encore mieux qu’avant et, surtout, elle parlait ! De jour en jour, son vocabulaire s’enrichissait…

Pour remercier le Rabbi, je décidai d’utiliser mon don naturel et de peindre son portrait. Ce fut très dur. J’avais pourtant l’habitude des portraits, j’avais peint des gens célèbres comme le Shah et, Lehavdil, Henri Kissinger mais j’eus d’énormes difficultés cette fois-ci. Il n’est pas difficile de peindre un roi non-juif : il est soit bon soit méchant mais cela n’a rien à voir avec le spirituel. On peut lui parler, cerner sa personnalité. Mais pour qu’un portrait soit vrai, il doit dégager l’intériorité de la personne et je n’y parvenais pas pour le Rabbi. J’ai alors compris que je n’avais pas le choix : je devais me rapprocher de sa façon de penser et d’agir. Je demandais à un jeune Loubavitch qui m’avait souvent demandé de mettre les Téfilines (et à qui j’avais toujours refusé) de m’apprendre maintenant à les mettre. J’ai aussi progressé dans le respect du Chabbat.

Un jour, j’ai senti que j’étais prêt, je me suis assis devant un grand canevas en me demandant comment commencer (je n’avais jamais vu le Rabbi, je n’avais que des photos à ma disposition) mais, alors que d’habitude je peins puis j’efface et je continue : cette fois-ci, je n’ai pas effacé un seul trait !

En apprenant mon projet, le regretté Rav Na’hman Sudak (émissaire principal du Rabbi à Londres) demanda à voir le portrait puis m’encouragea à l’apporter moi-même. Je pris l’avion pour New York et, quand le Rabbi passa devant moi, j’enlevai brusquement le papier dans lequel j’avais enveloppé le portrait : le Rabbi remarqua que la position des mains n’était pas conforme car, selon la Hala’ha, un Juif ne croise pas les mains et me demanda de corriger cela : de peindre sa main droite posée sur sa main gauche. (Avec ce détail, je compris aussi que le Rabbi avait un sens artistique prononcé : en effet, les mains croisées font apparaitre toutes les veines saillantes et donnent un aspect un peu angoissant qui n’est pas en phase avec le visage par ailleurs souriant). Puis je m’enhardis et demandais si, à part cela, le portrait lui plaisait et il remarqua : « C’est très bien, encore meilleur que l’original ! ».

Yits’hak Yehouda

Kfar Chabad N° 1863

Traduit par Feiga Lubecki