Lettre n° 9491

Par la grâce de D.ieu,


15 Iyar 5728,
Brooklyn, New York,


A l’attention des représentants des parents d’élèves du
Talmud Torah de Kfar ‘Habad, en notre Terre Sainte,
puisse-t-elle être restaurée et rebâtie par notre juste
Machia’h, que D.ieu vous accorde longue vie,


Je vous salue et vous bénis,


A) J’ai bien reçu votre lettre(1), dont le point central est votre question portant sur la langue d’étude qui doit être adoptée pour les élèves du Talmud Torah. Conformément à la réponse qui vous a été transmise par téléphone, mon avis est le suivant. L’objectif essentiel est de former les élèves à la crainte et à l’amour de D.ieu, de leur enseigner la Torah de D.ieu et ses Mitsvot. Or, il est dit(2), de la Torah, que : “ sa mesure est plus longue que la terre et elle est plus large que la mer ”. C’est la raison pour laquelle nos Sages nous ont sévèrement mis en garde(3) contre la suspension de l’étude des enfants. Ils l’ont même interdite dans l’optique de la reconstruction du Temple.


Il en résulte que la langue d’étude des élèves n’est pas essentielle. Seul importe ce qui a été dit, c’est-à-dire l’efficacité et l’intensité, quantitative et qualitative, de la connaissance de la Torah et de ses Mitsvot. Bien entendu, dans un endroit où la langue d’étude a une incidence sur la crainte de D.ieu, il est clair que son choix reçoit alors une importance en conséquence.


B) Il est évident également que la langue d’étude ne peut pas être modifiée en cours d’année scolaire, pour différentes raisons, si ce n’est lorsqu’il y a une obligation absolue de le faire.


C) Dans certaines conditions, lorsque les parents souhaitent modifier la langue d’étude, et dans la mesure où, comme on l’a dit, cela ne contrevient pas à la crainte de D.ieu et aux différents principes du Choul’han Arou’h, il n’y a pas lieu d’imposer une langue à leurs enfants. Si les arguments qu’ils avancent ne sont pas justifiés, il faut le leur expliquer et, comme c’est le cas en pareille situation, on décidera la langue d’étude en fonction de l’avis majoritaire des parents, puisque l’on prend toujours en compte la majorité(4).


D) Un autre point est spécifique à Kfar ‘Habad. Pour ma grande douleur, on prend plaisir à faire de toute chose un objet de discorde et de dissension entre les cœurs. De fait, tel est le rôle du : “ petit malin ”(5), qui confère à tout événement une apparence de crainte de D.ieu. Or, les lettres de la direction et des parents semblent montrer que c’est également le cas, en l’occurrence. Il est donc nécessaire d’effectuer une “ recherche, à la lumière d’une bougie ”(6), de “ la bougie de D.ieu (qui) est l’âme de l’homme ”(7) afin de déterminer ce que sont les motivations de chacun de ceux qui sont partie prenante en cette nouvelle dispute.


Voici ce qui découle de ce qui vient d’être dit. Lors de la conversation téléphonique, il n’était pas clair qu’un changement immédiat était souhaité. Comme je l’ai dit, il n’y a pas lieu de le faire intervenir au milieu de l’année scolaire. Or, jusqu’à la prochaine rentrée, il reste encore suffisamment de temps pour établir un bilan moral. Cette question sera donc reposée à proximité de la prochaine année scolaire, en se demandant quels sont les objectifs du Talmud Torah, comme on l’a dit.


On fait état de qualités spécifiques à la langue yiddish(8). Pour autant, il faut se demander s’il appartient au Talmud Torah de faire acquérir ces qualités aux enfants ou bien si l’obligation en incombe aux parents et à l’ambiance familiale. C’est une évidence. En tout état de cause, le dernier point, qui va suivre, est le plus essentiel.


Je suis surpris de constater que vous ne mentionnez pas un élément fondamental concernant les élèves du Talmud Torah. J’ai eu connaissance, par différentes sources, d’une rumeur qui n’est pas bonne, à propos du comportement des élèves du Talmud Torah, en particulier pendant le Chabbat et les fêtes, de même qu’à la veille de ces jours et aussi de leur attitude à la synagogue, pendant les jours de semaine. Certes, une part de la responsabilité, en la matière, revient aux professeurs et aux enseignants du Talmud Torah. D’après la Torah, en effet, l’obligation d’éduquer les élèves s’applique aussi en dehors de l’enceinte du Talmud Torah, surtout dans un endroit sacré, une synagogue ou une maison d’étude. Pour autant, une part importante et même déterminante est laissée à la responsabilité des parents, du père et de la mère qui, par tous les moyens dont ils disposent, doivent inculquer à leurs fils des traits de caractère favorables, y compris quand ils sont absorbés par leurs activités. C’est bien là leur mission essentielle. Et, si cela est vrai en période scolaire du Talmud Torah, combien plus est-ce le cas à la veille du Chabbat et des fêtes, dans l’après-midi, puis le jour même du Chabbat et des fêtes. La responsabilité essentielle incombe alors aux parents.


Toute chose doit être mise à profit pour la Torah et la crainte de D.ieu. J’ai donc bon espoir qu’une réflexion à l’enthousiasme qui s’est fait jour pour la langue d’étude, laquelle importe, comme on l’a dit, uniquement au début de l’année scolaire, servira, dans la plus large part, pour faire acquérir aux enfants des traits de caractère favorables, tous les aspects de la crainte de D.ieu qui n’entrent pas dans le domaine des études du Talmud Torah, comme les bénédictions, la prière formulée de la manière qui convient, le respect des parents, des professeurs et des anciens, de même que l’attitude polie envers ses amis. De fait, la période de l’Omer souligne la nécessité du respect mutuel(9).


En conséquence de tout cela, dès réception de la présente, vous convoquerez une réunion de tous les parents, les Ashkenazim et les Sefardim, les partisans d’une langue et de l’autre et vous traiterez de cette question, du comportement que doivent avoir les élèves du Talmud Torah, de leur respect des temps d’étude, de leur obéissance. Vous analyserez ces questions avec tout le sérieux nécessaire et cette réflexion sera suivie d’un effet concret. Sur place, vous désignerez un comité de parents qui aura la responsabilité de ce comportement, à l’avenir. Ce comité nommera quelques parents qui surveilleront attentivement les élèves et tout ce qui permettra d’améliorer leur situation au plus vite, puis de continuer à aller de l’avant et à se parfaire, par la suite.


Puisse D.ieu faire que j’obtienne de bonnes nouvelles de tout cela, par retour du courrier. Ainsi, on m’annoncera l’idée profonde selon laquelle les cœurs se sont rapprochés, d’une manière sincère. On me dira aussi que chacun en particulier et tous ensemble font tout ce qui est en leur pouvoir afin que s’accomplissent en les élèves du Talmud Torah, au sein des autres élèves(10) des écoles de Kfar ‘Habad, à la maison comme à l’extérieur de celle-ci, pendant la semaine, le Chabbat et les fêtes, les termes du verset(11) : “ Tous ceux qui les verront reconnaîtront qu’ils sont une descendance bénie par D.ieu ”, conformément à la volonté de mon beau-père, le Rabbi, fondateur de Kfar ‘Habad, qui l’a exprimée, demandée et exigée à maintes reprises. Avec ma bénédiction afin de me donner de bonnes nouvelles de tout cela, au plus vite,


M. Schneerson,


Notes


(1) Voir le Likouteï Si’hot, tome 22, à la page 411.
(2) Job 11, 9.
(3) Selon le traité Chabbat 119b. Voir les lois de l’étude de la Torah, de l’Admour Hazaken, chapitre 1, au paragraphe 10.
(4) Michpatim 23, 2.
(5) Le mauvais penchant.
(6) D’après l’expression du début du traité Pessa’him.
(7) Michlé 20, 27.
(8) Voir, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 21, à partir de la page 446 et dans les notes qui y sont indiquées.
(9) Voir le traité Yebamot 62b et le Meïri, à cette référence, comme l’indique le Likouteï Si’hot, tome 32, à la page 149, dans la note 4.
(10) Le Rabbi cite ici à la fois les garçons et les filles.
(11) Ichaya 61, 9.