Lettre n° 96

Par la grâce de D.ieu,
Jeudi 9 Elloul 5703,

A notre ami, remarquable jeune homme,
le Rav M. Z. Gringlass(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je réponds brièvement à vos lettres, car je suis très occupé par la publication du Kountrass Oumayan(2), du discours de Pessa'h(3) et de quelques autres textes. C'est pour cela que ma réponse a été retardée jusqu'à maintenant:

A) Vous avez sans doute reçu notre précédente lettre, évoquant votre venue ici pour prendre conseil sur la manière d'agir, dans votre pays, pour tout ce qui concerne l'éducation juive la plus pure, de même que la façon de promouvoir l'accomplissement des Mitsvot et l'étude de la Torah.

B) Pour une quelconque raison, la parution de Hakrya Vehakedoucha a été retardée, ces derniers mois. Nous avons bon espoir que les exemplaires de Tamouz, Mena'hem Av et Elloul paraîtront d'ici une semaine.

C) Toutes les publications que vous avez demandées vous ont été envoyées et vous avez sans doute reçu, entre temps, les exemplaires de lettres pour Klotskin(4). Je suis surpris que tout cela ait été retardé.

D) Nous avons reçu, de votre part, 48 exemplaires le 20 Tamouz, 25 le 1er Elloul et 30, par le Rav Fredmeski.

E) Le comité du Séfer Torah a envoyé, il y a deux semaines, des reçus et des lettres, qui sont sûrement parvenus à tous ceux qui ont apporté leur contribution par votre intermédiaire. Si ce n'est pas le cas, vous voudrez bien me faire connaître les noms manquants et je ferai alors les recherches nécessaires.

F) D'après ce que j'ai entendu, et vous pouvez en obtenir la confirmation auprès du Rachal(5), les Tefilin du Rav D. Shifrin n'étaient pas très belles(6). Si vous souhaitez néanmoins en disposer, faites-le moi savoir. Je rechercherai où elles se trouvent et tenterai de satisfaire votre requête.

G) Nous avons envoyé les tomes 1 et 5 du Sifrénou au Rav Carlebach, comme il nous l'a demandé.

H) Par l'intermédiaire de qui pourrions-nous obtenir que nos livres d'étude soient également diffusés dans les cercles de votre Congrès juif?

I) Peut-être serait-il possible et même souhaitable que votre journal fasse une annonce pour le Sifrénou, en particulier et, de façon générale, pour toutes nos publications. Nos efforts, d'ici, ne sont pas suivis d'effet et il serait donc bon que plusieurs lecteurs écrivent, à ce propos, à la rédaction ou bien d'intervenir par des moyens comparables.

J) Nous préparons actuellement un calendrier en langue anglaise, comme celui de l'an dernier et un livre sur le Temple, avec un plan de la maison et du service qui y était effectué, également dans la langue du pays. Et, à condition que l'on trouve des donateurs, dont on pourra faire imprimer le nom, un calendrier identique sera édité, en Yiddish, si l'on en trouve le temps, par le Ma'hané Israël.

Vous m'écrivez que dans les Noms divins Ab(7) et Sag(8), le chiffre des dizaines est placé en premier, alors que, dans le Nom Ban(9), il est placé en dernier.

J'ai vu, il y a de nombreuses années, une explication à ce propos, me semble-t-il au nom de Rabbi Chimchon d'Astropolya, selon laquelle la valeur numérique réduite des Noms Ab, Sag et Ma(10) est neuf(11). Or, il en est de même pour Ban, car le Noun final vaut sept cents, soit, en valeur réduite sept(12). Si l'on avait dit Nab, en revanche, la valeur numérique réduite aurait été seulement sept(13). Je ne me souviens pas s'il explique pourquoi il est important que la valeur en soit neuf.

Peut-être était-ce parce que le neuf est, selon le Ets 'Haïm, "le sommet du chiffre, qui en est le stade le plus élevé". En effet, le chiffre dix introduit les dizaines et n'en est que le début. Vous consulterez, à ce propos, l'introduction du Shefa Tal qui, me semble-t-il, était très étudié dans votre pays. Celui-ci explique que le Nom Ma a pour valeur numérique neuf(14), soulignant ainsi l'importance de ce chiffre.

On peut avancer aussi que cette formulation permet une mémorisation facile, puisqu'il s'agit d'un mot ayant un sens(15), ce qui n'est pas le cas de Nab. On peut, toutefois, s'interroger à propos du Nom Mab, que l'on aurait pu énoncer Bam(16).

Plus profondément, Ban est lié à Even, la pierre, se décomposant en Alef Ben, un fils, qui fait allusion aux quatre fils dont il question dans la Haggada de Pessa'h ou des dix fils d'Elkana. Vous consulterez, à ce propos, le discours prononcé, cette année, à Pessa'h.

La différence entre le Noun normal et le Noun final est expliquée par ailleurs, mais je me demande si cela a une incidence sur notre propos.

Je répondrai aux autres questions la prochaine fois.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(17)

Au début du Niflaot 'Hadachot, de Rabbi Chimchon d'Astropoli, cette même question est posée au nom des Sages de la Kabballa. La signification du Nom Ban est précisée et, lorsque celui-ci est écrit avec un Noun final, il a la même valeur numérique que Chabbat(18).

Et ce qui est dit dans le corps de la lettre figure, au non de Rabbi Chimchon d'Astropoli, à la fin du Pitgamin Kadichin, édité à Lublin en 5649(19).

Longtemps après: j'ai trouvé dans le commentaire Yoël Moché, une explication, au nom du Rav de Lvov, selon laquelle le Têth, dont la valeur numérique est neuf, est une lettre sacrée, car il n'est jamais modifié. En effet, la valeur numérique de deux fois neuf reste neuf(20).

Dans les Likoutim Yekarim de Nemaïtin, il est rapporté que Rabbi Abélé de Vilna interrogea le Tséma'h Tsédek à propos du Midrach selon lequel les disciples demandèrent à Rabbi combien de Noms a le Saint béni soit-Il. Il leur répondit: "D.ieu demande qu'on Lui donne son coeur". Ils demandèrent encore: "Pourquoi sont-ils tous dans le désordre(21), un seul étant dans l'ordre?". Il leur répondit: Parce que le Nom de D.ieu est vérité". Le Tséma'h Tsédek explique que la valeur numérique des Noms Ab, Sag, Ma et Ban(22) est la même que celles des initiales de la phrase "D.ieu demande qu'on Lui donne son coeur"(23). De plus, la valeur numérique réduite de Emeth, la vérité, est neuf(24).

Ajout ultérieur: J'ai retrouvé cette explication dans plusieurs manuscrits de 'Hassidout que j'ai consultés par la suite.

Notes

(1) Le Rav Mena'hem Zéev Gringlass, de Montréal.
(2) Du Rabbi Rachab. Le Rabbi était alors directeur des éditions Kehot.
(3) Du précédent Rabbi.
(4) Voir, à ce propos, les lettres n°86, paragraphe C et n°90, paragraphe B.
(5) Le Rav Chmouel Levitin, qui avait, à l'époque, visité Montréal.
(6) Le Rav David Shifrin, qui avait quitté ce monde le 13 Iyar, possédait des Tefilin datant de la précédente génération. Le Rav Mena'hem Zeev Gringlass voulait donc les utiliser pour avoir un modèle de leur écriture selon l'Admour Hazaken.
(7) Nom divin, lié à l'Attribut de Bonté, dont la lumière ne subit aucune contraction. Il est à l'origine de toute transformation de la matière réalisée par l'âme animale. Sa valeur numérique est soixante douze et il s'écrit Aïn, qui vaut soixante dix et Beth, qui vaut deux. Les dizaines sont donc bien placées avant les unités.
(8) Nom divin, lié à l'Attribut d'Analyse raisonnée, qui apporte la conscience de l'ego, permettant la compréhension. Sa valeur numérique est soixante trois et il s'écrit Samé'h, qui vaut soixante et Guimel, qui vaut trois. Les dizaines sont donc bien placées avant les unités.
(9) Nom divin, lié à l'Attribut de Royauté céleste, qui réalise de manière concrète la transformation de la matière. Il permet la perfection mais ne met pas à l'abri de l'emprise des forces du mal. Sa valeur numérique est cinquante deux et il s'écrit Beth, qui vaut deux et Noun, qui vaut cinquante. Les unités sont donc bien placées avant les dizaines.
(10) Nom divin, lié à l'Attribut de découverte intellectuelle, qui évoque l'humilité et la soumission, au point de faire abstraction de sa propre personnalité. Sa valeur numérique est quarante cinq.
(11) Ab vaut 72, Sag 63 et Ma 45, ce qui fait 180. Or, 1, plus 8, plus 0 font 9.
(12) Soit 7, plus 0, plus 0. Beth vaut 2, ce qui fait bien 9.
(13) Soit 52, c'est-à-dire 5 et 2.
(14) Soit 4 plus 5.
(15) Puisque Ben signifie "le fils".
(16) Qui veut dire "en eux".
(17) De Ma'hané Israël.
(18) Soit 702.
(19) 1889.
(20) Soit 18, c'est-à-dire 1 et 8.
(21) Des unités et des dizaines.
(22) soit 232.
(23) En Araméen, Ra'hamana Liba Beï, dont les initiales, Reïch, Lamed et Beth, ont pour valeur numérique 232.
(24) Ce mot s'écrit Alef, un, Mêm, quarante et Tav, quatre cents, soit 441. Or, 4 et 4 et 1 font 9.