Lettre n° 9598

Par la grâce de D.ieu,


26 Mar’hechvan 5729,
Brooklyn, New York,


Je vous salue et vous bénis,


J’ai bien reçu votre lettre, à la fin de laquelle vous me dites que vous voulez venir ici, afin d’obtenir des instructions sur votre dispute avec vos amis. Ma surprise est bien évidente et compréhensible. Même si cela n’avait pas de conséquences, ne nécessitait aucun effort, il aurait été dommage de perdre du temps. En effet, le comportement à adopter, ce qu’il y a lieu de faire, doit être décidé sur place, en concertation avec les amis de l’endroit, y compris un avocat. Bien plus, il y aura sûrement plusieurs évolutions, de temps en temps, comme cela a été le cas également de par le passé. Cela est bien évident. Or, la surprise est d’autant plus grande que cette lettre a été envoyée en express.


Néanmoins, un point doit être ajouté ici et vous voudrez bien m’en excuser. Il semble que votre attitude actuelle soit encore celle qui a toujours été la vôtre. En effet, vous n’avez pas d’adjoint auprès duquel vous pourriez prendre conseil, lui faire part de ce qui se passe, non pas a posteriori, mais bien lorsque les événements sont encore en cours ou même quand vous vous apprêtez à les engager. Ceci va à l’encontre de l’enseignement de nos Sages, selon lesquels Rav Achi lui-même, qui acheva la rédaction de tout le Talmud Babli(1) et, combien plus, était le “maître de l’endroit”(2), dans sa ville, jusque dans le moindre détail, quand une question lui fut posée uniquement à propos d’un animal, “ convoqua et réunit auprès de lui tous les bouchers de la ville de Ma’hatya. Il dit : ‘peut-être trouvera-t-on le moyen de la permettre’ ”, comme le relate le traité Sanhédrin 7b. De fait, telle était son attitude permanente(3). Or, ce récit ne figure pas dans un passage talmudique traitant de la modestie, mais bien dans celui qui définit le rôle du dirigeant d’une ville. Bien entendu, l’objet de la Torah n’est pas de raconter de belles histoires, uniquement parce qu’elles sont belles. En fait, chaque détail de la Torah délivre un enseignement(4) et, parce que la Torah est éternelle(5), cet enseignement l’est aussi, en tous les endroits et à toutes les époques.


Je me suis retenu, jusqu’à maintenant, de formuler ces remarques, car j’ai espéré, j’ai attendu que vous adoptiez enfin cette conclusion de votre propre initiative. Bien plus, on m’a dit qu’il y a un certain temps déjà, on s’est plaint auprès de vous, à ce sujet et l’on a exigé un changement. Or, selon ce qu’indiquent votre lettre et vos rapports avec les autres personnes, en général, une amélioration reste encore nécessaire et celle-ci ne consiste pas à vous rendre dans un autre continent(6), à titre exceptionnel. Comme je l’ai dit, une telle démarche n’a aucun intérêt. Il faut, comme je le précisais, demander conseil sur place et apprendre de cet événement une leçon pour l’avenir, comme je l’ai indiqué. C’est bien évident.


J’ai été satisfait du compte-rendu qui m’est parvenu sur la manière dont vous avez dirigé l’inauguration de la maison des jeunes à Kfar ‘Habad(7) et sur l’impression qu’en ont tiré les participants. Vous constaterez, je l’espère, que ces lignes ne contredisent pas ce qui est dit ci-dessus, bien au contraire(3). Vous avez des capacités et, si vous les utilisez de la manière qui convient ou même encore mieux que cela, vous avez de grandes chances de connaître un immense succès. En la matière, il est encore plus important d’adopter l’attitude de Rav Achi. En effet, le tort causé, ce qu’à D.ieu ne plaise, ne porte pas sur ce qui est accessoire et négligeable, mais bien sur ce qui est grand et important.


Puisse D.ieu faire que ces propos soient acceptés tels qu’ils sont, je veux dire non pas comme un “reproche”, mais bien comme l’indication de ce qui doit changer. En outre, et ceci est essentiel, ils doivent faire leur effet. Avec ma bénédiction de réussite, de même que pour me donner de bonnes nouvelles de tout cela,


M. Schneerson,


La demande de bénédiction figurant dans votre lettre et dans les précédentes sera lue près du tombeau(8).


Notes


(1) Voir l’introduction du Rambam au Yad Ha ‘Hazaka.
(2) Cette expression désigne le Rav de la ville.
(3) Le Rabbi souligne les mots : “permanente” et “bien au contraire”.
(4) Voir le Zohar, tome 3, à la page 53b.
(5) Voir le Tanya, au début du chapitre 17.
(6) Auprès du Rabbi.
(7) Voir, à ce sujet, la lettre n°9581.
(8) Du Rabbi Rayats.