Lettre n° 9569

[Elloul 5728]


A monsieur Elyahou Amikam(1),


Je vous salue et vous bénis,


J’ai bien reçu votre lettre du 6 Elloul, dans laquelle vous m’interrogez sur le rétablissement du Sanhédrin(2). Comme vous le savez, j’évite de me prononcer sur de tels sujets, pour différentes raisons. Néanmoins, vous établissez un lien entre cette question et : “ la déchirure grandissante que l’on constate entre la majorité de la population d’Israël et les institutions religieuses, d’une part, le danger de l’assimilation qui guette la majorité du peuple juif dans les pays de la diaspora, d’autre part ”, comme vous l’indiquez au début de votre lettre. Je sais que vous êtes un journaliste sérieux, que vous prenez à cœur les questions importantes et que vous avez l’habitude d’exprimer votre avis sans ambiguïté. A n’en pas douter, vous considérez cette situation, en général, avec un cœur brisé et douloureux. J’ai donc décidé de déroger à mon habitude et de répondre à vos questions.


La question proprement dite, portant sur le rétablissement du Sanhédrin, se résume à trois points :
A. Y a-t-il, selon moi, une utilité d’envisager ce rétablissement ?
B. Le cas échéant, quelle forme doit avoir ce Sanhédrin, à mon avis ?
C. Dans le cas contraire, quelles sont les raisons de mon opposition, sachant, comme on l’a dit que la situation en Erets Israël, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, comme en diaspora, soulève le problème de l’autorité religieuse, que le rétablissement du Sanhédrin devrait résoudre ?
Je vous pose à mon tour la question suivante : comment savez-vous qu’il en sera ainsi(3) ? Est-il bien, vrai que le rétablissement du Sanhédrin est une solution, bien plus la seule solution à l’état actuel de la vie morale et religieuse de notre peuple ?


S’il y avait des controverses et un désordre dans différents domaines hala’hiques, si l’on avait des doutes sur la manière de trancher la Loi, si les Grands d’Israël avaient des avis opposés, les uns et les autres n’ayant pas la même interprétation, la Hala’ha elle-même aurait pu dire que la question ne peut être tranchée que par un Sanhédrin, lequel, non seulement décide en dernière instance, mais, en outre, impose ses vues. La Hala’ha aurait pu préciser aussi que tous ceux qui ont des avis opposés doivent accepter de se ranger à la position du Sanhédrin, sans la remettre en cause, sans s’interroger. S’il en était effectivement ainsi, on aurait pu comprendre tous ces milieux qui militent aussi vigoureusement pour le rétablissement du Sanhédrin, afin de supprimer les divergences et de rétablir la paix dans le monde.


Observons, néanmoins, si la réalité est bien celle-ci et, pour preuve, voyons quelle est la situation dans tous les domaines de la Torah et des Mitsvot qui sont parfaitement clairs, à propos desquels il n’y a pas de discussions. Tous ces milieux les respectent-ils ? Plus généralement, tous ceux qui prennent part à cette enquête ou, globalement, à la question du rétablissement d’un Sanhédrin, se soumettent-ils à l’autorité de la Torah ? Admettent-ils qu’à la fois la Loi écrite et la Loi orale ont été données par D.ieu, qu’elle est une Torah de vie, de la même étymologie que Horaa, enseignement(4), parce qu’elle guide et dirige l’existence de l’homme, à titre individuel, celle de la communauté et celle de tout le peuple, au quotidien ?


S’il en est effectivement ainsi, même celui qui a une connaissance sommaire de la Torah admettra qu’en l’absence du Sanhédrin également, Israël ne manque pas de moyen(5), que la Hala’ha précise le comportement que l’on doit adopter, y compris quand il y a des doutes dans les domaines que, selon la Loi, seul le Sanhédrin peut clarifier. Ainsi, les milieux craignant la Parole de D.ieu, mettant en pratique les Mitsvot de la Torah concrètement et scrupuleusement qui, malgré leur profond désir d’avoir le mérite d’observer le rétablissement du Sanhédrin, quand le moment viendra, selon notre sainte Torah et de manière convenable, sont précisément ceux qui ne subissent pas le désordre lié à l’absence de ce Sanhédrin et qui n’agissent donc pas pour le rétablir. Dans leur existence personnelle et communautaire, on ne ressent pas réellement le manque d’une autorité religieuse, au point qu’ils soient confrontés aux doutes dont vous faites état dans votre lettre, ce qu’à D.ieu ne plaise.


Quant à ceux qui demandent le rétablissement du Sanhédrin, mais ne sont pas soumis à la Torah et à ses Mitsvot, il est bien évident qu’ils ne connaissent pas la nature de ce Sanhédrin, ne savent pas de quoi il s’agit ou encore n’ont, d’emblée, pas l’intention de s’en remettre à son avis. En effet, il est clair que le Sanhédrin ne pourra pas renoncer au moindre détail(6) de la Torah, que son enseignement sera uniquement basé sur cette Torah, qu’il devra vérifier que ses décisions soient suivies d’effet, sans craindre aucune personne ni aucune cause, en n’étant assujetti à personne, si ce n’est à la Volonté du Saint béni soit-Il exprimée dans notre sainte Torah. Ainsi, ceux qui pensent que le rétablissement du Sanhédrin permettra de supprimer certains comportements “ rigoristes ”, de permettre différents interdits de la vie personnelle et communautaire commettent une erreur. Tout d’abord, le désir de rechercher systématiquement la position la plus légère est, en soi, un égarement, qui est le résultat d’un manque de soumission et d’un rejet de la moralité. En outre, ces modifications “souhaitées” ne seront pas possibles.


De même, ceux qui pensent que le rétablissement du Sanhédrin fera disparaître la déchirure qui existe entre ceux qui respectent la Torah et ses Mitsvot, d’une part, ceux qui, pour l’heure, s’y opposent, d’autre part, se trompent également. Car, si l’on rétablit ce Sanhédrin, il est bien clair que l’on ne réduira pas le nombre des trente-neuf travaux interdits pendant le Chabbat, que les relations entre les hommes et les femmes ou les règles de la pudeur ne seront pas allégées, qu’on ne fera pas de concession sur la bonne éducation basée sur les valeurs sacrées.


Il découle de tout ce qui vient d’être dit que la raison de la déchirure mentionnée ci-dessus n’est pas l’absence de Sanhédrin. Son rétablissement ne sera donc pas une solution. La seule solution est, en fait, la suivante. Tous ceux qui exercent une influence sur les différents milieux de notre époque doivent prendre conscience de la vérité, admettre sans honte qu’ils se sont trompés, y compris sur leurs propres visions, faire connaître leur avis et leur conclusion à tous les milieux, dire que le fondement de la pérennité de notre peuple est uniquement la pratique de la Torah et des Mitsvot, au quotidien, sans concessions et sans changements, car la maison d’Israël n’est pas comme toutes les autres nations.


A la question proprement dite de ce rétablissement du Sanhédrin et à l’enquête qui est menée sur la base des trois questions précédemment citées, on peut apporter une réponse commune. Quiconque consulte les lois de la nomination du Sanhédrin et se demande qui est habilité à en être membre, constatera que, tout comme il n’a pas été possible de rétablir le Sanhédrin depuis la date de sa dissolution jusqu’à ce jour, les mêmes difficultés et les mêmes obstacles subsistent encore, à l’heure actuelle, selon la Hala’ha, pour son renouvellement. Et, tout organisme qui se dénommerait “Sanhédrin” sans tenir compte de la Hala’ha ne serait, bien entendu, qu’une vaste tromperie, mais en aucune façon un véritable Sanhédrin. Il n’aura d’autre but que d’abuser, il causera plus de tort que de bien et il n’apportera en aucune façon les résultats escomptés.


En revanche, la préparation véritable au rétablissement du Sanhédrin, comme on l’a dit, est la nécessité pour quiconque exerce une influence de rétablir la gloire de la Torah(7), de renforcer et de diffuser le respect de la Torah et des Mitsvot, au quotidien, de faire tout cela avec courage, sans s’affecter devant ceux qui se moquent(8). Car, chacun peut agir, en fonction de sa situation et de son état, pour supprimer les raisons qui ont conduit à suspendre le Sanhédrin, pour hâter la délivrance véritable par notre juste Machia’h. C’est alors que se réalisera la promesse(9) selon laquelle : “ Je rétablirai tes juges comme auparavant et tes conseillers, comme au début… ”. Avec mes respects et ma bénédiction,


Notes


(1) Rédacteur du Yediyot A’haronot, de Tel Aviv. Voir, à son sujet, la lettre n°9385.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°3682.
(3) Que le rétablissement du Sanhédrin sera la solution de ce problème.
(4) Voir le commentaire du Radak sur le verset Tehilim 19, 8 et le Zohar, tome 3, à la page 53b.
(5) Textuellement, “n’est pas veuf”.
(6) Textuellement, “à la pointe se trouvant au-dessus du Youd”.
(7) Textuellement, “de replacer la couronne là où elle était avant”.
(8) Selon le Rama, au début du Ora’h ‘Haïm.
(9) Ichaya 1, 26. Voir le Rambam, lois des rois, au début du chapitre 11.