Lettre n° 9511

Par la grâce de D.ieu,


24 Sivan 5728,
Brooklyn, New York,


Aux dirigeants des jeunes de l’association ‘Habad en notre
Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie,
que D.ieu vous accorde longue vie,


Je vous salue et vous bénis,


Je fais réponse à votre question(1) relative à l’idée et à la proposition d’organiser, pendant le mois de Tichri prochain, un voyage d’agrément(2) de plusieurs semaines pour de jeunes orphelins de la guerre en Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, en prolongement de la fête qui a eu lieu à l’occasion de leur bar Mitsva(3). Cette proposition ne me convient pas du tout, notamment pour les raisons suivantes :


A) Une bar Mitsva signifie qu’un jeune garçon est désormais astreint à la pratique des Mitsvot, ce qui ne s’accorde pas avec la promenade, les vacances et le tourisme. Bien au contraire, on peut penser que ces éléments se contredisent. En effet, le jeune garçon se soumet, en ce jour, au joug(4) de la Royauté divine, de même qu’au joug(4) de la Torah et de ses Mitsvot.


Bien entendu, cela ne contredit nullement le fait que cette soumission et ces obligations doivent être assumées avec une joie véritable et d’un cœur entier, dès lors que le jeune garçon reçoit une mission spécifique en tant que fils et serviteur de notre Père Qui se trouve dans les cieux, le Roi, Roi suprême, le Saint béni soit-Il.


Ceci veut dire également que cette joie est, certes, très grande, que nos Sages relatent, dans le Midrash Rabba, chapitre 53, au paragraphe 10 et l’on verra aussi le Zohar ‘Hadach, Béréchit, 10, 3 et 15, 4, de quelle manière notre père Avraham, le premier Hébreu, fit un grand festin à l’occasion de la Bar Mitsva de notre père Its’hak. Malgré cela, les Juifs ont coutume de dire le Ta’hanoun, en ce jour(5), car comme on l’a dit, la Bar Mitsva n’est pas l’occasion de ne rien faire. Bien au contraire, on doit alors agir beaucoup plus, pour D.ieu, pour la Torah et pour ses Mitsvot.


B) Un autre point intervenant, en la matière, est le fait qu’il s’agisse d’orphelins de guerre. Il n’y a donc pas lieu de leur faire quitter la maison pendant un certain temps, ce qui aurait pour effet de renforcer le sentiment de solitude des veuves et, bien souvent, également des frères et sœurs. Bien au contraire, quand ce garçon devient grand(4), son obligation envers sa mère et la maison en général est accrue d’autant. Il doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour réconforter et raffermir la confiance en D.ieu, Créateur du monde, Qui le dirige et accorde Sa Providence à chacun et à chacune.


C) Il est à peu près certain que les mères et les familles, pour la plupart, renonceront aux sentiments de leur cœur, accepteront de languir le jeune garçon qui part en voyage, pourvu que celui-ci soit satisfait et profite de son séjour. Mais, à mon sens, cette satisfaction et ce profit ne contrebalancent pas la solitude que la mère et les membres de la famille ressentiront encore plus intensément. Autre point, qui est essentiel également, il faut, comme je l’ai dit, renforcer chez le Bar Mitsva la conscience de sa responsabilité, puisqu’il est désormais pleinement astreint à la pratique des Mitsvot. Il n’y a donc pas lieu de le dispenser de cette responsabilité, encore moins de lui faire commencer son adolescence en prenant du plaisir sur le compte de la douleur éprouvée par les autres. C’est bien évident.


D) Si ce qui vient d’être dit est vrai en toute période de l’année, combien plus est-ce le cas pendant le mois de Tichri, celui des fêtes et des célébrations, quand l’absence du mari et du père est encore plus clairement ressentie et qu’il faut combler le manque, dans toute la mesure du possible. Tous ceux qui sont concernés doivent alors tout faire pour que ces familles célèbrent aussi les fêtes dans l’état d’esprit qui convient, comme le demande notre Torah, Torah de vie.


E) Une alternative à cette proposition, conforme, en outre, aux points qui ont été énumérés dans cette lettre, serait d’inviter les Bar Mitsva avec(4) leur mère à Kfar ‘Habad pour les fêtes de ce mois de Tichri, toutes les fêtes ou bien une partie d’entre elles, comme on l’a fait pour Pessa’h dernier. Il pourra en être ainsi, notamment, pour le temps de notre joie(6).


F) Ce qui vient d’être dit ne contredit pas la proposition d’inviter les jeunes garçons Bar Mitsva et les jeunes filles Bat Mitsva à la colonie de vacances de Kfar ‘Habad, car celle-ci n’est que de courte durée et elle est située à proximité relative de la famille. Il est donc possible de rendre visite ou de téléphoner. Avec ma bénédiction de réussite et pour me donner de bonnes nouvelles,


M. Schneerson,


Notes


(1) Voir le Likouteï Si’hot, tome 35, à la page 276 et le Hé’hal Mena’hem, tome 3, à partir de la page 48.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°9516 et le Hé’hal Mena’hem, tome 3, à la page 48, qui reproduit une lettre du Rav Hadakov, directeur du secrétariat du Rabbi, datée du 22 Sivan.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°9502.
(4) Le Rabbi souligne les mots : “joug”, “joug”, “grand” et “avec”.
(5) On verra, à ce sujet, la lettre du 28 Elloul 5689, imprimée dans les Rechimot, tome n°49, celle du 10 Kislev 5740, imprimée dans le Hé’hal Mena’hem, tome 1, à la page 45 et la causerie du 11 Nissan 5722, imprimée dans le Yom Malkénou, paru aux éditions Kehot, en 5744, à la page 38.
(6) La fête de Soukkot.