Lettre n° 9568

Par la grâce de D.ieu,


jours de Seli’hot 5728,
Brooklyn, New York,


Aux fils et filles d’Israël,
partout où ils se trouvent,
que D.ieu vous accorde longue vie,


Je vous salue et vous bénis,


L’un des aspects essentiels de Roch Hachana(1), comme cela a déjà été maintes fois souligné, est le moment du couronnement(2) de D.ieu(3), “ Roi d’Israël ”(4) et “ Roi du monde ”, ce qui est lié à notre profonde prière(5) et à notre fervente requête(6) : “ Règne sur le monde entier ! ”(2).


Une telle demande suppose que l’on soit totalement prêt à se placer dans la situation qui permettra le couronnement divin, à se soumettre profondément au Roi, au point de perdre toute existence personnelle en Lui marquant son appartenance totale(7). Ceci est appelé “ l’acceptation du joug de la Royauté de D.ieu ”, béni soit-Il(2) et ce sentiment doit se manifester jusque dans le moindre aspect(8) de l’existence quotidienne.


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De fait, chaque jour, on doit accepter le joug de la Royauté divine et on le fait effectivement, en particulier pendant la lecture du Chema Israël(9). Pour autant, une différence fondamentale(10) doit être faite. Chaque jour, la soumission n’est que l’entrée en matière, le fondement profond du comportement de toute la journée. De la sorte, tout ce qui y sera accompli se basera sur ce sentiment. A Roch Hachana, par contre, la soumission est, à proprement parler, le message(2) et le contenu du jour. Elle se révèle(2) pleinement, en ce jour et elle imprègne l’existence même(2) d’un homme, de sorte que celui-ci se soumet totalement à la Divinité.


Pour que l’acceptation du joug divin soit totale et sincère, un homme doit, au préalable, établir un bilan moral du comportement qu’il a eu jusqu’à maintenant. Il doit éprouver un profond sentiment de regret et de Techouva(11) pour tout ce qui n’a pas été fait comme il l’aurait fallu. En effet, une Techouva véritable rince ce qui n’a pas été bon, permet d’être : “ aimé, agréable, proche et ami ”(2) de D.ieu(12). On se conformera ainsi à ce que l’on doit être et l’on peut avoir la certitude(13) que D.ieu acceptera le couronnement qu’on Lui offrira, qu’Il exaucera la requête : “ Règne sur le monde entier ! ”.


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Chaque époque et chaque endroit possèdent des qualités particulières, de même que des défauts spécifiques.


A notre époque, il existe, dans différents milieux, une tendance à l’émancipation, au rejet de toute sujétion, non seulement dans le domaine matériel, mais aussi pour ce qui concerne l’idéologie. On refuse de se conformer à l’ordre établi. On n’admet rien que l’on n’ait pas pleinement compris, par les forces de son intellect. Une telle situation semble faire obstacle à la soumission.


Combien plus en est-il ainsi dans des pays relativement jeunes, qui se sont construits sur la base de l’énergie et de l’initiative personnelles. Là, un tel caractère est devenu la norme, pour tout ce qui concerne la vie privée ou les relations sociales. En pareil cas, il est encore plus difficile d’avoir la soumission pour règle de conduite.


Malgré tout cela, nous avons un principe établi(14) selon lequel D.ieu n’attend pas des hommes ce qui dépasse leurs forces. En l’occurrence, l’acceptation du joug de Sa Royauté est le contenu profond de Roch Hachana et le fondement des actions, tout au long de l’année. Il en est ainsi en tout(2) temps et en tout(2) lieu. Il est donc certain qu’à notre époque également et dans de tels pays, il est possible et même nécessaire de parvenir à la soumission la plus parfaite.


Mais, en réalité, une telle situation présente également un avantage(15), précisément à notre époque et dans ces contrées. En effet, quand un homme qui n’a pas pour principe l’émancipation et l’autonomie, qui agit tantôt d’une façon tantôt d’une autre, s’engage à se soumettre, il aura du mal à intégrer ce principe à sa personnalité. En effet, regretter ce qu’il a fait et changer d’idée ne sera pas pour lui une démarche véritablement nouvelle. A l’opposé, celui qui n’a pas l’habitude de se soumettre, qui décide toujours seul l’approche qu’il adoptera, s’il parvient à la conclusion qu’il doit se soumettre à une Autorité supérieure, se pénétrera profondément et complètement de ce principe. Il saura trouver en lui la détermination qui lui permettra de changer radicalement(2) et définitivement(2) son attitude.


Ce changement se marquera non seulement dans ses sentiments et son intellect, mais aussi dans ses pensées, ses paroles, ses actions et jusque dans le moindre détail le concernant. Bien plus, la majeure partie de la journée est emplie d’actions et de paroles. C’est donc essentiellement dans ces domaines que la soumission se manifestera, de même que dans la pratique de la Torah, des Mitsvot et dans les différents aspects de l’existence quotidienne.


Simultanément, on accomplira, d’une manière plus sérieuse et plus énergique, la Mitsva de(16) : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ”(2), surtout en se soumettant à D.ieu. On convaincra donc un autre Juif, de nombreux autres Juifs(17) de se soumettre, à leur tour, à la Royauté de D.ieu, non pas uniquement par leur intellect et par leurs sentiments, mais aussi en leurs pensées, en leurs paroles et en leurs actions, au quotidien.


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Puisse D.ieu faire que cette acceptation du joug de la Royauté divine ait pour effet immédiat : “ Accepte notre prière avec miséricorde et bon vouloir ”. Que notre Père et notre Roi accorde à chacun et à chacune, au sein de tout Israël, une bonne et douce année, dans tous les domaines, en un bien visible et tangible, de Sa main pleine, ouverte, sainte et large. Avec ma bénédiction afin d’être inscrit et scellé pour une bonne année,


Mena’hem Schneerson,


Notes


(1) Voir le Likouteï Si’hot, tome 9, à la page 450.
(2) Le Rabbi souligne les mots : “couronnement”, “règne sur le monde entier !”, “l’acceptation du joug de la Royauté de D.ieu, béni soit-Il ”, “message”, “révèle”, “l’existence même”, “aimé, agréable, proche et ami”, “tout”, “tout”, “radicalement”, “définitivement” et “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “C’est pour cela qu’il est dit, dans toutes les prières de Roch Hachana: ‘Règne sur le monde entier’, alors que les versets du souvenir et ceux du Chofar, pour leur part, ne sont pas mentionnés dans toutes les prières. De même, la conclusion de la bénédiction de ce jour, y compris dans le Kiddouch, est : ‘Roi de toute la terre’. Le commentaire de Rachi et le Ma’hzor Vitry expliquent que l’on dit : ‘Roi saint’, y compris dans la prière d’Arvit, parce que le Saint béni soit-Il a dit : ‘Proclamez Mon règne sur vous, à Roch Hachana’. En effet, il est précisé : ‘Je suis l’Eternel votre D.ieu’ et le verset suivant poursuit : ‘Et, le septième mois…’. De ce fait, la sonnerie du Chofar, qui est la Mitsva du jour, permet de ‘proclamer le règne du Créateur’, selon les termes de Rabbi Saadya Gaon, cités par le Abudarham. On verra aussi le Sidour du Ari Zal et le Péri Ets ‘Haïm, à propos de Roch Hachana”. Le Rabbi souligne ici les mots : “toutes (les prières)” et “la Mitsva du jour”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “Il est dit : ‘Proclamez Mon règne sur vous’. Il en est donc ainsi par l’intermédiaire des Juifs et de leur prière : ‘Règne sur le monde entier’. Et, c’est de cette façon que D.ieu devient également le ‘Roi du monde’, comme l’explique le Likouteï Torah, à la Parchat Devarim, pages 41d et 56c”. Le Rabbi souligne ici les mots : “sur vous”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le traité Roch Hachana 16a, qui dit : ‘Prononcez devant Moi des versets de royauté, afin que Je règne sur vous’, comme l’explique le Likouteï Torah, Parchat Devarim, à la page 56c”.
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “Comme l’expliquent différents textes, à propos du ‘Cantique des degrés, des profondeurs’ et du verset : ‘Recherchez Ma Face’, qui est lié à la fois à Roch Hachana, à la période qui le précède et à celle qui le suit”.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “Ceci permet de comprendre différentes lois s’appliquant au roi, comme le dit le Rambam, lois des rois, au chapitre 3, paragraphe 8 et au chapitre 4. Il précise, en outre, au chapitre 3, paragraphe 6, que : “son cœur est celui de toute la communauté d’Israël”. On consultera le Zohar, tome 3, à la page 221b et Iguéret Ha Kodech, au chapitre 31, de même que les responsa ‘Ha’ham Tsvi, au chapitre 74. Néanmoins, les Pisskeï Dinim du Tséma’h Tsédek, partie Yoré Déa, à la fin du chapitre 40, tranchent la Hala’ha selon l’avis opposé. Le Darkeï Techouva, le Nitsoutseï Zohar et le commentaire de Rachi sur le verset ‘Houkat 21, 21, reprennent, pour leur part, le Midrash Tan’houma, qui dit : ‘Le chef est tout’. On verra également le Likouteï Si’hot, tome 4, à la page 1050”. On consultera, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 19, à partir de la page 165 et le Séfer Ha Si’hot 5748, tome 1, à la page 222, avec les références qui y sont indiquées.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le Rama et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, début du premier chapitre, qui dit : ‘Le comportement de l’homme…’”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “Selon le traité Bera’hot, au début du chapitre 2. Voir le Tour et Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 61”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le discours ‘hassidique intitulé : ‘Il s’est élevé dans la sonnerie du Chofar’, de 5699, au chapitre 2, la fin du discours ‘hassidique intitulé : ‘Un Chofar de…’, de 5702 et le Tanya, au début du chapitre 41”.
(11) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le début du discours ‘hassidique intitulé : ‘Cantique des degrés, des profondeurs’, de 5703 et la fin de ce même discours”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “Rambam, lois de la Techouva, chapitre 7, au paragraphe 6. Voir le paragraphe 7 qui mentionne également quatre éléments, mais la différence entre ces deux textes ne sera pas précisée ici”. On verra, à ce propos, le Likouteï Si’hot, tome 20, aux pages 92 et 93, de même que dans les références qui y sont indiquées.
(13) Le Rabbi note, en bas de page : “Le Rambam dit : ‘Il implore et il est exaucé immédiatement, ainsi qu’il est dit : Avant même qu’ils ne M’invoquent, Je leur répondrai’”.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “Le Midrash Tan’houma, Parchat Nasso, au chapitre 11 et le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 12, au paragraphe 3, disent : ‘Je n’exige qu’en fonction des forces dont ils disposent’. On verra aussi le traité Avoda Zara 3a, qui dit : ‘Le Saint béni soit-Il n’agit pas avec félonie envers Ses créatures’. En outre, la logique permet d’établir qu’il en est nécessairement ainsi. On consultera le Rambam, dans ses lois de la Techouva, au début du chapitre 5”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le traité Beïtsa 25b : ‘du fait de l’effronterie…’, avec le commentaire du Maharcha et le traité Baba Metsya 84a, qui dit : ‘Place ta vigueur dans la Torah’”.
(16) Kedochim 19, 18. Le Rabbi note, en bas de page : “Comme l’explique Iguéret Ha Kodech, au début du chapitre 12”.
(17) Le Rabbi note, en bas de page : “En effet, influencer et préserver une autre âme juive conduit à influencer et à préserver le monde entier, selon le traité Sanhédrin, chapitre 4, Michna 5. Et, le Zohar, tome 1, à la page 208b, souligne : ‘Quiconque a préservé une âme mérite la vie’”.