Lettre n° 6969

Par la grâce de D.ieu,
14 Mena’hem Av 5719,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 8/9, qui est emplie de questions et d’objections. J’espère qu’il est inutile de vous expliquer que l’on ne parvient jamais à rien en commençant par poser des questions et même en en regroupant plusieurs à la fois. Si l’on veut comprendre une certaine idée, a fortiori une conception du monde, qui embrasse toute l’existence, on doit, au préalable, faire disparaître tout préjugé et, encore plus, écarter la conception selon laquelle : “ je dois trouver un défaut ou un manque et, si possible, plusieurs carences et plusieurs objections ”(1). Certes, nos Sages disent que “ celui qui est timide n’apprend pas ”, mais je constate, en lisant votre lettre, que vous ne faites pas que poser des questions. Vous soulevez, en fait, des objections, comme je le disais ou peut-être même encore plus que cela. Malgré ce que je viens d’écrire, je vous accorde les circonstances atténuantes. Au final, vous avez sans doute une bonne intention, mais nul ne vous a appris à aborder une idée et une conception du monde. Vous n’êtes donc pas responsable de l’approche que vous adoptez dans votre lettre. De ce fait, je répondrai à vos questions, au moins brièvement. La nature de telles questions fait qu’on les comprend mieux en en parlant de vive voix. A n’en pas douter, plusieurs ‘Hassidim ou bien les personnes se trouvant dans la Yechiva dont vous êtes étudiant auraient pu répondre ce qui va suivre aux questions que vous posez. Oralement, on peut développer ces idées, y ajouter d’autres explications sur les aspects qui posent problème à celui qui les reçoit. Dans le cadre épistolaire, en revanche, il n’est pas toujours aisé de déterminer ce qui n’a pas été perçu et ce qui est uniquement accessoire.

A) Est-il possible de démontrer que la Torah fut donnée sur le Sinaï par le Saint béni soit-Il ? Une telle preuve a déjà été énoncée dans plusieurs de mes lettres(2), de même que dans les livres des Grands d’Israël, publiés depuis bien longtemps déjà. En outre, vous pouvez en trouver une illustration dans votre propre vie, dans la plupart de vos comportements. Je veux dire que, lorsque vous accomplissez une action qui requiert un grand effort ou beaucoup d’argent, vous ne vous imposez pas toujours la vérification intégrale de ce qui résultera de cet effort. Concrètement, vous vous en remettez aux autres. Prenez un exemple simple. Lorsque vous achetez un billet pour voyager dans un certain endroit, vous n’allez pas, tout d’abord, examiner le moteur et le train, apprendre comment il fonctionne, afin d’être certain que le voyage auquel votre billet vous donne droit vous conduira effectivement à destination. Il en est ainsi non seulement dans les domaines où la sanction de l’effort est immédiate et peut être observée à l’issue d’un court instant, mais aussi lorsque ces conséquences ne se manifestent qu’au bout de plusieurs années. Observez votre comportement et vous verrez que vous vous en remettez non pas à vous-même, mais aux personnes auxquelles vous faites confiance, que vous ne suspectez pas de vous mentir et qui n’ont pas d’intérêt à vous abuser.

Plus le nombre de ceux qui portent témoignage sur la valeur d’une action est grand, plus sera forte votre décision de vous en remettre à eux. Bien plus, vous le ferez également dans un cas de vie et de mort, par exemple pour une intervention chirurgicale importante, ce qu’à D.ieu ne plaise. On fait alors confiance à un chirurgien, qui possède un diplôme, attestant du fait qu’il a été formé auprès d’un spécialiste, il y a dix ou vingt ans, établissant ainsi qu’il est lui-même un bon médecin. Il est, en outre, souhaitable que des témoins attestent avoir été soignés par lui et avoir constaté l’efficacité du traitement. Or, en s’en remettant à ce témoignage, on permet à un homme de pratiquer une opération particulièrement compliquée, bien qu’il ne soit lui-même qu’une seule personne, que beaucoup d’autres pourraient remplacer. Au cours de cette opération, cet homme peut se tromper ou bien essuyer un échec, même si, jusqu’alors, il a systématiquement réussi de telles interventions. En pareil cas, la base du comportement que l’on adopte est bien la confiance en le témoignage d’autres personnes. Néanmoins, s’il s’agit d’un domaine important, vous ne vous suffisez pas d’un seul témoignage, de deux ou de trois. Vous en recherchez beaucoup d’autres. Et, cette règle de conduite est encore plus largement répandue pour ce qui concerne les événements des époques précédentes. En effet, il est impossible d’en vérifier l’exactitude. Pour autant, aucun homme normal ne remet en cause les propos de trois ou quatre historiens chercheurs, même si ceux-ci se contredisent en certains points. On adopte alors l’avis de la majorité, surtout si celle-ci est large, un contre dix, contre cent ou contre mille. Un tel témoignage est alors considéré comme une vérité absolue.

Après cette introduction, je précise que le don de la Torah sur le mont Sinaï, par le Saint béni soit-Il, n’est pas un fait nouveau, introduit à notre époque. Nous l’avons reçu de nos parents et eux-mêmes de leurs propres parents. Cette tradition et ce récit remontent ainsi le fils des générations et, à chaque époque, l’événement fut transmis avec une grande précision, par des centaines de milliers d’hommes, issus de milieux radicalement différents. Or, tous ces récits ont été convergents et, depuis le don de la Torah, la tradition n’a jamais été modifiée ou altérée. La génération des enfants, qui entra en Erets Israël, avec Yochoua, la reçut de ses parents, qui avaient quitté l’Egypte et qui s’étaient eux-mêmes tenus près du mont Sinaï, qui avaient personnellement entendu : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu ”. Il est bien évident que, si cette information avait été introduite au cours d’une génération intermédiaire(3), il aurait été impossible que des centaines de milliers de personnes s’entendent pour la diffuser. Il est certain que quelqu’un aurait dit à son ami : “ Quelle est cette nouvelle dont on parle dans le pays et dont nous n’avons jamais eu connaissance ? ”. Si vous méditez bien à tout cela, vous pourrez développer cette pensée qui, comme je l’ai dit, est particulièrement forte, par rapport à toutes les idées que vous acceptez sur la base d’un récit de ce qui s’est passé il y a dix ou vingt ans.

B) On ne peut pas soulever, contre ce qui vient d’être dit, l’objection suivante : les chrétiens et les musulmans sont plusieurs millions. En effet, une telle constatation est radicalement différente. La tradition chrétienne est, au final, réduite à une seule personne, l’émissaire Chaoul(4) ou, tout au plus, à dix ou à douze émissaires, qui ont déclaré avoir entendu telle phrase de telle personne. En revanche, ils n’ont pas reçu eux-mêmes cette prophétie. Cela veut bien dire que la tradition se réduit à une seule personne de chair et d’os, pouvant se tromper ou s’égarer, par inadvertance ou bien intentionnellement. Il en est de même pour les musulmans dont la “ foi ” commença lorsque Mohammed revint du désert et rapporta qu’il y avait reçu la “ prophétie ”.

C) Les non Juifs peuvent-ils percevoir tout cela et s’élever vers les stades les plus élevés ? Le Rambam tranche la Hala’ha, dans ses lois des rois, chapitre 8, au paragraphe 11, selon laquelle les Justes parmi les nations auront part au monde futur.

D) Vous ne parvenez pas à vous expliquer que les non Juifs ne disposent pas de toutes les opportunités offertes aux Juifs. On peut pourtant le justifier de différentes façons. La raison essentielle est que nous ne connaissons pas les voies du Créateur, Ses motivations, Sa manière d’intervenir dans certains cas. Il en est de même pour les différents membres du microcosme qu’est l’homme. Il est impossible que le pied comprenne l’intellect du cerveau et le cerveau ne parviendra jamais à l’émotion du cœur. En d’autres termes, chaque membre de ce petit monde reçoit une fonction spécifique. Certains membres sont plus raffinés et d’autres, plus grossiers. Pour autant, chaque membre doit remplir sa mission et non celle d’un autre. S’il assume sa propre mission, ce membre parvient à la perfection et atteint son objectif. Or, il en est de même pour le grand monde, duquel nous faisons nous-mêmes partie. Le minéral y a sa place, au même titre que l’homme. Chaque catégorie y reçoit un but, comme l’explique le Zohar, tome 3, à la page 221b, selon lequel Israël parmi les nations est comme le cœur au sein du corps. La main et le pied n’auront donc jamais un sentiment aussi intense que le cœur. La main doit écrire et se mouvoir. Le pied doit marcher. Or, vous ne demandez pas pourquoi le pied n’écrit pas ou pourquoi le cœur ne comprend pas. De la même façon, votre question n’a pas de sens.

E) Ce qui vient d’être dit répond également à la question suivante, que vous avez posée : Qui est meilleur d’entre les Justes des nations et les impies d’Israël ? La réponse dépend de ce que vous entendez par là. Faites-vous allusion aux forces potentielles ou bien à leur utilisation effective ? On peut reprendre ici l’image du cœur et du cerveau qui ne remplissent pas leur mission, ce que l’on appelle couramment un cœur et un cerveau malades, ce qu’à D.ieu ne plaise et un pied en bonne santé. Lequel est-il supérieur à l’autre ?

F) D’après ce qui est admis et selon la tradition, nous sommes en l’an 5719 depuis la création du monde. Comment accorder cette affirmation avec les datations scientifiques(5) ? Je répondrai brièvement à cette question. Toutes les sciences, y compris celles qui se définissent comme exactes, sont basées sur des prémisses qui sont sans fondement logique, mais que l’on accepte. De façon générale, il en est également ainsi pour la science qui effectue une recherche sur l’histoire et l’évolution de la terre. Parmi ces prémisses, on peut citer les suivantes. Il faut admettre que les lois de la nature n’ont pas du tout évolué, qu’en cette année 5719, elles sont restées identiques à ce qu’elles ont toujours été depuis que le monde existe, sans le moindre changement. Il faut admettre que la pression atmosphérique, la température et la quantité de radium, de même que des centaines et des milliers de paramètres relatifs à la terre sont pratiquement demeurés identiques ce qu’ils étaient à l’époque. Et, il est encore beaucoup d’autres postulats, que l’on ne peut nullement prouver.

Avant tout, si l’on considère que le monde n’a pas pu être créé d’une manière ordonnée et structurée, qu’il n’y eut, tout d’abord, que quelques atomes, il faut admettre que, par la suite, ceux-ci se sont réunis de la manière et au rythme que nous connaissons actuellement, sans le moindre changement, y compris lorsque le monde était “ ruine et désolation ”. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, il faut, en effet, un certain nombre d’années pour que le monde sorte de la destruction, qu’on y trouve des animaux et des humains. A l’opposé, si l’on abandonne une partie de ces postulats, toutes les conclusions scientifiques disparaissent. De fait, peut-on accepter, logiquement, que D.ieu ne soit pas capable de créer un homme, Adam, en l’état, qu’Il devait d’abord susciter des atomes pour que ceux-ci se réunissent par la suite ?

J’ai écrit tout ce qui est exposé ci-dessus afin d’apaiser votre esprit, mais, encore une fois, il n’y a pas lieu de procéder ainsi, de soulever des objections. Il faut étudier la Torah et respecter les Mitsvot. Ainsi, vous connaîtrez la réussite, en tout ce qui vous concerne, en général, en la compréhension de la vision du monde que l’on doit avoir, en particulier. Il serait bon de faire vérifier vos Tefillin et que vous adoptiez les trois études portant sur le ‘Houmach, les Tehilim et le Tanya, qui sont bien connues. Nous avons maintes fois entendu de mon beau-père, le Rabbi, qu’elles concernent chacun et qu’elles sont favorables en différents domaines. Avec ma bénédiction,

Pour le Rabbi Chlita,
Le secrétaire,

Vous trouverez une preuve que la datation scientifique et le nombre d’années auquel elle aboutit ne sont pas précis, dans le fait que les comptes établis par les différentes disciplines, géologie, astronomie, recherche des effets radioactifs, se contredisent. Et, les scientifiques ne parviennent pas à résoudre ces contradictions.

Notes

(1) Ceci est vraisemblablement une citation de la lettre à laquelle le Rabbi répond ici.
(2) Voir, en particulier, la lettre n°6876.
(3) Entre le don de la Torah et l’époque actuelle.
(4) Paul.
(5) Voir, à ce sujet, les lettres n°3868 et 4409.