Lettre n° 9515

Par la grâce de D.ieu, veille du saint 
Chabbat de la Paracha “ dresse-toi, puits, et réponds à ce chant(1) ” 5728,


Brooklyn, New York,


Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se
consacre aux besoins communautaires, aux multiples
connaissances, le Rav Chlomo Yossef(2),


Je vous salue et vous bénis,


J’ai bien reçu votre lettre du 4 Tamouz, de même que celles qui la précédaient(3). J’exprime ma forte conviction(4) qu’en ces jours propices, ceux de la libération, les 12 et 13 Tamouz qui approchent, en ceux qui les précèdent et en ceux qui les suivent, chacun se souviendra du récit de la délivrance, de l’emprisonnement qui le précéda et des raisons qui furent à l’origine de tout cela. Et, ce souvenir suscitera la méditation, une réflexion et un enseignement que l’on tirera de ces événements et qui conduiront à l’action.


Cette action concrète sera à l’origine d’accomplissements concrets, constituant le fondement et la dimension profonde de ces récits, la diffusion du Judaïsme, de la Torah, de son enseignement révélé et de sa partie cachée, de même que de ses Mitsvot, jusqu’au don de sa propre personne.


Le don de soi, de sa propre volonté et de tout ce qui le concerne sera réalisé dans la largesse véritable. En effet, même dans une situation en laquelle s’accomplit pleinement la promesse selon laquelle : “ D.ieu inspirera votre crainte et votre terreur ”, on n’en doit pas moins, en permanence, fixer littéralement en son cœur la nécessité de faire don de sa propre personne pour D.ieu, afin de se maintenir fermement devant tout obstacle et toute difficulté, tout ennemi et toute personne qui veut se venger, de l’extérieur ou de l’intérieur. Et, l’on aura la certitude qu’au final, toutes les limitations, tous les empêchements disparaîtront, que ces actions connaîtront la réussite, qu’elles se multiplieront et seront lumineuses.


Et, le nombre de ceux qui agissent en la matière, “ les travailleurs du jour ”, apportant la lumière, sera de plus en plus grand, jusqu’à ce qu’on ne puisse les compter. Alors, s’accomplira la promesse selon laquelle : “ se multiplieront la connaissance, la sagesse et la vérité. Et, la terre s’emplira de connaissance de D.ieu ”, lors de notre délivrance véritable et complète, qui est imminente, par notre juste Machia’h. Avec ma bénédiction pour me donner de bonnes nouvelles, en bonne santé,


M. Schneerson,


N. B. : Les descendants du Rav B. M. E.(5) ont éprouvé le désir, en leur cœur pur, d’immortaliser son nom. Il serait bon que cela soit par un Collel se trouvant auprès de Torat Emet(6). L’un des avantages serait sa localisation à Jérusalem, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. En outre, les moyens en leur possession seront suffisants pour cela et il y aurait d’autres avantages encore.


Vous formulez des remarques, dans votre lettre du 3 Sivan(7), à propos du Pessa’h Chéni de cette(8) année : y a-t-il lieu de se trouver : “sur un chemin lointain”, comme je le disais dans ma note(9) ? Je préciserai, tout d’abord, un point qui est le fondement(8) de mon raisonnement. Il s’agit, en l’occurrence :
1. d’une interdiction qui est punie par le retranchement de l’âme(10).
2. A l’opposé, si tous les hommes âgés de plus de treize ans se trouvent, pendant quelques heures, sur un chemin lointain de Jérusalem, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, il y aura là un fait important et, en outre, une question se trouve ainsi soulevée : ceux qui sont, de toute façon, dans un chemin lointain, ne s’efforceront-ils pas d’entrer à Jérusalem, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, précisément à ce moment ?


J’ai conclu qu’il y avait, en la matière, un doute, le doute d’un doute(11), que, de ce fait, ceux qui se trouvent : “ sur un chemin lointain ” ne s’approcheront pas et qu’il est bon que ceux qui sont à l’intérieur quittent la ville. Une question particulière se pose pour ceux qui n’ont jamais quitté la ville sainte de Jérusalem.


J’ajoute qu’il en est a fortiori ainsi pour le premier Pessa’h, lequel concerne, en outre, les femmes, comme je l’ai indiqué à ceux qui m’avaient interrogé, à l’époque. Je reprends donc les points dans l’ordre de votre lettre :
1. tout d’abord(12) de deux choses l’une(8) : la réponse est celle que je donnais au préalable. A fortiori, le même risque existe-t-il pour le premier Pessa’h et celui qui ne se trouvait pas alors sur un chemin lointain pourrait, en effet, être considéré comme ne l’ayant pas offert délibérément. Malgré cela, il est bien évident(8) que, d’après l’avis considérant que, même s’il était sur un chemin lointain pour Pessa’h Chéni, il est néanmoins puni de retranchement de l’âme pour avoir délibérément négligé le premier Pessa’h(8). Malgré cela, il ne doit pas(8) pour cela ajouter une autre faute à propos de Pessa’h Chéni(8) et, là encore, ne pas le faire délibérément, même si cela ne modifie en rien le retranchement de l’âme relatif au premier Pessa’h(8).
2. Celui qui se trouve sur un chemin lointain pour le premier Pessa’h sera acquitté également du retranchement de l’âme, au moins d’après l’avis qui dit que celui qui n’effectue pas volontairement le premier Pessa’h puis se trouve sur un chemin lointain pour le second en est dispensé.
3. Point essentiel(8), tous ceux qui se trouvaient sur un chemin lointain pour le premier Pessa’h, parmi lesquels figure la majeure partie des invités, gagneront tous à se trouver sur un chemin lointain également pour le second Pessa’h, du fait de ce doute.


S’agissant de l’immense question(13), qui est posée sur toutes les générations(8), vous savez que les nations dominaient effectivement cet endroit jusqu’à la guerre de l’an dernier(14).


Pour ce qui est de ma précision(15) sur l’expression du Talmud : “ la Torah(8) l’a repoussé ” et, en particulier : “ il a été repoussé du fait de son impureté, qu’il fasse donc dans l’impureté ”, vous objectez que, selon le Min’hat ‘Hinou’h, il n’en est pas nécessairement ainsi. Avec tout le respect dû, je n’ai pas à justifier sa position,
1. lorsqu’il n’y a pas de punition de retranchement de l’âme,
2. lorsque ce qu’il dit va à l’encontre d’une affirmation du Talmud.
J’ajoute que, selon la formulation simple(8) et le contexte du Talmud, une distinction doit être faite entre celui qui est repoussé du fait de son impureté et les autres cas de force majeure. On peut le déduire du fait que, dans toutes ces situations, la Guemara indique : “ ils sont impurs(8) ”, alors qu’elle aurait pu dire : “ ils sont dans un cas de force majeure ”. En fait, dans quelques cas, il fallait dire qu’ils étaient impurs et cette formulation a donc été systématiquement adoptée.


En parlant de comparaison du Babli et du Yerouchalmi, je voulais simplement dire que le Babli, quand il énonce la loi sans donner de précisions(8), ne tranche pas selon l’avis de Rabbi Yehouda. Le Yerouchalmi maintient la controverse. Néanmoins, il faut en déduire que le principe selon lequel : “ lorsqu’un avis unique s’oppose au grand nombre, c’est l’avis du grand nombre qui est retenu ” connaît quelques exceptions.


Pour ce qui est(16) de la Hala’ha tranchée du Rambam et son expression sans précision(8), les règles d’interprétation du Rambam établissent, comme on le sait, qu’il ne cite pas les notions établies par des déductions. Vous trouverez une explication présentant un caractère encore plus novateur dans le recueil Tsafnat Paanéa’h sur la Torah, à la Parchat Beaalote’ha, à propos de la communauté et de la manière dont elle repousse le Chabbat.


Quatrième question(17), sur le fait que l’on ne possède pas les vêtements des Cohanim et l’autel, à la veille de Pessa’h(8), nous nous en tenons à l’avis de Rabbi Yé’hiel de Paris. A son époque, il n’y avait pas de prophète capable d’identifier l’endroit de l’autel. Malgré cela, il voulut effectuer des sacrifices. Les derniers Sages ont longuement développé cette idée. Un fascicule publié à ce propos vient de me parvenir. Il s’agit du Karnot Ha Mizbéa’h, qui a été édité à Varsovie en 5688(18). Il pose toutes ces questions et d’autres qui sont équivalentes(8), puis il apporte des réponses, bien que l’on puisse réellement s’interroger sur certaines d’entre elles.


On notera que la construction de l’autel, en apparence, selon les lois du Temple(19), à la fin du chapitre 2, peut être effectuée à un moment où il est déjà possible d’offrir le sacrifice de Pessa’h. Par la suite, il reste encore suffisamment de temps pour effectuer ce sacrifice.


Vous posez une question naïve(20) : où est-il question d’un “chemin lointain” à propos du second Pessa’h(8) ? Nous lui apporterons une réponse naïve(8) : la Michna du traité Pessa’him 95a demande : “ Quelle différence y a-t-il entre le premier Pessa’h et le second ”. Il en est de même pour le Rambam, à la fin des lois du sacrifice de Pessa’h. Aucun texte que j’ai vu ne prétend que cette liste n’est pas exhaustive et ne comprend pas le “chemin lointain”. Vous verrez aussi les Tossafot, à la même référence.


Vous vous excusez(8), à la fin de votre lettre(21). A mon humble avis, il est clair qu’il n’y a pas lieu de le faire, bien au contraire(8), comme le dit le traité Baba Metsya 84a. J’ai l’habitude de commenter l’affirmation de nos Sages, dans le traité Kiddouchin 30b, selon laquelle la paix règne, à la fin de la discussion des Sages, parce que(8) le début était dans la fin.


De nombreuses fois(22), peut-être même systématiquement, la règle d’interprétation : “ Ne lis pas ceci, mais cela ” ne remet pas en cause la première lecture, se limitant à lui en ajouter une seconde et la conclusion conservant les deux à la fois. Je n’ai pourtant pas retrouvé ce principe dans l’Encyclopédie talmudique(23).


Et, je conclurai par une question et une demande pressante, dans un sens positif : quand le tome 13 paraîtra-t-il enfin, puis le 14 ? Chacun d’entre eux contient beaucoup de bien et il ne faut donc pas le soustraire à celui à qui il revient(24), ce qu’à D.ieu ne plaise.


Notes


(1) ‘Houkat 21, 27.
(2) Le Rav C. Y. Zevin, de Jérusalem. Voir, à son sujet, la lettre n°9407.
(3) Voir le Likouteï Si’hot, tome 12, à la page 221.
(4) Voir la lettre précédente.
(5) Le Rav Barou’h Morde’haï Ettinger de Babroysk. Voir, à son sujet, Ohaleï Loubavitch, tome 4, de Chevat 5756, à partir de la page 59. Voir aussi les lettres n°9547 et 9551.
(6) La Yechiva Loubavitch de Jérusalem.
(7) Pour faciliter la compréhension de cette réponse du Rabbi, les paragraphes correspondants de la lettre du Rav Zevin seront présentés, au fur et à mesure : “ J’ai reçu le texte de la causerie du Rabbi de A’haron Chel Pessa’h et j’ai apprécié ces remarquables explications, qui expriment la grâce de la sagesse. Mais, je ne peux m’empêcher d’exprimer ma surprise devant la conclusion du Rabbi : ‘il faut éviter actuellement de se trouver, le 14 Iyar, dans les quinze Mils alentour de Jérusalem’, ce qui veut dire que tous les habitants de Jérusalem, un quart de million de personnes, que D.ieu les multiplie, devraient quitter la ville pendant Pessa’h Chéni ! Même si l’on admet que ceci concerne uniquement ceux qui veulent mettre en pratique les Mitsvot de la meilleure façon, a fortiori le Rabbi lui-même, ‘même s’il n’y a qu’un doute et le doute d’un doute’, il y a, D.ieu merci, à Jérusalem, des milliers, des dizaines de milliers d’hommes intègres et craignant D.ieu, pratiquant les Mitsvot de la meilleure façon. Tous devraient donc quitter Jérusalem comme Yehouda Ben Dourtaï ? Cela serait surprenant ! Sur le sujet proprement dit, je me pose plusieurs questions et mes moyens limités ne me permettent pas de comprendre, comme je le montrerai ”.
(8) Le Rabbi souligne les mots : “cette”, “fondement”, “tout d’abord, de deux choses l’une”, “bien évident”, “premier Pessa’h”, “pas”, “Pessa’h Chéni”, “premier Pessa’h”, “point essentiel”, “immense question sur toutes les générations”, “Torah”, “simple”, “impurs”, “sans donner de précision”, “la Hala’ha tranchée du Rambam et son expression sans précision”, “quatrième question, on ne possède pas l’autel et les vêtements des Cohanim, à la veille de Pessa’h”, “équivalentes”, “une question naïve : où est-il question d’un chemin lointain à propos du second Pessa’h ?”, “réponse naïve”, “excusez”, “bien au contraire” et “parce que”.
(9) Il s’agit du texte de la causerie de A’haron Chel Pessa’h 5728, publiée dans le Likouteï Si’hot, tome 12, à partir de la page 216. Sur l’exemplaire destiné au Rav Zevin, il était note : “ Au Rav C. Y. Chlita, je vous salue et vous bénis. Je vous remercie de m’avoir adressé vos salutations par l’intermédiaire du Rav H. L. D.ieu fasse que vous ayez une guérison prompte et complète et que vous me donniez de bonnes nouvelle. M. Schneerson ”.
(10) Se trouver à Jérusalem et ne pas offrir le sacrifice de Pessa’h Chéni.
(11) Par la suite, la situation fut modifiée et le Rabbi écrivit, dans une lettre du 13 Iyar 5735, qui a été publiée dans le Likouteï Si’hot précédemment cité : “ Je fais suite à l’analyse de ce qui a été écrit et dit dans les causeries de A’haron Chel Pessa’h 5728. A cause de nos nombreuses fautes et, en particulier, du fait que, dès le septième jour, on a annoncé, selon les termes des versets Mela’him 1, 20, 32-33 : ‘Il est mon frère… et il le fit monter’, la situation a été modifiée et il n’est plus possible, à l’heure actuelle, d’effectuer les changements et de construire ce qui est nécessaire pour offrir le sacrifice de Pessa’h. Il n’y a donc pas lieu de s’abstenir d’être à proximité de Jérusalem, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, à la veille de Pessa’h ou bien le 14 Iyar. Puisse D.ieu faire que s’accomplissent très prochainement les termes du Rambam, à la fin du chapitre 11 de ses lois des rois : ‘si les enfants d’Israël accèdent à la Techouva, ils seront aussitôt libérés… il reconstruira le Temple à sa place et Il rassemblera les exilés d’Israël’ ”.
(12) Le Rav Zevin écrivait : “ Tout d’abord, de deux choses l’une. Si l’on considère le fait de ne pas avoir sacrifié le premier Pessa’h comme un accident, ce qui est effectivement le cas, du point de vue de la Hala’ha, puisque nous ne disposons pas d’un prophète capable de déterminer la place de l’autel, ou bien parce que nous n’avons pas les vêtements du Cohen, l’azur, la ceinture et la coiffe du Grand Prêtre afin de racheter l’impureté, comme l’ont souligné tous ceux qui ont protesté, en leur temps, contre le Rav T. Kalisher, y compris le Rabbi lui-même, parmi les nombreux avis voulant interdire cette pratique, ou encore parce que la réalité est bien ainsi, comme l’écrit le Rabbi : ‘Nous n’avons pas effectué le premier Pessa’h du fait de la destruction imposée par les nations’, pourquoi le même accident ne pourrait-il pas être retenu à propos du second Pessa’h ? Quelle différence et quel fait nouveau permettent-ils de distinguer l’accident du premier Pessa’h de celui du second ? A l’inverse, si l’on considère que l’on n’a pas sacrifié le premier Pessa’h de manière délibérée, en se basant sur l’avis de Rabbi Yé’hyel de Paris, à quoi servira, qu’apportera et qu’ajoutera de se trouver dans un chemin éloigné pour le second Pessa’h ? N’est-il pas dit que celui qui, délibérément, ne fait pas le sacrifice du premier Pessa’h, puis, par inadvertance ou bien par accident, n’offre pas le second non plus est puni de retranchement de l’âme ? ”.
(13) Le Rav Zevin écrivait : “ Même si l’on admet qu’il y a eu un accident pour le premier Pessa’h, puis pour le second, il n’en reste pas moins préférable de se trouver sur un chemin éloigné et d’être dispensé par la Torah, plutôt que de se trouver à Jérusalem, astreint à la pratique de ce sacrifice, mais dans l’impossibilité de l’offrir. Pour le premier Pessa’h également, les Juifs devraient donc quitter Jérusalem. Néanmoins, ce qui est passé est passé. En revanche, pour le second Pessa’h, il convient d’être encore sur un chemin lointain. Si l’on raisonne de cette façon, ceci soulève une immense question sur toutes les générations, depuis la destruction du Temple jusqu’à nos jours. Il y a eu les Sages de la Michna, de la Guemara, les Gaonim, les Richonim, les Justes de deux millénaires. Or, on n’a pas vu qu’ils aient quitté Jérusalem à la veille de Pessa’h. Ils ne l’ont pas fait à cause de la situation qui leur était imposée par les nations et il faut en conclure que, dès lors qu’ils sont en pareille situation, peu importe qu’ils se trouvent à Jérusalem ou bien sur un chemin lointain ”.
(14) La guerre des six jours qui rétablit la souveraineté juive sur le mont du Temple.
(15) Le Rav Zevin écrivait : “L’explication du Rabbi est essentiellement basée sur la Guemara selon laquelle la communauté n’effectue pas le second Pessa’h lorsque la Torah l’a repoussé, devant le premier, du fait de l’impureté ou bien parce que l’on se trouvait sur un chemin lointain. En revanche, si la communauté n’a pas effectué le premier Pessa’h pour une raison secondaire, la plaçant dans un cas de force majeure, elle doit offrir le second. Ceci est surprenant, car le Rabbi cite lui-même la Tossefta du traité Pessa’him et le Yerouchalmi, à la même référence, au paragraphe 2, qui envisage le cas où il aura été possible de reconstruire le Temple entre le premier Pessa’h et le second. Les Sages disent que la communauté ne sacrifie pas le second, alors que, selon Rabbi Yehouda, elle le fait. Or, selon une règle établie, lorsqu’un avis unique s’oppose au grand nombre, c’est l’avis du grand nombre qui est retenu. Comment pourrions-nous trancher la Hala’ha à l’encontre de ce principe en nous basant uniquement sur une précision de la Guemara. C’est uniquement à propos d’un Erouv que le traité Erouvin 81b précise : ‘Chaque fois que Rabbi Yehouda s’exprime à propos du Erouv, la Hala’ha retient son avis’. Certes, la Tossefta et le Yerouchalmi ne mentionnent pas clairement les Sages. En revanche, lorsque aucune précision n’est apportée, c’est bien l’avis du grand nombre qui est énoncé, comme le disent les Tossafot sur les traités Beïtsa 2b, Erouvin 42b et dans d’autres textes qui ne sont pas mentionnés ici. Je ne comprends donc pas pourquoi le Rabbi n’a pas cité l’avis du grand nombre et s’est contenté d’une formulation générale, alors que celle des propos de Rabbi Yehouda est précise. Je ne comprends pas non plus pourquoi le Rabbi dit que l’on doit comparer le Babli et le Yerouchalmi chaque fois que cela est possible. En l’occurrence, non seulement il n’y a pas de comparaison, mais on fait même une distinction entre ce qui semble identique. En effet, selon le Yerouchalmi, les Sages ne sont pas d’accord et considèrent que l’on ne fait pas le second Pessa’h. La Hala’ha doit donc retenir l’avis du plus grand nombre. Or, le Rabbi déduit du Babli que, si l’on n’a pas fait le premier Pessa’h à cause d’un accident et non du fait d’une interdiction de la Torah, on peut offrir le second. Ainsi, le Gaon de Vilna, expliquant la Tossefta, dit : ‘De même, on peut’. Il se réfère ainsi à l’enseignement de Rabbi Nathan et non à celui qui est cité sans autre précision. Cette version de la Tossefta n’est pas la nôtre, ni celle du manuscrit Tsukermendel”.
(16) Le Rav Zevin écrivait : “Il y a encore une troisième question. Le Rambam tranche que Pessa’h Chéni ne repousse pas l’impureté, comme le disent les Sages, dans le traité Pessa’him 25b, ce qui n’est pas l’avis de Rabbi Yehouda, à la même référence. Néanmoins, le Rabbi introduit une précision nouvelle : il en est ainsi uniquement lorsque le premier Pessa’h n’a pas été fait à cause de l’impureté. Selon l’expression de la Guemara, à cette référence, il a été repoussé du fait de l’impureté et il sera donc refait dans l’impureté. Cela veut dire qu’il a été repoussé à cause d’une interdiction de la Torah et il est dit, à ce propos, que la Torah a recherché la possibilité de le faire dans la pureté. En revanche, lorsque le premier Pessa’h est repoussé pour une raison accessoire, on peut effectuer le Pessa’h Chéni également quand on est impur. Bien entendu, ceci inclut également quelqu’un qui, à titre individuel, a été repoussé pour une raison de force majeure. Il est précisé que ceci n’est pas conforme à l’avis du Min’hat ‘Hinou’h, à la Mitsva n°380. Or, le Min’hat ‘Hinou’h, ne parle pas d’une communauté, mais bien d’un individu. Il précise, en outre, que ce qui est dit ici ne s’applique pas seulement à un cas d’impureté, mais aussi à un acte commis par inadvertance, ou à un accident. Il est dit, à la conclusion, que cela est évident, au point qu’il ne soit pas nécessaire de le préciser. Je ne comprends pourtant pas pourquoi le Rabbi écarte ce passage du Min’hat ‘Hinou’h, faisant référence à la Hala’ha concrètement applicable. Si c’est à cause de la formulation, le fait d’être repoussé à cause de l’impureté, ce sont bien les termes que rapporte le Min’hat ‘Hinou’h, mais il précise qu’il y a aussi d’autres cas. Il faut en conclure que la Torah demande également d’être pur pour Pessa’h Chéni. Dès lors, en quoi la position du Min’hat ‘Hinou’h est-elle repoussée ? Si l’on considère que ce passage est difficile à accepter pour le Min’hat ‘Hinou’h, il le sera encore plus si l’on ôte les précisions, en, disant simplement que Pessa’h Chéni repousse l’impureté. Or, il n’en est ainsi que dans certains cas et énoncer ce principe sans précisions reviendrait à dire que c’est toujours le cas. On peut faire la même déduction des propos du Rambam, qui dit, à propos de ceux qui font le Pessa’h Chéni, au chapitre 5, dans le paragraphe 1 : “ celui qui était impur, se trouvait sur un chemin lointain, dans un cas de force majeure, ou bien a agi par inadvertance ”. Par la suite, il dit, au chapitre 10, paragraphe 15, que l’on ne fait pas le second Pessa’h dans l’impureté. Il est donc bien clair qu’il fait allusion à tous ceux qui sont susceptibles d’offrir le Pessa’h Chéni. En outre, il me semble que l’on peut étayer la position du Min’hat ‘Hinou’h à partir du traité Yoma 51a, en considérant qu’il se rapporte à Pessa’h Chéni quand il demande : ‘Repousse-t-il l’impureté ?’. Or, si l’on dit qu’à Pessa’h Chéni, l’impureté est repoussée aussi pour celui qui n’a pas fait le premier Pessa’h par inadvertance ou bien à cause d’un accident. Dès lors, on pourrait dire que l’impureté est repoussée dans ces cas. Et, l’on ne peut pas penser que, quand il est question d’un sacrifice sans qu’aucune précision ne soit donnée, on fait référence au second Pessa’h, quelle que soit sa cause et non dans le cas particulier où l’on n’a pas fait le premier par inadvertance. Si c’était le cas, pourquoi la Guemara aurait-elle envisagé, au préalable qu’il s’agisse d’un premier Pessa’h repoussant l’impureté ? Il est clair que c’est un cas rare, lorsque la totalité ou au moins la majorité de la communauté est impure, alors que, pour des individus, on ne repousse pas l’impureté. Pourtant, il est préférable d’expliquer qu’il s’agit ici du premier Pessa’h et a fortiori doit-on donc adopter l’interprétation selon laquelle on fait référence ici au second Pessa’h de celui qui a raté le premier par inadvertance, ce qui est un cas plus fréquent. On peut aussi penser que Pessa’h Chéni ne repousse jamais l’impureté. Aussi, même s’il est offert par la communauté, il reste nécessaire que celle-ci ne soit pas impure”.
(17) Le Rav Zevin écrivait : “Une quatrième question. Même si l’on admet tout, ce qui veut dire que la Hala’ha retiendrait l’avis de Rabbi Yehouda selon lequel il faudrait offrir le second Pessa’h de nos jours, en admettant que nous avons le moyen de construire un autel et de confectionner les vêtements de prêtrise, malgré tout, lorsque le 14 Nissan arrive et que rien ne se passe, il est bien clair que l’on ne peut penser être passible de retranchement de l’âme, y compris lorsque, délibérément, on n’a pas bâti un autel au préalable, car le fait de force majeure se présente à la veille de Pessa’h. Ceci peut être comparé au cas d’un homme impur qui aurait pu se tremper au Mikwé et se purifier et ne l’a pas fait. Il est condamnable uniquement s’il est devenu impur par contact avec un reptile ou avec les autres personnes impures et il conserve cette impureté jusqu’au soir, comme un homme ayant touché un mort, dont le septième jour de purification est la veille de Pessa’h, expliqué par le traité Pessa’him 69b et le commentaire de Rachi, à cette référence. Il est précisé qu’un homme impur par contact avec un mort qui n’a pas eu l’aspersion d’eau lustrale du troisième jour n’est pas coupable, bien que cette aspersion aurait pu avoir lieu au préalable. Le Min’hat ‘Hinou’h, à la Mitsva n°380, fait une déduction encore plus précise de ce commentaire de Rachi. Si, à la veille de Pessa’h, quelqu’un se trouvait dans un cas de force majeure au moment de la Che’hita du sacrifice, il est effectivement dispensé de toute obligation. En l’occurrence, la veille de Pessa’h arrive et il n’y a pas d’autel. Tous se trouvent donc dans un cas de force majeure et sont dispensés de leur obligation, d’après tous les avis. Le traité Soukka 25b, de même que le commentaire de Rachi, précise qu’avant Pessa’h, un homme doit se préserver de toute impureté afin d’être en mesure d’offrir le sacrifice. On peut alors se rendre impur uniquement lorsqu’il y a un mort et personne pour se charger de son enterrement. De fait, en pareil cas, il s’agit même d’une obligation, mais, en tout état de cause, celui qui est passé outre à ce principe, s’est rendu impur et l’est encore à la veille de Pessa’h, ne peut pas être puni de retranchement de l’âme. Dès lors, pourquoi le 14, veille de Pessa’h faudrait-il être ‘sur un chemin lointain’ ? Il en est de même pour le premier Pessa’h, car, de deux choses l’une, s’il s’agit d’écarter l’interdiction, cela n’est d’aucune utilité, puisque l’on était tenu, déjà avant cela, de bâtir un autel, d’être à Jérusalem, à la veille de Pessa’h et d’offrir le sacrifice de la fête. Or, s’il doit se préserver de toute impureté, combien plus ne doit-il pas se rendre, a priori, sur un chemin lointain. S’il le fait pour se préserver de la punition de retranchement de l’âme, celle-ci est annulée, de toute façon quand, à la veille de Pessa’h, il ne dispose pas d’un autel et se trouve donc dans un cas de force majeure. Certes, on peut se demander pourquoi Yehouda Ben Dourtaï ne précise pas s’il est permis, d’emblée, de se rendre “sur un chemin lointain” et de se dispenser ainsi de l’obligation du sacrifice de Pessa’h. Mais, au moins en l’occurrence, quelle que soit la situation, lorsque, à la veille de Pessa’h, on est dans un cas de force majeure, il n’y a pas lieu de se rendre ‘sur un chemin lointain’, qu’il s’agisse du premier Pessa’h ou du second ”.
(18) 1928. Le titre du livre signifie : “les coins de l’autel”.
(19) Du Rambam.
(20) Le Rav Zevin écrivait : “J’ajouterai encore une cinquième question, s’ajoutant aux précédentes, une question naïve : où est-il question d’un ‘chemin lointain’ à propos du second Pessa’h ? En effet, la Torah en parle uniquement à propos du premier Pessa’h, alors que celui qui ne peut pas se rendre à Jérusalem le 14 Iyar est dispensé du second Pessa’h, parce qu’il se trouve dans un cas de force majeure et non à cause du chemin lointain. Cette différence est importante, car si l’on retient la raison du chemin lointain, une distance de quinze Mils est suffisante, y compris quand on peut la parcourir avec des chevaux et des ânes, puisqu’il est dit : ‘et, il n’était pas en chemin’, alors qu’en l’occurrence, il était bien en chemin, comme le dit le traité Pessa’him 94a. En revanche, si l’on retient la nécessité d’un cas de force majeure, celui-ci ne peut être effectif qu’à partir d’une distance ne pouvant pas être parcourue avec des chevaux. Or, de nos jours, on peut se rendre, le même jour, dans l’ensemble d’Erets Israël, avec des autobus et des voitures qui se déplacent de toute façon à tout moment. Il n’y a donc nullement là un cas de force majeure. La plupart des derniers Sages retiennent ce principe pour la maison du deuil. De nos jours, avec les nouveaux moyens de transport, la proximité n’est pas limitée à dix Parsa. On consultera, à ce sujet, l’Encyclopédie talmudique, tome 5, page 160, à la note 48. Certains pensent que la Hala’ha n’est pas modifiée par cette pratique nouvelle et l’on peut penser qu’ils se fondent sur l’expression : ‘endroit proche’. En revanche, pour Pessa’h Chéni, si l’on ne parle pas de ‘chemin lointain’, il faut simplement vérifier si l’on a le temps d’arriver ou non. En conséquence, le fait de se rendre ‘sur un chemin lointain’ à Pessa’h Chéni ne sert à rien. Pour autant, l’absence de notion de ‘chemin lointain’ concernant Pessa’h Chéni n’est pas encore, pour moi, une évidence absolue. Tout ceci doit donc encore être approfondi”.
(21) Le Rav Zevin écrivait : “Je demande au Rabbi Chlita de m’excuser d’avoir oser soulever ces questions. Néanmoins, il s’agit de la Torah et je souhaite la comprendre”.
(22) Voir le Hali’hot Eli, au chapitre 3, de même que le Guide des Egarés, tome 3, au chapitre 43, les responsa du Radbaz, tome 3, réponse n°1068-643.
(23) Tome 2, dans l’article intitulé : “Ne lis pas”.
(24) Selon les termes du verset Michlé 3, 27 : “Ne soustrais pas le bien à son propriétaire”.