Lettre n° 9490

Par la grâce de D.ieu,


15 Iyar 5728,
Brooklyn, New York,


Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Chnéor Zalman(1),


Je vous salue et vous bénis,


J’ai pris connaissance, avec surprise, dans votre lettre, de curieux raisonnements qui sont avancés, à propos des élections pour le comité de Kfar ‘Habad(2), au point que je me suis demandé si je devais répondre, car une réponse entérine la question, y compris quand elle est négative. C’est l’une des raisons pour laquelle ma lettre a été retardée jusqu’à maintenant. Malgré cela, constatant l’enthousiasme pour ce qui concerne la langue(3), une crainte s’est faite jour : quelle proportion prendra la controverse portant sur ces élections ? C’est la raison pour laquelle je vous écris, au moins brièvement :


A) Vous envisagez de faire des élections séparées pour les différentes catégories d’habitants de Kfar ‘Habad. La réalité montre à quel point une telle conception est surprenante. En effet, cela sera réellement un fait nouveau. Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais entendu qu’une quelconque implantation, en Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, ou bien à l’extérieur de celle-ci, procède de la sorte. De fait, il y a différentes catégories parmi nos frères, les enfants d’Israël, résidant en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Malgré cela, on n’organise pas des élections séparées selon les partis et les groupes.


Certes, nos Sages disent que l’on ne peut pas tirer une preuve de ce que l’on n’a pas entendu(4) et peut-être découvrira-t-on un endroit reculé en lequel on procède de la sorte. S’agissant de Kfar ‘Habad, en revanche, il n’y aurait plus de limites, car il y a des groupes s’opposant les uns aux autres parce qu’ils se rattachent à telle ou à telle autre synagogue, de même que les groupes que vous citez, les Sefardim et les Ashkenazim, ceux qui veulent étudier dans la Langue sacrée et ceux qui optent pour le Yiddish, avec d’autres groupes encore.


B) Vous envisagez de rendre compte de chaque point qui sera soulevé au cours de réunions publiques ou, tout au moins, de le faire dans certains domaines. Là encore, je n’ai jamais eu connaissance d’une telle pratique. Même si l’argument est intrinsèquement recevable, s’il est vrai que tout doit être expliqué et qu’il faut rendre des comptes, c’est précisément là le rôle du comité de contrôle et ces points, même les plus importants, ne peuvent donc pas être traités au cours de réunions publiques. C’est une évidence.


C) Je vous joins une copie de la lettre(5) que j’adresse à la direction du Talmud Torah et aux parents. Vous en déduirez, pour reprendre la formulation de nos Sages(6), que : “ il est un endroit en lequel se développent ceux qui aiment la paix et un autre pour ceux qui poursuivent la paix ” et qu’il convient donc, en chaque endroit, de tenir compte de ses particularités.


Pour ma plus grande peine, je n’ai pas eu le mérite, jusqu’à ce jour, de recevoir de Kfar ‘Habad, qui est dans sa vingtième année, l’âge de la force(7), la bonne nouvelle d’un rapprochement des cœurs ou, tout au moins, le constat que la situation a cessé de se dégrader. Tous les matins, on entend qu’une nouvelle dispute est survenue dans tel domaine, qu’une controverse s’est faite jour concernant tel problème. Aussitôt, les habitants se répartissent en deux camps, parfois même en trois ou plus. Bien entendu, hommes et femmes sont entraînés en tout cela et il arrive que les jeunes gens et les jeunes filles s’impliquent également. Ce qui résulte de tout cela est bien clair. Et, s’il en est ainsi en période ordinaire, combien plus est-ce le cas à proximité des élections, qui sont imminentes.


Puisse D.ieu faire que : “ la cognée soit envoyée contre l’arbre ”(8). Je veux dire que l’enthousiasme et la passion des années passées, des autres implantations, de certains partis politiques ont été utilisés pour semer la discorde, etc., etc.(9). Que l’on se serve donc des forces qui se font jour à l’heure actuelle, de cet enthousiasme et de cette passion pour lutter contre le mauvais penchant et que tous collaborent au développement de Kfar ‘Habad, à la fois matériellement et spirituellement ! De fait, il y a différents domaines en lesquels Kfar ‘Habad pourrait croître largement(9), si l’on s’en occupait de la manière qui convient. Or, pour l’heure, nul ne prête attention à tout cela et l’on préfère “ attaquer ” tel domaine, dont telle personne s’est occupée et le fait encore avec succès. On est donc “ obligé ” de trouver des défauts et des lacunes à son travail et à la manière de l’exécuter(10).


Si l’on veut réellement et sincèrement apporter des améliorations au Kfar, chacun et chacune de ses habitants peuvent trouver un large(9) domaine d’action pour le renforcer et le développer, quantitativement et qualitativement. On pourra y réaliser des accomplissements importants et grandioses, puisqu’à Kfar ‘Habad, “ l’Eternel a ordonné la bénédiction ”(11), par l’intermédiaire de son fondateur, mon beau-père, le Rabbi. Or, tout comme il assumait alors sa fonction, il le fait encore, à l’heure actuelle(12), avec la plus grande(9) détermination. Et, il demande, exige de façon pressante et avec toute sa force, que les ‘Hassidim soient : “ amis, tous comme un ”(13).


D) Nos Sages soulignent toujours, notamment dans le Zohar, tome 1, à la page 161b, que : “ tout comme le Saint béni soit-Il consulta la Torah pour créer le monde, un homme doit se consacrer à la Torah pour élever le monde ”. Il serait donc judicieux d’instaurer une étude, dans toutes les synagogues de Kfar ‘Habad. Bien évidemment, ceux qui dirigent les différents courants opposés y participeront, de même que ceux qui les suivent. Cette étude portera sur ce qui est directement lié à cette question, en l’occurrence le fascicule(14) Hé’haltsou(9), dont vous disposez sûrement, puisqu’il a été publié ici(15) et l’on y a ajouté un discours ‘hassidique de mon beau-père, le Rabbi, portant sur le même sujet.


Le cas échéant, vous pourrez le publier rapidement, par polycopie, à partir d’un exemplaire qui avait été imprimé à l’époque. Mais, il importe, avant tout, que cette étude commence au plus vite, que chacun en applique les termes à sa propre personne(9), qu’elle conduise à l’action(16), que s’enrôlent(17) tout ceux qui ont été cités et tous les habitants de Kfar ‘Habad, afin de(18) “ porter la vengeance de l’Eternel en Midyan(9) ”, comme l’expliquent l’Admour Hazaken(19) et les maîtres de ‘Habad, ses successeurs, jusqu’au chef de notre génération, mon beau-père, le Rabbi.


De fait, telle est également l’idée de Lag Baomer, date à laquelle cessa l’attitude qui prévalait jusque là, “ l’un ne respectait pas l’autre ”(20). C’est, en outre, le jour de la joie de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï(21), qui unifia la dimension profonde de la Torah à sa partie révélée(22). Et, l’on connaît l’enseignement suivant du Baal Chem Tov, que le Tséma’h Tsédek transmit à Lag Baomer, vraisemblablement en 5604(23) : “ Je veux obtenir des Juifs qu’ils fournissent la récolte que peut produire la terre de convoitise de D.ieu ”, comme le rapporte le Hayom Yom, à la date du 17 Iyar. Avec ma bénédiction afin de me donner de bonnes nouvelles de tout cela, au plus vite,


M. Schneerson,


Notes


(1) Le Rav C. Z. Garelik, Rav de Kfar ‘Habad. Voir, à son sujet, la lettre n°9066.
(2) L’équivalent d’un conseil municipal.
(3) Dans laquelle les élèves du Talmud Torah de Kfar ‘Habad devaient mener leurs études.
(4) La Michna du traité Edouyot, chapitre 2, à la Michna 2, dit, en effet : “La déclaration : ‘nous ne l’avons pas vu’ n’a pas valeur de preuve”. Ne pas avoir vu un objet n’apporte pas la preuve que celui-ci n’existe pas.
(5) Il s’agit de la lettre suivante.
(6) Voir le Midrash Tan’houma, Parchat Balak, au chapitre 17 et Bamidbar Rabba, chapitre 20, au paragraphe 22.
(7) Selon le traité Avot, fin du chapitre 5.
(8) Selon le traité Sanhédrin 39b. Voir le Tanya, au début du chapitre 31. Selon cette image, c’est le bois de la cognée qui sert à couper le bois de l’arbre. En l’occurrence, le même sentiment qui a eu un effet négatif doit être mis à profit pour produire un effet positif.
(9) Le Rabbi souligne les mots : “etc., etc.”, “largement”, “large”, “plus grande”, “Hé’haltsou”, “sa propre personne” et “Midyan”.
(10) Afin de justifier la volonté de la remplacer.
(11) Tehilim 133, 3. Voir, notamment, à ce sujet, la lettre n°8910.
(12) Selon l’expression du traité Sotta 13b.
(13) Selon le verset Choftim 20, 11. Voir le traité ‘Haguiga 26a et le Tanya, Iguéret Ha Kodech, à la fin du chapitre 22.
(14) Contenant un discours ‘hassidique du Rabbi Rachab, prononcé en 5659 (1899), qui souligne l’importance de l’amour du prochain et le rejet de la controverse.
(15) Par les éditions Kehot, en 5709 (1949).
(16) Voir le traité Kiddouchin 40b.
(17) C’est le sens du terme Hé’haltsou, “enrôlez”.
(18) Selon les termes du versets Matot 31, 3.
(19) Voir le Likouteï Torah, Parchat Matot, à partir de la page 85b, de même que les notes et références figurant à la fin de cet ouvrage.
(20) Voir le traité Yebamot 62b et le Meïri, à cette référence, de même que le Likouteï Si’hot, tome 27, page 277, à la note 8 et tome 32, page 149, à la note 4.
(21) Voir le Chaar Ha Kavanot, dans le chapitre sur le compte de l’Omer, second commentaire et le Péri Ets ‘Haïm, porte du compte de l’Omer, au chapitre 7, de même que les notes du Likouteï Si’hot, tome 32, à la page 256.
(22) Voir la séquence de discours ‘hassidiques intitulée : “Un homme est tenu de bénir”, de 5638, au chapitre 25.
(23) 1804.