Lettre n° 7257

Par la grâce de D.ieu,
11 Nissan 5720,
Brooklyn, New York,

A nos frères, les enfants d’Israël, en tout endroit où
ils se trouvent, que D.ieu leur accorde longue vie,

Je vous salue largement et vous bénis,

A l’occasion de la fête des Matsot, qui approche, j’adresse mes vœux et ma bénédiction à nos frères, les enfants d’Israël, en tout endroit où ils se trouvent, une bénédiction pour une fête de Pessa’h, temps de notre liberté, cachère et joyeuse. La liberté véritable doit être entière. Elle concerne l’homme à titre personnel, en sa qualité de microcosme(1), comme en tant que partie intégrante du monde alentour. Il y a donc bien là une double libération, l’une intérieure, qui permet de se défaire de tous les obstacles profonds, inhérents aux caractères innés ou acquis par l’éducation ou par l’habitude, l’autre extérieure, supprimant les obstacles que le monde ambiant dresse devant l’homme.

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Nos Sages, de sainte mémoire, qui savent exprimer une notion importante en une courte sentence, ont effectivement énoncé ce qui vient d’être dit en quelques mots. De la sorte, ils ont montré la voie et donné les moyens de cette libération. Ils disent : “ la liberté par les Tables de la Loi ”(2). Ainsi, ce qui y est gravé libère de l’assujettissement aux nations, de la pauvreté, de la sottise, de la douleur et de l’étroitesse. Les dix Commandements, qui figurent sur les Tables de la Loi, englobant, en allusion, toutes les Mitsvot(3), commencent par l’Injonction : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu(4), Qui t’ai fait sortir du pays de l’Egypte, de la maison de la servitude ”. Le premier Précepte, le plus fondamental, qui est gravé dans la vie juive, prononcé et écrit par D.ieu, s’adressant à chacun et à chacune, est donc bien : “ Je suis ton D.ieu ”, dans ta propre vie, au sein de ton comportement personnel.

Le Nom “ ton D.ieu ” souligne(5), en particulier, que D.ieu est tout puissant, qu’Il possède tous les pouvoirs. Il en résulte une double libération, d’une part celle du pays de l’Egypte, de la peur et des actes indésirables, de “ l’action de l’Egypte ”, des conséquences de l’influence exercée par la vie en Egypte, d’autre part celle de la maison de la servitude, de l’esclavage au Pharaon, à l’Egypte, au monde environnant. C’est pour cela que l’Injonction, adressée à chacun, est elle-même double, concernant à la fois la vie intérieure et la vie extérieure, “ tu n’auras pas d’autres dieux ”, pas d’autre autorité que D.ieu, quelle qu’elle soit et “ souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier ” sans se soumettre au comportement et aux exigences du monde extérieur.

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La Torah elle-même possède(6) ces deux aspects, le plus intérieur, son âme(7), sa dimension profonde et ce qui est lié à l’action concrète, l’étude, la pratique des Mitsvot, son enseignement révélé. Et, c’est l’aspect profond, l’âme, qui vivifie l’aspect extérieur. En ces dernières générations, la partie profonde de la Torah a été largement commentée et diffusée par l’enseignement de la ‘Hassidout, fondée par le Baal Chem Tov dont nous célébrons, cette année, le bicentenaire de la Hilloula.

L’un des enseignements de la ‘Hassidout, maintes fois souligné par le Baal Chem Tov, est le suivant : “ J’ai placé l’Eternel en permanence face à moi ”(8). Chaque Juif doit avoir conscience de se trouver devant D.ieu. De ce fait, il percevra de manière identique(9) tout ce qui se trouve dans le monde et en lui-même. Bien plus, il en sera ainsi “ en permanence ”, non pas uniquement quand il récite la Amida, point culminant de la prière, non pas seulement en quelques moments de la journée, par exemple à son début(10), car ceci ne serait pas, à proprement parler, “ J’ai placé ”, une liberté véritable permettant d’échapper à l’influence, intérieure ou extérieure, qu’exerce le monde. En effet, au cours des autres moments, l’homme pourrait retomber dans la servitude, l’assujettissement à sa propre nature et au monde ambiant. Le “ face à moi ” doit véritablement être “ en permanence ”. Il faut qu’il conditionne chaque action, chaque mouvement de l’homme, sa nourriture, sa boisson, les propos qu’il échange avec les autres. Dès lors, cet homme ne tiendra aucun compte des obstacles intérieurs et extérieurs et il parviendra à la liberté véritable et intégrale, celle, à la fois, du “ pays de l’Egypte ” et de “ la maison de la servitude ”.

Ce “ face à moi ” a également pour effet que le service de D.ieu d’un Juif, comme on l’a dit, pénètre les deux domaines de la vie, celle qui est profonde et celle qui est extérieur. En outre, il permet qu’il en soit ainsi dans la joie et l’enthousiasme, comme l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, l’explique longuement(11). Selon lui, celui qui médite à l’attitude que D.ieu adopte envers chaque Juif, au fait qu’Il lui accorde Sa Torah et Ses Mitsvot, qu’Il désire Se trouver en permanence près de lui, près de chacun, si l’on peut s’exprimer ainsi, tout comme il est dit : “ Je résiderai parmi vous ”, “ au sein de chacun ”(12), verra son cœur s’emplir du plus immense bonheur et il en concevra la plus profonde inspiration.

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Puisse D.ieu faire que chacun et chacune parvienne à la liberté véritable et complète, à la fois morale et physique. Celle-ci nous conduira, très bientôt et de nos jours, à la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h. Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,

Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rabbi note, en bas de page : “ Midrash Tan’houma, Parchat Pekoudeï, au chapitre 3. Voir le Likouteï Torah, Parchat Bamidbar, à la page 5a ”.
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “ Tikouneï Zohar, au Tikoun 56. Voir aussi les Tikounim à la fin du Zohar ‘Hadach, à la page 97b, les commentateurs du traité Avot, chapitre 6, à la Michna 3 et le Midrash Vaykra Rabba, chapitre 18, au paragraphe 3 ”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir les mises en garde de Rabbi Saadya Gaon. On consultera aussi, en particulier, le Yerouchalmi, traité Shekalim, chapitre 6, au paragraphe 1 et le Zohar, tome 2, à la page 90b ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le commentaire du Ramban sur le verset Chemot 20, 2 ”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, au chapitre 5 ”.
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le début du Midrash Béréchit Rabba ”.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Zohar, tome 3, à la page 152a ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Tsavaat Ha Ribach ”.
(9) Chiviti, rendu ici par “ j’ai placé ”, doit être rapproché de Chavé, identique.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Sanhédrin 22a. Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, début des propos du Ramah. Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, seconde édition, chapitre 1, au paragraphe 5. Voir aussi le Torah Or, à la fin de la Parchat Vayétsé ”.
(11) Le Rabbi note en bas de page : “ Tanya, au chapitre 33. Voir le Rambam, à la fin des lois du Loulav ”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “ Chneï Lou’hot Ha Berit, au début de la Parchat Terouma. Voir le discours ‘hassidique intitulé : ‘Je suis venu dans Mon jardin’, de 5708, par mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, paru dans le Kountrass n°55 ”.