Lettre n° 6898

Par la grâce de D.ieu,
18 Sivan 5719,
Brooklyn, New York,

A monsieur Its’hak Damyel(1),

Je vous salue et vous bénis,

Pour faire suite à ma lettre(2) répondant à la question posée, je vous adresse, ci-joint, une seconde lettre. Je m’en remets à votre discernement pour établir la manière de la transmettre et, le cas échéant, pour lui apporter des explications complémentaires, si cela s’avère nécessaire. Avec ma bénédiction,

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Par la grâce de D.ieu,
18 Sivan 5719,
Brooklyn, New York,

Je fais suite à ma lettre répondant à la question que vous m’avez posée : “ Y a-t-il un moyen pour que nous, sceptiques, puissions admettre l’existence de D.ieu d’une manière claire, sans l’ombre d’un doute, sans qu’il soit possible de la contester ? ”. Il me semble important d’ajouter les lignes suivantes, pour une raison que j’exposerai. Dans ma réponse précédente, je me suis limité à la formulation de votre question, “ admettre d’une manière claire, sans qu’il soit possible de contester ”, selon laquelle vous souhaitez une réponse logique. Il est bien évident que je ne suis pas satisfait par cette approche, pour deux raisons essentielles :
A) Chez un homme, en général, le sentiment et le développement des présupposés de l’esprit est plus déterminant que les conclusions auxquelles on parvient par l’analyse raisonnée.
B) Chez un Juif, en particulier, l’intellect n’est qu’un vêtement de l’âme, selon la définition de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h. Or, cette âme est une “ parcelle de Divinité suprême véritable ”(3). C’est donc la dimension profonde de cette âme qui est la plus forte. Or, celle-ci ne se révèle pas nécessairement par l’intermédiaire de l’intellect. Concrètement, on peut vérifier qu’une approche émotionnelle s’avère plus efficace qu’une approche intellectuelle.

Malgré cela, je n’ai pas voulu aborder cette notion, dans ma première lettre, à cause de la manière dont la question était formulée, comme je l’ai dit et, avant tout, parce que je ne voulais pas donner l’impression que le contenu de votre courrier, en l’état, était insuffisant ou bien pouvait être écarté sur la base de la logique. C’est pour cela que je vous adresse le présent complément, d’une manière indépendante. Il est inutile de préciser que je considère ceux et celles qui ont posé la question comme des hommes juifs qui, quelles que soient leurs options intellectuelles, croient en la véracité de la justice et de la droiture. Et, cette foi doit être si forte qu’elle les conduit au sacrifice, y compris celui de leur vie privée, pour la défense de cette justice et de cette droiture, pour venir en aide à leur prochain, surtout quand il ne s’agit pas seulement d’un individu mais bien d’une collectivité quantitativement et qualitativement importante.

Si l’on met de côté les chaînes et les limitations inhérentes à la formulation de votre question, je me permets de m’adresser à vous, comme quelqu’un qui parlerait à son ami. Je vois, dans votre lettre et dans votre question, que vous êtes jeunes, en tout cas suffisamment pour posséder encore l’empressement et la vigueur de la jeunesse. Vous êtes également jeune par votre capacité de vous révolter contre l’avis majoritaire, dès lors que vous estimez nécessaire de le faire. Vous êtes, en outre, capables de modifier votre existence, d’une extrême à l’autre. Dans votre conception actuelle du monde, vous n’ignorez sans doute pas ce qu’a vécu notre peuple, ces dernières années, lors de la Shoa et des pogromes. Au cours de la dernière guerre, plusieurs millions d’hommes de notre peuple ont été exterminés. Simultanément, des fonctions nouvelles ont fait leur apparition, que l’on ne connaissait pas jusqu’à maintenant ou bien qui n’avaient, jusqu’alors, qu’une proportion très limitée.

Autre point, l’imprécision des contours et la confusion des esprits non seulement n’ont pas diminué, mais, bien plus, se sont renforcées de manière effroyable, au point de faire passer l’obscurité pour de la lumière et l’amertume pour de la douceur, avec un entêtement extrême, jusqu’à contraindre des milliers, des dizaines de milliers à admettre l’obscurité pour de la lumière et l’amertume pour de la douceur. De nos jours, tel est donc l’appel profond lancé par la dimension intérieure de l’âme de chacun et de chacune. Il faut se tenir au premier rang de ceux qui sont actifs et assument leur mission, non pas en tant qu’obligation personnelle, mais bien pour remplacer les forces les plus actives et les meilleures de notre peuple, qui ont été décimées par les massacres. Il ne suffit pas, comme je l’ai dit, d’écarter résolument le renversement des valeurs. Il faut aussi diffuser les principes immuables de notre peuple, les enfants d’Israël, de la manière la plus ferme, avec l’empressement et la vigueur de la jeunesse, jusqu’à ce que chacun et chacune soit l’étincelle faisant monter la flamme de l’âme de tout son entourage. Ce moment est-il vraiment propice pour des joutes oratoires, basées sur la rationalité ? Entre temps, on perd un jour, une semaine, un mois, une année et cette perte ne se retrouvera jamais. On rate des opportunités que l’on ne rencontrera plus. Et, si l’on attend cela de chacun, combien plus est-ce le cas des jeunes. En effet, on peut observer concrètement que la nouvelle génération, les jeunes sont beaucoup plus sensibles aux paroles d’encouragement enthousiastes de ceux qui ont le même âge qu’eux, qui sont jeunes comme eux. Leur démarche est beaucoup plus efficace que celle d’un homme “ âgé, avancé dans les jours ”. Bien plus, elle est acceptée avec une meilleure volonté.

Comme je l’ai dit, je ne souhaite pas, dans ce cadre, mener une analyse rationnelle afin de déterminer ce que l’on peut qualifier de valeurs immuables de notre peuple les enfants d’Israël, ni définir les fonctions nouvelles qui ont fait leur apparition. Je m’en remets à chacun et chacune d’entre vous pour les identifier, en consultant les ouvrages sur l’histoire d’Israël qui se poursuit, sans interruption, depuis plusieurs milliers d’années. Cette histoire est maculée de sang, de persécutions à nulle autre pareilles, d’épreuves particulièrement dures dont on a jamais vu l’équivalent, même le plus fragmentaire, pour les autres peuples et les autres langues. Si l’on médite à cette histoire d’Israël, vous ne trouverez qu’une seule catégorie de valeurs qui ont été conservées en toutes les générations et qui existent encore à l’heure actuelle, sans la moindre modification. En la matière, les preuves logiques sont inutiles, car il s’agit de faits tangibles, d’actions qui se sont réellement passées, d’événements qui ont eu lieu, portant un témoignage incontestable sur le fait que la langue usuelle, les vêtements, la culture, le mode de vie courant, le régime politique ou économique ne sont pas nos valeurs éternelles et immuables. Tous ces éléments ont subi des modifications radicales, d’une époque à l’autre, d’un pays à l’autre. Ce qui est resté identique, sans évolution, est la Torah de vie, les Mitsvot concrètes, dans l’existence quotidienne. En la matière, “ l’éternité d’Israël ne se démentira pas ”(4).

Puisse D.ieu faire que ces quelques lignes éveillent en vous des forces profondes, se trouvant au profond de l’âme de chaque Juif. Vous les utiliserez concrètement, en proportion toujours accrue. Et, si une récompense est nécessaire, la satisfaction morale sera, à n’en pas douter, la plus importante. Mais, en tout état de cause, il est certain que le Créateur du monde, Qui le dirige, vous rétribuera, en ce qui vous concerne personnellement, à chacun et à chacune en fonction de sa situation et de ce dont il a besoin. Avec mes respects et ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles,

Notes

(1) Voir, à son sujet, la lettre n°6539.
(2) Il s’agit de la lettre n°6876.
(3) Selon le second chapitre du Tanya.
(4) Chmouel 1, 15, 29.