Lettre n° 85

Par la grâce de D.ieu(1),
Lundi 16 Tamouz 5703,

A l'honorable Rav, craignant la Parole de D.ieu,
Rav D. Halevi(2)

Je vous salue et vous bénis,

Vous avez exprimé votre étonnement à propos de ce que j'avais dit, lors de la conclusion de la Michna apprise par coeur(3). J'ai expliqué, en effet, que l'on ne doit se désespérer d'aucun Juif, qui qu'il soit, même s'il a été véritablement un impie tout au long de sa vie, ce qu'à D.ieu ne plaise, car, au bout du compte, de son plein gré ou sous la contrainte céleste, de son vivant ou après sa mort, on lui fera quitter les portes de l'impureté dans laquelle il s'était embourbé, on lui fera franchir plusieurs étapes de purification et d'élévation, à l'issue desquelles il pourra également réintégrer sa source, la Lumière Infinie de D.ieu.

Vous me dites que tout cela vous parait très surprenant et vous avez relevé, dans mes propos, plusieurs contradictions.

Je reproduirai donc ici quelques propos de nos Sages qui étaient la référence de mes propos et qui permettront de répondre aux questions qui pourraient être soulevées.

Voici la reproduction de votre question:

"Je vous ai entendu dire que, selon la 'Hassidout, on ne doit se désespérer d'aucun Juif, qui qu'il soit, même s'il a été véritablement un impie tout au long de sa vie, ce qu'à D.ieu ne plaise, car, au bout du compte, de son plein gré ou sous la contrainte céleste, de son vivant ou après sa mort, on lui fera quitter les portes de l'impureté dans laquelle il s'était embourbé, on lui fera franchir plusieurs étapes de purification et d'élévation, à l'issue desquelles il pourra également réintégrer la source, sa Lumière Infinie de D.ieu.

Cette affirmation est particulièrement surprenante et elle va à l'encontre de versets de la Torah et de propos de nos Sages

Rav David Shtockhammer,
Cho'het à Newark, New Jersey"

Voici ma réponse. Cette affirmation est expliquée par différents textes, dont je citerai quelques uns:

Le Rabbi(4) expliqua, en 5661(5): "Chaque Juif aura part au monde futur, c'est-à-dire à la résurrection. Car, différentes conditions doivent être remplies pour accéder au Gan Eden. Et, certains ont accès uniquement au Gan Eden Inférieur, mais non au Gan Eden Supérieur. De même, les révélations célestes y sont réservées aux âmes et excluent les corps. A l'opposé, il est dit que tous les Juifs revivront. Certes, il y aura tout d'abord un jugement, beaucoup plus sévère que celui qui permet d'accéder au Gan Eden. Pour autant, la révélation en sera bien accordée à l'âme et au corps à la fois".

Un discours de l'Admour Hazaken précise cette idée: "Les commentateurs(6) expliquent ce que sont le Gan Eden et la résurrection des morts. Selon le Ramban, la récompense du monde futur se marquera essentiellement lors de la résurrection, qui transcendera même le Gan Eden Supérieur. En effet, dans ce dernier, les âmes des Justes sont dépourvues de corps, alors qu'elles les retrouveront, lors de la résurrection. Et il est dit que les impies d'Israël sont eux-mêmes emplis de Mitsvot, comme une grenade de graines. C'est pour cela que tous les Juifs revivront, à l'exception de ceux qui ont été clairement désignés par les Sages"(...).

Quelques propos de nos Sages contredisent, en apparence, ce qui vient d'être dit. Je reproduirai donc ici ceux qui, à mon humble avis, ont servi de référence aux affirmations de la 'Hassidout. Nous verrons ensuite les questions qui peuvent se poser, à ce propos.

* * *

1. Tout d'abord, le Talmud et les Décisionnaires permettent d'établir que les impies les plus perfides auront bien part à la résurrection des morts, même s'ils n'accèdent pas au Gan Eden:

A) Le traité Sanhédrin dit: "Chaque Juif aura part au monde futur, à l'exception de Yerovoam, A'hav et Menaché". Le Rambam tranche: "Chaque Juif aura part au monde futur, même s'il a commis des fautes, sauf s'il est mort sans accéder à la Techouva. Celui qui se repent, en revanche, aura bien part au monde futur, même s'il a tout rejeté durant sa vie et s'est repenti uniquement à l'article de la mort".

Il précise encore que les impies et les mécréants qui ont fait Techouva en cachette, mais, en apparence, ont semblé poursuivre leurs méfaits, peuvent également être acceptés.

B) A un niveau plus bas, qu'en est-il de celui qui n'a pas regretté ses mauvais agissements et qui est mort sans Techouva?

Le traité Sanhédrin dit que le fils peut conférer un mérite à son père. Ainsi, un fils qui est un juste conduit son père vers le monde futur, même si celui-ci est déjà mort et aurait dû en être privé. Bien plus, le fils ne doit pas même prier D.ieu qu'il en soit ainsi, car, par la prière, le père également peut conférer un mérite à son fils.

Plus encore, la prière et les efforts d'autres personnes, qui ne sont pas de proches parents sont également efficaces. C'est ainsi que Rabbi Yo'hanan fit entrer Elisha Ben Abouya, «l'autre», dans le Gan Eden, alors qu'il n'était ni son proche parent, ni son maître(7).

Néanmoins, la prière d'autres personnes ne peut être comparée à celle du père et du fils. Il faut, en effet, prendre en compte la qualité de l'homme qui prie, l'endroit dans lequel cette prière est prononcée et d'autres conditions encore.

Un second fait, rapporté par le Sifri, prouve également que la prière des autres est utile, même après la mort. Il est dit, en effet, que tous ceux qui ont quitté l'Egypte et sont morts dans le désert ont obtenu le pardon, dès lors que les anciens du tribunal d'une ville quelconque, ont, une seule fois, égorgé une génisse.

On pourrait se dire que ce cas est différent, parce qu'en pareil cas, les anciens agissent en tant qu'émissaires de toute la ville dans laquelle le crime a été commis. Ils ont donc, de la sorte, la possibilité de racheter la faute commise par ceux qui les avaient renvoyés de l'Egypte.

Mais cette interprétation n'est pas exacte, puisque le Sifri déduit de cette épisode qu'il convient de faire un don à la Tsédaka pour les morts et la coutume juive veut qu'on le fasse également pour ceux qui ne sont pas de proches parents.

En tout état de cause, cette situation n'est pas réellement comparable à celle qui fait l'objet de notre propos. Dans le cas du Sifri, les morts étaient des Justes et il y a donc tout lieu de penser que, s'ils étaient encore vivants, ils auraient eux-mêmes donné de la Tsédaka. Rien de tel n'est vrai pour les impies.

C) A un niveau plus bas, celui qui appartient à une catégorie n'ayant pas part au monde futur, qui ne s'est pas repenti, pour lequel personne n'a prié ou donné de la Tsédaka, n'a pas part au monde futur uniquement s'il n'a pas été puni après sa mort. En revanche, s'il a subi cette punition, il sera sauvé.

Nos Sages affirment, dans le traité Sanhédrin, que cette punition infligée à un mort est de bonne augure pour lui. Et Rachi explique qu'elle rachète ses fautes. C'est également vrai pour les impies les plus méchants. Ainsi, le même traité souligne que Yehoyakim aurait pu être mentionné, dans la Michna précédemment citée, avec Yerovoam, A'hav et Menaché. Bien plus, ses agissements furent même encore plus graves que ceux de Menaché. Toutefois, il fut humilié, après sa mort et sa faute fut ainsi rachetée.

Bien plus, le Yerouchalmi affirme que Yerovoam et ses amis, qui ont été définis comme n'ayant pas part au monde futur, subirent le jugement lorsque leurs corps furent brûlés, de nombreuses années après leur mort. Ainsi, le mérite de la terre leur venant en aide, ils auront également part à la résurrection(8).

Dès lors, pourquoi la Michna dit-elle que Yerovoam et ses amis n'auront pas part au monde futur, bien qu'ils aient été rachetés par la suite, alors qu'elle ne mentionne pas Yehoyakim? Parce que la punition de ce dernier, particulièrement grave, fut déjà décidée de son vivant et lui fut infligée à titre personnel, alors que Yerovoam et ses amis furent brûlés lors de l'incendie de la terre, qui se produisit de nombreuses années plus tard. Leurs corps furent consumés uniquement parce qu'ils étaient enterrés là. Jusqu'à cet incendie, ils étaient donc effectivement privés du monde futur.

* * *

2. Nous venons de démontrer que ces hommes peuvent avoir part au monde futur. Nous devons maintenant établir que ce sera effectivement le cas, que chaque Juif, qui qu'il soit, retrouvera sa source, au bout du compte.

Nous avons vu que la Techouva est efficace pour tous et, selon l'expression de nos Sages, "la Torah a déjà donné l'assurance qu'à la fin de leur exil, les Juifs feraient Techouva".

On peut considérer que, dans ces références, la Torah envisage la situation majoritaire, comme elle le fait dans de nombreux autres domaines, mais qu'elle n'entend pas affirmer que chaque Juif, y compris l'impie le plus malintentionné, accédera effectivement à la Techouva. Néanmoins, le traité Erouvin dit: "Les Justes parfaits sont comparables à de bonnes figues et les impies les plus perfides, à de mauvaises figues. Mais, il ne faut pas penser que, pour ces derniers, tout espoir est perdu. Il est dit que «les jasmins ont une bonne odeur». De fait, des uns et des autres émanera, en effet, une bonne odeur".

On pourrait penser qu'il resteront sans vie, mais ne connaîtront cependant pas le mal. Le fait qu'il est ici question d'odeur permet d'affirmer le contraire et Rachi explique, par ailleurs: "Les impies d'Israël implorent également D.ieu et affirment qu'ils doivent être récompensés pour avoir accompli de nombreuses Mitsvot".

Le traité Erouvin précise encore que le feu brûlant les impies des autres nations sera perpétuel. Les impies d'Israël, en revanche, ne se trouveront que momentanément dans le Guéhénom, dont notre père Avraham viendra les libérer. Il fera annuler leur condamnation et leur réservera même un bon accueil. Il ne pourra cependant pas le faire pour un Juif qui a eu commerce avec une non-Juive. Mais, les Tossafot expliquent que celui-ci sera uniquement privé d'une élévation immédiate. En revanche, il pourra la connaître au bout de douze mois.

Toutefois, les Tossafot, à la fin du traité 'Haguiga, disent que ces considérations ne s'appliquent pas à ceux qui ont commis des fautes physiques et l'on peut s'interroger sur leur affirmation. En tout état de cause, le verset (Chmouel 2, 14, 14) affirme clairement que "nul ne sera repoussé" et l'Admour Hazaken, dans son Choul'han Arou'h, précise: "Un impie fera Techouva, dans sa vie ou dans une vie ultérieure, ainsi qu'il est dit: nul ne sera repoussé". Il ajoute dans le Tanya: "Il est une certitude qu'au bout du compte, il fera Techouva, dans sa vie ou dans une vie ultérieure, car nul ne sera repoussé".

On peut, néanmoins, soulever une objection, d'après l'affirmation du Ramban, selon laquelle les termes de ce verset ne s'appliquent pas à celui qui aura été écarté du jugement et qui sera donc définitivement perdu.

* * *

3. En fait, il suffit de se demander pourquoi l'on peut affirmer que tous auront part au monde futur pour acquérir la certitude qu'il en sera effectivement ainsi.

Je reproduirai, tout d'abord, le Emek Haméle'h, qui est un livre difficile à se procurer: "Ecoutez-moi, mes enfants et je vous apprendrai à craindre D.ieu, Qui marque Son amour pour notre peuple. Or, pourquoi fait-Il tant d'efforts envers les impies qui se révoltent, à tout instant, contre Lui? On peut apporter deux réponses à cette question. La première est la constatation que les impies portent également en eux une parcelle de sainteté. Ils sont l'oeuvre des Mains de D.ieu et l'étincelle de Divinité qui les animent est éternelle. Les âmes portent la trace de Son Essence, qui est à l'origine de leur existence. De plus, les Juifs sont l'oeuvre de D.ieu, dont Il est fier. Or, Son action est éternelle et ne peut pas disparaître.

La seconde réponse est la suivante. Notre père Avraham implora D.ieu, Qui lui présenta le Guéhénom et l'assujettissement aux nations, tous deux capables d'assurer la purification de ces impies, car Ses bienfaits sont sans limites."

Il dit encore: "Nul ne sera repoussé. Pourquoi cela? Parce que D.ieu Lui-même construisit des mondes et les détruisit, afin que le bien et le mal existent, que le mal soit le plus fort ici-bas et que l'on encourt le Guéhénom. Etant à l'origine de ce processus, D.ieu libérera Lui-même ceux qui se trouvent dans ce Guéhénom et permettra leur élévation progressive, jusqu'à ce qu'ils deviennent des Justes parfaits."

Le Midrach Chmouel explique: "Le monde futur dont il est ici question est celui de la résurrection et D.ieu attendra que les âmes aient été réellement purifiées, puis Il les placera avec celles des Justes. Il en sera ainsi jusqu'à ce qu'elles reçoivent toutes l'élévation. C'est le sens du verset «tout Ton peuple est constitué de Justes», soulignant que, à terme, tous seront effectivement définis comme tels, dès lors que, selon Sa décision, nul ne sera repoussé". Le Alche'h est du même avis.

Le Ari Zal, dans le Likouteï Hachass, explique pourquoi il en est ainsi: "Chaque Juif aura part au monde futur. Mais, l'un y parviendra très vite, alors que, pour l'autre, un laps de temps plus long sera nécessaire. Puis, au bout du compte, tous seront considérés comme des Justes. Pourquoi D.ieu fait-Il tant d'efforts pour transformer de tels impies? Parce que ceux-ci sont le fruit de Ses plantations, qui sont éternelles. Ils portent en eux la trace d'une Lumière émanant de l'Essence de Lui-même".

Le Ramban dit aussi: "L'âme est issue d'un stade supérieur et elle ne peut pas disparaître ou être perdue".

* * *

4. Nous venons d'expliquer, dans le premier chapitre, qu'il est possible, pour chaque Juif, d'avoir part à la résurrection, dans le second, qu'il en sera effectivement ainsi et, dans le troisième, qu'il ne peut en être autrement.

Nous citerons maintenant les propos de nos Sages qui semblent contredire ce qui vient d'être dit. Nous en expliquerons certains et ce qui est dit pourra être appliqué aux autres:

A) Le traité Sanhédrin dit: "Tous les Juifs auront part au monde futur à l'exception de...".

Nous avons vu que la Techouva, une punition après la mort ou une prière permettent de faire obtenir le monde futur à ceux qui sont présentés comme des exceptions, ce qui signifie que ceux qui n'ont pas accédé à la Techouva, n'ont pas été punis et pour lesquels on n'a pas prié n'auront aucune part dans la résurrection. On pourrait en conclure, comme on le disait auparavant, que tous revivront à l'exception de ceux qui ont été mentionnés par les Sages.

Or, nous avons dit que toute âme est, par nature, éternelle, qu'elle ne peut disparaître, car elle est "le fruit de Mes plantations" et, qu'au bout du compte, elle figurera parmi les Justes. Ceci peut être dit pour chaque âme, en particulier. Toutes seront donc bien présentes, lors de la résurrection.

Il est pourtant difficile de considérer que celui qui n'a pas part au monde futur, qui n'a pas été puni et pour lequel on n'a pas prié, disparaîtrait complètement, même si le Talmud semble indiquer qu'il en est ainsi(9).

Mais, en réalité, il n'y a là aucune contradiction. La résurrection des morts concerne à la fois l'âme et le corps, comme nous l'avons précisé.

Ainsi, le corps de ceux qui, selon nos Sages, n'auront pas part au monde futur, disparaîtra. Leur âme, en revanche, fruit des plantations de D.ieu, revivra dans un autre corps(10). A ce propos, le Chaar Haguilgoulim dit: "Si une âme commet une faute susceptible de provoquer la disparition du corps et n'a pas part à la résurrection, elle revivra dans un autre corps qui aura bien part à cette résurrection et seul son premier corps disparaîtra"(11).

B) Le traité Taanit dit: "Rabbi Abbahou enseigne: un jour de pluie est plus important que celui de la résurrection, car cette dernière est réservée aux Justes, alors que la pluie tombe pour les Justes comme pour les impies". Rav Yossef exprime ensuite son désaccord, sur cette affirmation, mais le Rambam tranche la Hala'ha selon l'avis de Rabbi Abbahou(12). Dès lors, comment dire que chaque Juif aura part au monde futur?

Bien plus, selon une autre version, le traité Taanit dit: "cette dernière est réservée aux Justes parfaits". Or, le Tanya décrit l'immense élévation d'un Juste parfait et c'est à son propos que Rabbi Chimeon Bar Yo'haï dit: "J'ai pu vérifier que ceux qui étaient susceptibles de connaître l'élévation sont peu nombreux". Et le Tanya précise que "leur existence préfigure le monde futur".

Néanmoins, on peut remarquer que Rabbi Abbahou contredit la Michna, précédemment citée, du traité Sanhédrin, selon laquelle "tous les Juifs auront part au monde futur". Car, cette Michna exclut uniquement celui qui prétend que la résurrection des morts n'a aucune référence dans la Torah.

Il faut en conclure que les Justes dont parle Rabbi Abbahou sont, en fait, tous les Juifs, comme dans la Michna du traité Avot, à l'exception de ceux qui sont clairement exclus. De fait, différents commentateurs soulignent que tous les Juifs sont des Justes(13).

Bien plus, nous avons vu précédemment que chaque Juif recevra l'élévation jusqu'à ce qu'il puisse, au bout du compte, être considéré comme un Juste. Lors de la résurrection, il sera donc un Juste parfait, dont l'existence, selon l'expression du Tanya, "préfigure le monde futur". Ceci permet de comprendre les propos de Rabbi Abbahou.

C) Nos Sages disent, dans le traité Sanhédrin, de celui qui a commis un acte idolâtre, que "son âme sera retranchée, dans ce monde-ci et dans le monde futur". Le Rambam précise: "Les impies seront retranchés et mourront. Ils seront retranchés dans leur méchanceté et mourront comme des animaux. Tel est le sens de ce retranchement".

Le Ramban n'est pas du même avis et explique: "L'âme est supérieure et ne peut donc disparaître. Elle ne peut devenir animale et se fondre aux quatre éléments fondamentaux de la matière. Bien au contraire, elle poursuivra son élévation. De fait, tel est le désir de chaque âme, mais l'obstacle dressé par la faute l'empêche de le satisfaire. Le retranchement sépare donc l'âme de son origine".

Il ajoute cependant: "Certains impies, d'une méchanceté particulière, se voient infliger une condamnation qui est prononcée pour toutes les générations". Il fait ainsi allusion aux hérétiques, desquels nos Sages disent: "Ils descendent au Guéhénom, dans lequel ils restent pour toutes les générations. Même lorsque le Guéhénom disparaîtra, ils seront encore là".

Le Ari Zal précise: "Le retranchement porte uniquement sur la partie la plus basse de l'âme. Les stades plus élevés, en revanche, ne le connaissent pas".

Le Assara Maamarot définit six groupes d'âmes qui seront constitués au jour du Jugement. Il classe ces impies dans le sixième et conclut: "Le Guéhénom se fermera devant eux et ils y seront condamnés pour toutes les générations. Puis, peut-être la Sagesse cachée de D.ieu fera-t-elle qu'Il s'interroge à leur propos, car nul ne sera repoussé. C'est le sens de l'expression «même lorsque le Guéhénom disparaîtra, ils seront encore là», que nous interprétons comme les Sages ont compris le verset «J'achèverai mes flèches contre eux». Ces flèches imposent, en effet, la plus terrible souffrance(14). De même, la disparition du Guéhénom est bien la punition la plus sévère. Tant que D.ieu s'emportera contre Israël, il y aura donc des flèches et un Guéhénom. Mais, au bout du compte, les âmes connaîtront l'élévation et ne disparaîtront pas. De fait, seul ce qui appartient au bien est éternel, mais non les souffrances et le Guéhénom".

Evoquant les impies les plus cruels, le Emek Haméle'h dit aussi: "Ils sont repoussés, jusqu'à ce que D.ieu envoie Sa Parole et, dans Son immense bonté, agisse pour que nul ne soit repoussé. Quand cette heure arrive, D.ieu les élève et les purifie, peu à peu. C'est le sens de ce retranchement. Peut-on imaginer que cette âme disparaisse complètement? Ce n'est nullement le cas. Elle est uniquement séparée de sa source et doit se réincarner."

Il dit encore: "Après l'avènement du Machia'h, le Saint béni soit-Il renouvellera le monde, purifiera et sanctifiera l'endroit du Guéhénom, qui sera intégré au Gan Eden, avec les incroyants et les impies qui s'y trouvent. Les flèches du Guéhénom disparaîtront et seront purifiées par la sainteté du Gan Eden, dans lequel le Saint béni soit-Il dansera en rond, avec les Justes".

D) Le traité Pessa'him dit: "La lumière que D.ieu créa, au second jour, ne sera jamais la Sienne, si l'on peut ainsi s'exprimer". Rachi explique qu'il est ici fait allusion à la lumière du Guéhénom. Cette affirmation semble contredire ce qui vient d'être dit.

Néanmoins, le Assara Maamarot explique: "Dire que la lumière du Guéhénom n'appartiendra jamais à D.ieu ne signifie pas qu'elle existera toujours. Elle demeurera tant que ce monde existe, puis D.ieu détruira ce monde et Il supprimera le mal. Alors, ce sera le Chabbat et le repos pour l'éternité. Dès lors, le Guéhénom disparaîtra également."

E) Le traité Roch Hachana dit: "Douze mois après leur mort, le corps des impies est détruit et leur âme est brûlée, puis le vent en répand les cendres sous les pieds des Justes".

Ceci semble indiquer que leur âme ne revivra pas.

Mais, le Ramban explique: "Leur âme est brûlée et transformée en cendres. Elle perdra ainsi sa forme originelle et le vent placera ces cendres sous les pieds des Justes, c'est-à-dire à un niveau inférieur à celui du plaisir et du repos des Justes".

Le Assara Maamarot dit aussi: "Il y a là une promesse merveilleuse, un bienfait véritable pour tous les impies, qui accéderont ainsi à la sainteté et, par rapport aux Justes qui sont plus élevés qu'eux, ils seront considérés comme de la poussière sous leurs pieds".

* * *

5. Quelques précisions doivent encore être données sur la possibilité de cette élévation.

Nous avons vu que les impies les plus malfaisants la reçoivent en se réincarnant. Le Rechit 'Ho'hma précise que la réincarnation purifie et permet d'obtenir ce que le Guéhénom ne peut donner.

Or, nos Sages limitent à trois les possibilités de réincarnation et, dans le Zohar 'Hadach, Rabbi Chimeon dit: "Ceux qui, au bout de trois fois, n'ont pas obtenu la purification, ne peuvent la recevoir par la suite. Leur âme est alors retranchée".

Certes, cette restriction à trois fois est imposée uniquement aux impies, alors que les Justes peuvent se réincarner un plus grand nombre de fois, ainsi qu'il est dit "Il fait du bien par milliers pour ceux qui L'aiment". En revanche, tout espoir semble perdu pour les impies les plus méchants qui, au bout de trois vies, n'ont toujours pas reçu l'élévation.

Mais, le Chneï Lou'hot Haberit dit: "Ceux qui, au bout de trois vies, n'ont pas fait une Techouva parfaite, pourront encore revivre dans le corps des animaux, sauvages ou domestiques, purs ou impurs. Ils connaîtront d'abord une situation plus légère, puis une seconde plus lourde. Certains n'ont pas compris ce que voulait dire Rabbi Chimeon et ils ont pensé qu'il rejetait ainsi de telles personnes. En réalité, il cherchait un moyen de permettre leur retour" et l'on consultera, à ce propos, ce qu'il dit dans le Zohar.

Et le Assara Maamarot écrit: "Celui qui ne peut plus se réincarner et errer sur terre revivra sous la forme, d'un minéral, d'un végétal, d'un animal, d'un autre homme ou même d'un démon. Il y a là un retranchement de l'âme, par rapport à la source de sa vie et de terribles punitions, bien plus sévères que le Guéhénom, lui sont ainsi infligées, ce qui ne l'empêche pas de passer douze mois dans ce Guéhénom. Mais, une telle âme peut avoir bon espoir de connaître l'élévation, après avoir reçu la punition, car la bonté de D.ieu envers Ses créatures est infinie".

* * *

Je conclurai en citant le Emek Haméle'h: "Béni sois l'Eternel, D.ieu d'Avraham, homme de bonté, qui ne supprime pas Sa bonté et Sa vérité à Son peuple, Israël, afin que nul ne soit repoussé. Il prodigue Ses bienfaits à toutes Ses créatures, ainsi qu'il est dit: Il a pitié de toutes Ses actions. En conséquence, chaque Juif aura part au monde futur, ainsi qu'il est dit: Tous les Juifs sont des Justes. Ils recevront cette terre en héritage éternel. Ils sont le fruit de Mes plantations, l'oeuvre de Mes mains, dont Je suis fier".

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Plusieurs versions de cette lettre existent. Celle-ci est la dernière.
(2) Rav David Shtockhammer.
(3) Le 15 Sivan. Voir, à ce propos, les lettres n°76, 78, 79 et 81.
(4) Rachab, père du précédent Rabbi.
(5) 1901.
(6) Rabbi Saadya Gaon dans Emounot Vedéot, les commentateurs du Rambam. A l'époque, la controverse restait, néanmoins envisageable, puis vint le Ari Zal, dont la position, celle qui est exposée dans cette lettre, fut acceptée par tout le peuple juif.
(7) Et l'on peut s'interroger, à ce propos. Pourquoi Rabbi Yo'hanan s'efforça-t-il de le sauver? En fait, nos Sages expliquent de différentes manières comment Elisha Ben Abouya s'écarta du droit chemin. Il n'y a cependant pas de controverse en la matière et l'on peut considérer que toutes ces raisons sont exactes. S'il y a bien une divergence, elle porte uniquement sur le fait de savoir quelle était, parmi toutes ces raisons, la plus fondamentale. L'une de ces raisons, qui est chronologiquement la première, fut la suivante. La mère d'Elisha, enceinte de lui, sentit les effluves d'une viande interdite et dut en manger. On pourrait en conclure que la responsabilité d'Elisha n'était pas directement engagée. Néanmoins, il est dit que Hillel faisait porter une accusation sur les pauvres, car il était pauvre lui-même et l'on voyait, malgré cela, quel bon comportement il adoptait. En l'occurrence, Rabbi Yo'hanan faisait également porter une accusation sur Elisha Ben Abouya, car sa mère, lorsqu'elle était enceinte de lui, sentit également de la viande interdite et en consomma. Mais, il n'en résulta rien de fâcheux pour le comportement de Rabbi Yo'hanan. Ainsi, nul autre que Rabbi Yo'hanan, qui faisait porter une accusation sur Elisha, ne pouvait intercéder en sa faveur. Il le sauva lorsque, pouvant être son accusateur, il devint en fait son défenseur.
(8) Et le traité talmudique qui mentionne leur nom les cite donc uniquement à titre d'exemples car, après que leurs corps aient été brûlés, rien ne s'oppose à ce qu'ils revivent. Du reste, le traité Sanhédrin avance un avis selon lequel tous auront bien part au monde futur, sans aucune exception, ce qui ne contredit pas l'affirmation selon laquelle certains n'y auront pas part, dès lors qu'une punition leur a été infligée. Le seul doute qui subsiste porte donc sur la gravité de cette punition, permettant de s'assurer qu'elle est suffisante. De plus, on peut considérer que seul le corps de ces impies sera détruit et ne revivra pas. Leur âme, en revanche, revivra, mais avec un autre corps. Ainsi, il est expliqué que les âmes de la génération de l'Egypte étaient la réincarnation de celles de l'époque de la tour de Babel, de laquelle il est dit qu'elle n'aura pas part au monde futur. Il faut donc bien distinguer les âmes des corps. En l'occurrence, ces âmes reçurent l'élévation grâce à la servitude de l'Egypte. De même, on peut considérer que la génération du désert, de laquelle il est également dit qu'elle n'aura pas part au monde futur, se réincarnera à une autre époque et pourra ainsi racheter sa faute. On affirme aussi que les éclaireurs envoyés par Moché pour reconnaître la Terre Sainte n'ont pas part au monde futur. Or, le Zohar précise que seuls leurs corps ne revivront pas. Leurs âmes, en revanche, pourront se réincarner. Et il en sera de même pour l'âme de Yerovoam. Le Yerouchalmi, en revanche, considère que son corps revivra également, de même que ceux de ses amis. En tout état de cause, l'âme pourra, dans tous les cas, revivre après avoir connu une seconde vie.
(9) Ainsi, le traité Makot rapporte l'affirmation de nos Sages, selon laquelle: "Si nous appartenions au Sanhédrin, nous n'aurions jamais prononcé une condamnation à mort".
(10) En d'autres termes, ceux que nos Sages privent du monde futur y ont néanmoins part, du fait de leur âme. C'est pour cela que le terme d'exception, qui serait impropre, n'est pas utilisé dans la Michna du traité Sanhédrin, précédemment citée. Du point de vue de l'âme, "tous les Juifs auront part au monde futur", sans aucune exception. En revanche, si l'on considère le corps, on peut dire: "voici ceux qui n'auront pas part au monde futur...".
(11) En tout état de cause, le Ari Zal établit donc bien que toutes les âmes auront part au monde futur. Des différences existent dans le monde des âmes, après la vie physique, mais non après la résurrection, à laquelle tous auront part et seront alors vêtues de corps.
(12) On peut, néanmoins, s'interroger, à ce propos, puisque, rapportant, l'avis de Rabbi Abbahou, le Rambam cite le Midrach Béréchit Rabba et non le traité Taanit.
(13) En particulier le Zohar et le Or Hatorah, du Tséma'h Tsédek.
(14) A celui qui les reçoit, lorsqu'elles "disparaissent" dans son corps.