Lettre n° 8466
Par la grâce de D.ieu,
10 Tamouz 5722,
Brooklyn, New York,
A monsieur Reouven Avinoam(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai reçu, avec du retard, votre lettre du 13 Iyar, qui fait réponse à mon courrier(2) relatif à votre livre. L’idée centrale de votre lettre est la suivante. Vous convenez avec moi que le deuil doit être limité dans le temps, afin que celui qui le subit reste actif, plein d’empressement. Pour autant, vous entendez faire une distinction entre le deuil et le souvenir. Or, il est évident qu’un changement de terme ne change rien et que seules les conséquences doivent être prises en compte. En la matière, le critère est le suivant : le souvenir ou le deuil aura-t-il pour effet un ajout au domaine de la sainteté, à la justice et à la droiture dans le monde ? Ou bien l’inverse sera-t-il vrai ?
Vous indiquez que certains défunts ont des qualités particulières ou un mérite spécifique, lié à une certaine action. De ce fait, le souvenir des parents ne diminue pas leur empressement et leur vitalité. La pratique concrète fait la preuve que l’inverse est vrai. Lorsque des enfants ne se distinguent pas par leurs qualités particulières, l’amour que leur vouent leurs parents est encore plus profond. Comme le disent nos Sages(3), “ lorsque l’amour a une cause, la disparition de la cause entraîne la disparition de l’amour ”, ce qui signifie que, déjà avant la disparition de cette cause, l’amour n’était pas réellement sincère et profond, à la mesure de ce qu’il aurait pu l’être s’il n’y avait pas eu de cause. Or, l’amour du père pour ses enfants est l’exemple de celui qui n’est pas lié à une cause. La ‘Hassidout l’appelle : “ amour émanant de l’essence ”, car les enfants émanent de la quintessence de leurs parents.
Néanmoins, ceci n’explique pas encore complètement pourquoi l’on éprouverait un amour plus profond envers les enfants qui ne se distinguent pas par leurs qualités particulières. Pourquoi ce sentiment ne serait-il pas identique pour tous ? En fait, il faut distinguer l’amour émanant de l’essence de celui qui a une cause. Le second affaiblit le premier, ce qui veut dire qu’il le recouvre. On peut donner, de tout cela, une illustration particulièrement claire, à partir de ce que nous avons observé à notre époque et, encore plus clairement, de par le passé, lors des persécutions et des croisades, ce qu’à D.ieu ne plaise. Ce furent alors précisément les personnes simples qui sacrifièrent leur vie pour notre religion et pour notre foi, beaucoup plus facilement que les intellectuels, possédant une profonde compréhension. Certes, les uns et les autres étaient des “ croyants, fils de croyants ”(4). Tous possédaient une pointe de Judaïsme qui est à l’origine de leur abnégation. Toutefois, les intellectuels agissent uniquement en fonction de leur perception intellectuelle et “ l’habitude devient une seconde nature ”(5). En la matière également, il leur fallait donc trouver une approche rationnelle. A l’opposé, la pointe de Judaïsme des personnes simples, confrontées à l’épreuve de la foi, se mettait aussitôt en éveil, sans vêtement et sans limite. Et, il en est de même en l’occurrence. Si l’amour a une cause, même la plus grande, la plus élevée qui soit, celle-ci n’en est pas moins limité et, de ce fait, elle restreint l’amour, y compris celui qui émane de l’essence. Elle le recouvre, car elle a l’habitude de le lier à cette cause.
Pour conclure par ce qui est d’actualité, nous sommes à la veille des 12 et 13 Tamouz, jours de la libération et de la victoire de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, à la suite de son combat pour la protection des valeurs de notre peuple, malgré la dictature, le régime puissant et arrogant du pays dans lequel il se trouvait auparavant(6). Vous savez sûrement ce qui se passa, à l’époque et l’idée la plus fondamentale, à mon sens, est ce que peut accomplir un seul Juif, pour peu qu’il prenne une ferme résolution et qu’il soit véritablement prêt à l’abnégation. Certes, un tel niveau n’est pas accessible à chacun. Néanmoins, les conditions, dans les pays libres en lesquels nous vivons, sont sans aucune(7) commune mesure(8). En outre, “ le Saint béni soit-Il exige uniquement en fonction des forces de chacun ”(9), à condition d’en faire pleinement usage(10). Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°7620.
(2) Il s’agit de la lettre n°7620.
(3) Dans le traité Avot, chapitre 5, à la Michna 16.
(4) Selon le traité Chabbat 97a.
(5) Selon le Chevileï Emouna, chapitre 54, au paragraphe 2, le Pa’had Its’hak, à cette article et le Tanya, à la fin du chapitre 14.
(6) La Russie soviétique.
(7) Le Rabbi souligne le mot : “ aucune ”.
(8) Avec celles de la Russie.
(9) Selon le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 21, au paragraphe 22.
(10) De se servir pleinement de ces forces accordées par D.ieu.
10 Tamouz 5722,
Brooklyn, New York,
A monsieur Reouven Avinoam(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai reçu, avec du retard, votre lettre du 13 Iyar, qui fait réponse à mon courrier(2) relatif à votre livre. L’idée centrale de votre lettre est la suivante. Vous convenez avec moi que le deuil doit être limité dans le temps, afin que celui qui le subit reste actif, plein d’empressement. Pour autant, vous entendez faire une distinction entre le deuil et le souvenir. Or, il est évident qu’un changement de terme ne change rien et que seules les conséquences doivent être prises en compte. En la matière, le critère est le suivant : le souvenir ou le deuil aura-t-il pour effet un ajout au domaine de la sainteté, à la justice et à la droiture dans le monde ? Ou bien l’inverse sera-t-il vrai ?
Vous indiquez que certains défunts ont des qualités particulières ou un mérite spécifique, lié à une certaine action. De ce fait, le souvenir des parents ne diminue pas leur empressement et leur vitalité. La pratique concrète fait la preuve que l’inverse est vrai. Lorsque des enfants ne se distinguent pas par leurs qualités particulières, l’amour que leur vouent leurs parents est encore plus profond. Comme le disent nos Sages(3), “ lorsque l’amour a une cause, la disparition de la cause entraîne la disparition de l’amour ”, ce qui signifie que, déjà avant la disparition de cette cause, l’amour n’était pas réellement sincère et profond, à la mesure de ce qu’il aurait pu l’être s’il n’y avait pas eu de cause. Or, l’amour du père pour ses enfants est l’exemple de celui qui n’est pas lié à une cause. La ‘Hassidout l’appelle : “ amour émanant de l’essence ”, car les enfants émanent de la quintessence de leurs parents.
Néanmoins, ceci n’explique pas encore complètement pourquoi l’on éprouverait un amour plus profond envers les enfants qui ne se distinguent pas par leurs qualités particulières. Pourquoi ce sentiment ne serait-il pas identique pour tous ? En fait, il faut distinguer l’amour émanant de l’essence de celui qui a une cause. Le second affaiblit le premier, ce qui veut dire qu’il le recouvre. On peut donner, de tout cela, une illustration particulièrement claire, à partir de ce que nous avons observé à notre époque et, encore plus clairement, de par le passé, lors des persécutions et des croisades, ce qu’à D.ieu ne plaise. Ce furent alors précisément les personnes simples qui sacrifièrent leur vie pour notre religion et pour notre foi, beaucoup plus facilement que les intellectuels, possédant une profonde compréhension. Certes, les uns et les autres étaient des “ croyants, fils de croyants ”(4). Tous possédaient une pointe de Judaïsme qui est à l’origine de leur abnégation. Toutefois, les intellectuels agissent uniquement en fonction de leur perception intellectuelle et “ l’habitude devient une seconde nature ”(5). En la matière également, il leur fallait donc trouver une approche rationnelle. A l’opposé, la pointe de Judaïsme des personnes simples, confrontées à l’épreuve de la foi, se mettait aussitôt en éveil, sans vêtement et sans limite. Et, il en est de même en l’occurrence. Si l’amour a une cause, même la plus grande, la plus élevée qui soit, celle-ci n’en est pas moins limité et, de ce fait, elle restreint l’amour, y compris celui qui émane de l’essence. Elle le recouvre, car elle a l’habitude de le lier à cette cause.
Pour conclure par ce qui est d’actualité, nous sommes à la veille des 12 et 13 Tamouz, jours de la libération et de la victoire de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, à la suite de son combat pour la protection des valeurs de notre peuple, malgré la dictature, le régime puissant et arrogant du pays dans lequel il se trouvait auparavant(6). Vous savez sûrement ce qui se passa, à l’époque et l’idée la plus fondamentale, à mon sens, est ce que peut accomplir un seul Juif, pour peu qu’il prenne une ferme résolution et qu’il soit véritablement prêt à l’abnégation. Certes, un tel niveau n’est pas accessible à chacun. Néanmoins, les conditions, dans les pays libres en lesquels nous vivons, sont sans aucune(7) commune mesure(8). En outre, “ le Saint béni soit-Il exige uniquement en fonction des forces de chacun ”(9), à condition d’en faire pleinement usage(10). Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°7620.
(2) Il s’agit de la lettre n°7620.
(3) Dans le traité Avot, chapitre 5, à la Michna 16.
(4) Selon le traité Chabbat 97a.
(5) Selon le Chevileï Emouna, chapitre 54, au paragraphe 2, le Pa’had Its’hak, à cette article et le Tanya, à la fin du chapitre 14.
(6) La Russie soviétique.
(7) Le Rabbi souligne le mot : “ aucune ”.
(8) Avec celles de la Russie.
(9) Selon le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 21, au paragraphe 22.
(10) De se servir pleinement de ces forces accordées par D.ieu.