Lettre n° 81

Par la grâce de D.ieu,
Dimanche, veille de Roch 'Hodech Tamouz Au grand Rav, érudit et respectable, le Rav H. B.(1)

Je vous salue et vous bénis,

Je désire vous informer, par la présente, que nous avons organisé ici, la semaine dernière, une conclusion de la Michna(2) qui a été apprise par coeur par le groupe de Michna du Ma'hané Israël. Après cette conclusion, a été effectuée une répartition pour la nouvelle année, dont la conclusion aura lieu au lendemain de Chavouot 5704.

Nous voudrions donc encourager encore une fois tous nos amis, surtout ceux qui chérissent la Torah et vous-même, en particulier, à devenir membres de ce groupe, à le faire connaître parmi vos connaissances et vos relations, en leur soulignant l'importance de purifier l'atmosphère(3) par les mots de la Torah, par ailleurs affirmée dans différents textes de la partie révélée de la Torah(...).

Il faut s'efforcer que tous s'intègrent à ce groupe et récitent de la Michna par coeur, en marchant dans la rue, comme l'explique mon beau-père, le Rabbi Chlita. Ces contributions permanentes au groupe de Michna auront un apport capital, car une Mitsva mise en pratique par le plus grand nombre reçoit une toute autre dimension.

Je m'excuse de n'avoir pu donner suite à votre lettre en son temps, du fait de mes nombreuses occupations. Celles-ci ne sont pas moins nombreuses maintenant, mais je répondrai néanmoins, à quelques unes des questions posées dans votre lettre:

A) Vous n'acceptez pas de retenir les deux raisons pour lesquelles les lumières de 'Hanouka sont allumées en ordre croissant, d'abord parce que toute chose doit croître dans le domaine de la sainteté, ensuite pour établir le nombre de jours de la fête qui sont passés(4). Une controverse oppose nos Sages, à ce sujet, mais je disais que cela n'empêche pas de retenir l'une et l'autre et c'est ce que vous contestez(...).

Il reste encore possible de préciser le sens de mon affirmation. Par exemple, celui qui, pour une quelconque raison, commence à allumer les bougies au milieu de la fête, devra en prendre le même nombre que les autres si l'on prend pour référence le nombre de jours qui sont déjà passés, alors qu'une seule lui suffira, s'il considère la nécessité de croître dans le domaine de la sainteté, laquelle impose uniquement d'allumer en ordre croissant(...).

Le devoir d'augmenter, dans le domaine de la sainteté, est déduit d'un verset de la Torah, alors que la prise en compte des jours déjà passés de la fête est uniquement basée sur la logique.

B) Vous citez l'avis selon lequel le jeûne de la destruction du Temple aurait pu être fixé le 10 Av, date à laquelle fut brûlée la majeure partie du Sanctuaire. Mais, il est dit aussi que le dégât causé par le feu est pris en compte au moment où celui-ci est allumé, c'est-à-dire, en l'occurrence le 9, sans tenir compte de ce qu'il cause par la suite. Dès lors, comment envisager de fixer le jeûne au 10 Av?

J'avoue ne pas comprendre le sens de cette question, car il s'agit, dans ce passage talmudique de déterminer quel jour les Juifs doivent prendre le deuil du fait du malheur qui leur est arrivé et non de savoir à quel moment l'action menée par les non-Juifs est parvenue à son terme.

Ainsi, si quelqu'un blesse son prochain et que celui-ci meurt, quelques jours plus tard, des suites de cette lésion, il est clair que les proches du défunt seront en deuil à partir du jour de la mort et non de la date de l'agression.

C) Vous soulignez que le Temple fut détruit par le feu de D.ieu, qui peut le faire disparaître à tout instant. Nos Sages disent toutefois qu'un décret assorti d'un serment ne peut être rapporté. Or, ce fut bien le cas, lors de la destruction du Temple(...).

Néanmoins, tout dépendait, en l'occurrence, de la Techouva et il est dit que "tout est dans les mains de D.ieu, sauf la crainte de D.ieu".

On peut, toutefois, aller dans votre sens et considérer que cela n'est pas la raison essentielle de ce qui s'est passé et que rien n'empêchait donc D.ieu de faire disparaître Son feu à tout instant.

D) Vous m'interrogez également à propos de la fête de 'Hanouka. Vous dites que la fiole d'huile pouvait, dès le premier jour, brûler potentiellement pendant huit jours. Comment les lois naturelles furent-elles donc respectées? Vous en concluez que le miracle se renouvelait à chaque instant ou à chaque jour. Vous ne l'exprimez pas clairement, mais il me semble que telle est bien votre conclusion.

On peut répondre à cette question de différentes manières:

1. J'ai écris que le miracle conféra à l'huile la force de brûler pendant huit jours, ce qui explique l'avis de Beth Chamaï, demandant d'allumer un nombre de bougies qui correspond aux jours restant de la fête. Car, si ce n'était cela, pourquoi faudrait-il les prendre au compte dès le début de la fête? Or, vous vous demandez si ce raisonnement est juste, alors qu'en le réfutant, vous retirez toute légitimité à l'avis de Beth Chamaï.

2. Le miracle devait durer huit jours. Certes, il en fallait sept pour purifier le Sanctuaire, un jour pour fabriquer l'huile, quatre jours pour se rendre dans le lieu ou l'on pouvait le faire et quatre jours pour en revenir. Mais, tout cela était réalisé dès le premier jour et ne fut pas rajouté par la suite. Néanmoins, c'est seulement l'année suivante que l'on put s'apercevoir que le miracle avait supprimé toute interruption de l'allumage des lumières. Mais, il en était bien ainsi dès le premier jour, car le miracle pouvait se produire uniquement par cette fiole d'huile.

3. De plus, on sait qu'il n'est pas de miracles inutiles(...) et, si l'on dit que le miracle se renouvelait à chaque instant, il en découlerait qu'il était inutile lorsqu'il faisait grand jour(...).

E) Je m'interrogeais, dans ma lettre, sur l'avis selon lequel la quantité d'huile fut divisée en huit parts égales, puisque les instruments du service de D.ieu, utilisés dans le Temple, devaient être pleins et c'était également le cas pour le Chandelier. Mais, je me suis aperçu que cette conception était fausse, car cette huile était sanctifiée non pas en la plaçant dans le Chandelier, mais dès lors qu'une certaine quantité en était disposée dans le Temple. Il n'y avait donc pas d'impossibilité que ce Chandelier ne soit pas plein.

On peut, du reste, se demander pourquoi les réservoirs du Chandelier étaient plus grands que la quantité d'huile qu'ils devaient contenir. On peut expliquer, néanmoins, que, lorsque l'on disposait uniquement de mèches épaisses, on devait augmenter la quantité d'huile.

F) Vous faites remarquer que l'allumage du Chandelier n'était pas défini comme un acte du service de D.ieu dans le Temple. En conséquence, souligne le Rambam, cet allumage pouvait être effectué par celui qui n'est pas Cohen. Dès lors, demandez-vous, pourquoi l'inauguration du Chandelier fut-elle faite en l'allumant?

Or, la raison en est clairement établie. L'inauguration d'un instrument est la première utilisation normale de celui-ci dans le Temple. En l'occurrence, celle du Chandelier consistait donc bien à l'allumer. Néanmoins, la Michna précise que cette inauguration devait avoir lieu au coucher du soleil et le Rambam précise qu'il fallait alors allumer toutes les sept lumières, puis en retirer les cendres, au matin. Peu importe donc quand ces lumières étaient préparées.

Il fallait donc, en l'occurrence, placer les mèches, puis l'huile. On pouvait le faire le matin ou le soir, à condition que les cendres en soient bien retirées le matin.

Certes, l'allumage du Chandelier n'est pas un acte du service de D.ieu, non que cet allumage ne soit pas important, mais plutôt parce que l'intervention de l'homme n'est pas déterminante. En effet, elle n'appelle aucun effort de sa part, puisque la flamme doit s'élever d'elle-même, ce qui est indépendant de cet acte d'inauguration.

G) Vous écrivez également que la présence de la table, du Chandelier, des autels et du rideau est indispensable pour pouvoir effectuer les sacrifices. Mais, il est dit, par ailleurs, que la construction de l'autel dura huit jours et s'acheva le huitième. Il en résulte qu'il n'y avait pas d'autel lors de l'allumage du Chandelier et que celle-ci était donc sans valeur.

Selon cette interprétation, cet allumage fut simplement une Mitsva et non, à proprement parler, un acte du service de D.ieu dans le Temple. C'est pour cela qu'il n'était pas nécessaire qu'elle soit pleine d'huile. De même, beaucoup se demandent pourquoi un miracle fut nécessaire puisque la notion d'impureté ne s'applique pas à ce qui est public. Ce qui vient d'être dit apporte une réponse à cette objection, puisque l'allumage du Chandelier était une Mitsva et non un sacrifice.

Votre argument est surprenant. Car, la notion d'impureté et le Chabbat sont mentionnés dans un même verset et, selon votre raisonnement, il faudrait se demander comment ils purent allumer le Chandelier durant le Chabbat. Or, cet allumage fut effectivement fait pendant huit jours consécutifs, comme différentes sources l'établissent. De plus, comment se servirent-ils d'un Chandelier consacré au service de D.ieu pour effectuer un acte qui n'en participait pas? On peut toutefois considérer qu'il s'agissait alors d'un nouveau Chandelier, dont l'usage profane reste permis tant que celui-ci n'a pas été utilisé pour le service de D.ieu.

Mais, l'on peut s'étonner d'une telle interprétation. Car, si la Torah ne fait pas obligation d'allumer le Chandelier, celui-ci est bien "un feu étranger que D.ieu n'a pas demandé". Et, celui qui entre dans le Temple dans un but autre que le service de D.ieu est puni de flagellation.

A ce propos, je voudrais ajouter un mot, lié à notre propos.

La Meguilat Taanit(...) explique que la purification du Sanctuaire fut commencée à la fin de Mar'Hechvan ou au début de Kislev. Dès lors, pourquoi attendirent-ils jusqu'au 25 Kislev pour inaugurer le Temple? J'ai trouvé à cela une explication, dans les livres des dernières générations, selon laquelle "ils bâtirent un nouvel autel, apportèrent de nouveaux instruments du service et placèrent le Chandelier dans le Sanctuaire. Ils en allumèrent les lumières. Puis, le 25 Kislev, ils se levèrent de bonne heure et offrirent des sacrifices sur l'autel. Ils célébrèrent alors l'inauguration de l'autel pendant huit jours". De fait, il est un usage établi que l'on peut citer de tels livres.

De plus, on peut dire que la présence des instruments précédemment cités est nécessaire uniquement pour le service de D.ieu effectué à l'intérieur du Sanctuaire. Il ne convient cependant pas de citer l'Arche sainte, parmi ces instruments, car celle-ci ne se trouvait pas dans le second Temple(...).

Une autre source, en revanche, ne mentionne pas les rideaux et ne fait pas de différence entre ce qui est effectué à l'intérieur du Sanctuaire et ce qui se déroule à l'extérieur de celui-ci. Néanmoins, on peut remarquer qu'aucun acte du service n'est lié à l'Arche sainte ou aux rideaux. En effet, même lors de l'aspersion du sang, il n'est pas obligatoire que celui-ci touche le rideau.

A ma connaissance, cette Hala'ha ne figure pas dans le Rambam(...).

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Le Rav 'Haïm Dov Ber Ginsburg.
(2) Voir, à ce propos, la lettre n°76.
(3) Voir, à ce propos, la lettre n°63.
(4) Voir, à ce propos, la lettre n°50.