Lettre n° 804

Par la grâce de D.ieu,
22 Mar’Hechvan 5711,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav ...,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 14 Mar’Hechvan qui m’a quelque peu étonné. Votre fille est venue me voir et nous avons longuement évoqué ce sujet. Elle m’a donné l’assurance qu’elle vous écrirait, de même qu’à sa mère, pour vous rapporter le contenu de notre discussion, laquelle ne correspond nullement à ce que vous me dites dans votre lettre. J’exposerai donc mon propos :

A) De façon générale, je n’ai pour habitude de donner des ordres, sauf dans des cas exceptionnels. Mais, lorsque l’on me demande mon avis, je l’indique, selon mon jugement et cela a bien été le cas, en l’occurrence.

Au milieu de l’été, le jeune homme, ‘Hassid qui craint D.ieu, devant épouser votre fille est venu me voir et je lui ai expliqué ma conception de la manière dont il devait organiser sa vie, afin qu’elle soit fructueuse, matériellement et spirituellement. C’est là le conseil, et nullement l’ordre, que je vous donne également, ainsi qu’à votre fille.

B) Je leur ai conseillé de ne pas s’installer à Brooklyn, New York, ni même aux Etats Unis, mais dans un endroit où il pourra faire plein usage de ses capacités et où votre fille pourra en faire de même. Il y a deux ou trois endroits dans lesquels j’ai bon espoir qu’il pourra en être ainsi.

C) Lorsque j’ai parlé à votre futur gendre et à votre fille, je leur ai dit, d’emblée, qu’ils rencontreraient peut-être des difficultés, ressentiraient l’abandon, devraient même faire don d’eux-mêmes. Or, de qui est-on en droit d’attendre un tel comportement si ce n’est d’un ‘Hassid, fils de ‘Hassid et d’une fille de ‘Hassidim ?

D) Néanmoins, votre futur gendre et votre fille ont connu la réussite et, à mon avis, ma proposition correspond effectivement à leur bien matériel, tout autant que spirituel. Je m’explique. L’expérience a montré quel avenir ils pourraient attendre en s’installant aux Etats Unis ou dans un autre pays et ce que l’on y appelle la réussite, celle qu’ont eu les jeunes gens comme eux, qui se sont fixés dans ces endroits.

Je ne souhaite pas développer ce sujet et vous-même devez savoir ce que sont devenus les jeunes gens installés dans votre ville. Vous avez également pu constater leur situation pendant les quelques semaines que vous avez passées à Brooklyn. Vous avez vu ces couples, comparables à votre futur gendre et à votre fille, qui vivent maintenant à Brooklyn et à New York.

A l’opposé, si ma proposition est acceptée et qu’ils partent pour l’un de ces endroits, il y a bon espoir que la bénédiction de mon beau-père, le Rabbi, les y accompagne, dans leur vie et, rapidement, ils pourront s’installer convenablement. Lui-même dirigera une communauté juive. Je parle bien d’un dirigeant et non d’un Rav. Car, à mon avis, il aura, sous son autorité, un Rav, un professeur, un Cho’het, différentes institutions. De plus, avec l’effort qui convient, votre fille aura elle-même une situation comparable à celle-ci.

E) Point essentiel, s’ajoutant à tout ce qui vient d’être dit, mon beau-père, le Rabbi, désirait fortement créer des points d’implantation des ‘Hassidim dans le monde entier. C’est la raison pour laquelle il a envoyé quelques ‘Hassidim en Australie, d’autres au Canada, il a parlé, à plusieurs reprises, de l’Amérique du sud et de l’Afrique du sud.

Nous avons pu constater, et vous l’avez sans doute fait vous-même, que ceux qui ont accepté la mission confiée par le Rabbi, ont été délivrés de toutes les difficultés et placés dans un rayon de lumière, matériellement et spirituellement, même lorsque la réussite devait transcender les voies naturelles. Bien plus, en l’occurrence, une installation satisfaisante peut tout à fait être obtenue de manière naturelle. Les bénédictions de mon beau-père, le Rabbi, peuvent, en outre, la décupler.

F) Au milieu de l’été, votre futur gendre a accepté tout cela, mais uniquement sur le principe, car je ne voulais pas lui proposer de se rendre sur place avant que ses fiançailles avec votre fille soient confirmées.

A l’heure actuelle, il semble que vous-même, votre épouse et votre fille n’acceptiez pas, ne vouliez pas entendre parler de cette proposition qui a déjà reçu l’accord de votre futur gendre, lequel désire être un émissaire de mon beau-père, le Rabbi, qui continue à diriger le peuple juif, en général et ses ‘Hassidim, en particulier.

G) Une preuve de ce qui vient d’être avancé peut être tiré du récit qui figure à la fin de votre lettre et soulève une réelle contradiction. Vous racontez que mon beau-père, le Rabbi, vous a dit que le mari de votre fille ne devait pas être nécessairement un élève de la Yechiva Loubavitch. Vous lui avez alors répondu : "Lorsque nous (c'est-à-dire, vraisemblablement, vous et votre épouse) pensons à l’éventualité de donner notre fille à quelqu’un qui ne serait pas un élève de la Yechiva Loubavitch, nous nous disons que notre vie ne vaut pas la peine d’être vécue".

Réfléchissez donc ! La bénédiction de mon beau-père, le Rabbi, s’est réalisée et votre fille est fiancée à un élève de la Yechiva. Or, vous voulez maintenant le séparer de l’œuvre de mon beau-père, le Rabbi, l’empêcher d’être son émissaire, d’accomplir sa volonté ! Vous vous contentez des qualités qu’il a pu acquérir jusqu'à maintenant.

H) Je vous demande pardon pour ce que je vais écrire maintenant et j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.

Vous connaissez sûrement l’expression du Rabbi Rachab, selon laquelle les élèves de la Yechiva sont "des bougies pour éclairer". Et vous connaissez les termes acerbes qu’emploient nos Sages lorsqu’ils constatent que le résultat est à la mesure de l’effort. Même si l’on agit, sans toutefois faire pleinement usage de ses forces, on est également considéré comme introduisant un manque.

Les parents du fiancé et de la fiancée sont tous d’anciens élèves de la Yechiva et ce proverbe du Rabbi Rachab s’appliquent donc à eux également. Ils doivent, maintenant encore, éclairer.

Je ne sais si vous avez pleinement assumé cette mission. En tout état de cause, la nécessité d’éclairer s’exerce également envers vos enfants. Les anciens élèves de la Yechiva doivent aussi éclairer par l’intermédiaire de leurs descendants.

Réfléchissez maintenant à la manière dont ils éclaireront s’ils restent ici et s’ils se rendent dans un des endroits auquel je faisais allusion.

I) Je répète encore une fois, comme je le disais auparavant, qu’il ne s’agit nullement d’un ordre, mais de la réponse à une question qui m’a été posée. Ce jeune homme m’a demandé comment envisager sa vie et je ne pouvais lui répondre qu’en fonction de ce que je pense.

Je voudrais, toutefois, préciser que je n’ai aucun doute, à ce sujet et, que, comme on peut l’espérer, le bonheur qu’ils connaîtront en acceptant cette proposition est tout à fait clair, à mes yeux. Et je fais également allusion au bonheur physique.

J) Vous concluez votre lettre en me décrivant votre situation et celle de votre fille. Vous me dites que la joie est assombrie. Je suis stupéfait de lire de tels mots.

Car, somme toute, de quoi s’agit-il ici ? De se rendre dans une ville où se trouvent plusieurs dizaines de milliers de Juifs, où l’on peut respecter la Torah et les Mitsvot de la meilleure façon, où l’on peut se voir confier une mission par mon beau-père, le Rabbi et mettre en pratique sa volonté.

Or, "l’émissaire d’un homme s’identifie à lui". Il parviendra donc là-bas avec de grandes forces et une position solide, y diffusera la lumière de la Torah, du Judaïsme, des sources du Baal Chem Tov et de l’enseignement de la ‘Hassidout parmi nos frères, les enfants d’Israël, qui, pour l’heure n’en ont pas ou en ont très peu connaissance.

Pour une raison qui m’échappe, qui vous échappe, qui échappe à des personnes comme nous, selon la fin du chapitre 7 d’Igueret Hakodech, tel jeune homme et telle jeune fille ont été choisis pour mener à bien cette mission. Ceci n’est pas le résultat de leur effort, ils n’ont rien fait pour l’obtenir. Malgré cela, ils en sont fiers et on les caresse, on leur donne des cadeaux, on leur ajoute des friandises. Et, c’est ce que vous appelez une joie assombrie ? Je ne peux le comprendre !

Vous concluez votre lettre en me demandant pardon et je ne sais pas pourquoi vous devez le faire, car tout cela ne me concerne pas plus que vous. Profondément, il est clair que chacun et chacune d’entre nous désire mettre en pratique la volonté de mon beau-père, le Rabbi. Vous-même et votre épouse, savez bien, si vous n’étiez troublés par le fait qu’il s’agisse de votre fille, qu’en assumant une telle mission dans cet endroit, on accomplit effectivement la volonté de mon beau-père, le Rabbi. Que suis-je et qui suis-je pour que l’on me demande pardon à ce propos ?

En tout état de cause, il n’est pas possible de repousser indéfiniment le travail et la diffusion des sources de la ‘Hassidout dans l’endroit qui a été proposé. Je vous demanderais donc de me faire savoir au plus vite quelle est votre décision, en la matière, si possible par télégramme.

Encore une fois, je ne donne aucun ordre, ce qu’à D.ieu ne plaise et il s’agit uniquement d’une proposition. Néanmoins, il m’incombe de m’occuper de cela et je dois donc trouver les personnes qui conviennent. Le cas échéant, je m’adresserai à quelqu’un d’autre.

Avec ma bénédiction et en saluant tous les vôtres,