Lettre n° 6816

Par la grâce de D.ieu,
Veille de Pessa’h 5719,
Brooklyn, New York,

A l’attention de monsieur Eliézer Steinman(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je n’ai eu aucune nouvelle de vous depuis très longtemps, bien que j’obtienne de vos nouvelles par les ‘Hassidim de Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. A l’occasion de la fête de Pessa’h, temps de notre liberté, qui approche, pour nous et pour tout Israël, pour le bien, je vous adresse ma bénédiction pour une liberté véritable, liberté physique et morale de tout ce qui fait obstacle à un service de D.ieu joyeux et enthousiaste. Cette liberté et cette joie seront ensuite conservées tout au long de l’année. Je me permets de vous joindre une copie de ma lettre adressée à tous, à l’occasion de Pessa’h(2) mais qui, de fait, est d’actualité tout au long de l’année. J’espère qu’elle vous intéressera. Avec mes respects, ma considération et ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,

Vous me dites, dans votre dernière lettre, que vous ne voyez pas de bénédiction dans la polémique, qu’il convient de s’écarter de toute controverse, y compris quand elle est pour le Nom de D.ieu(3). Vous m’excuserez de ne pas être tout à fait d’accord avec vous, sur ce point. Non que je sois un adepte de la controverse pour le Nom de D.ieu, ce qu’à D.ieu ne plaise, mais, il ne s’agit pas de cela, en l’occurrence. Il était, en effet, proposé d’exclure une conclusion qui n’était pas du tout heureuse. En effet, un lecteur de vos livres, sans arrière-pensée, verra que vous y mentionnez le nom de telle personne. Or, la nature humaine, en particulier à notre époque, veut qu’un lecteur ne fasse pas une recherche profonde et précise dans le but de déterminer quel est l’intérêt d’une certaine citation et quelles réserves il y a lieu de formuler. Nos Sages nous ont enseigné, dans la Michna : “ Soyez prudents, dans vos propos, de peur que vous soyez exilés dans l’endroit des eaux mauvaises, que boiront les disciples qui viendront après vous ”. Tout écrivain, tout auteur, investit une partie de son âme, ou en tout cas doit le faire, dans ses livres et dans ses écrits. Ainsi, l’auteur accompagne son livre, en toutes ses pérégrinations. Si c’est un lieu de “ mauvaises eaux ”, les disciples seront à la mesure de cela. C’est pour cette raison qu’il faut être particulièrement prudent. Et, il en est bien ainsi, en l’occurrence.

Je reviens encore une fois sur tout cela, non pas pour railler, ce qu’à D.ieu ne plaise, c’est bien évident, mais pour exprimer mon avis dans l’optique des prochaines occasions qui se présenteront. De même, vous aurez peut-être la possibilité d’exprimer les réserves auxquelles vous faites allusion dans votre lettre, de la façon et en l’endroit qui conviennent.

Vous poursuivez en affirmant que l’on doit manifester sa gratitude à chaque personne de laquelle on a appris au moins une lettre, au moins une parole. Aucune créature ne doit être dépossédée de la récompense qui lui revient. Mais, l’enseignement de notre Torah, Torah de vie, dit qu’en l’occurrence, il y a une exception à ce principe. Il concerne la foi et ce qui la contredit, c’est-à-dire l’attirance vers une autre religion. Comme sont merveilleux, en l’occurrence, les propos du grand maître, le Rambam, à la fin de son Michné Torah, dans ses lois des rois, à la fin du chapitre 11, à propos de Jésus et de Mohammed. Il affirme : “ Ils vinrent uniquement pour ouvrir la voie au roi Machia’h, pour transformer le monde entier afin que tous ensemble servent D.ieu ”. Cela n’empêche pas que l’on fasse allusion à eux, trois fois par jour, dans la prière Alénou, en les termes que l’on sait. Or, ces paroles du Rambam ont pratiquement été oubliées, peut-être à cause de la censure. D’après la Loi juive, il est un grand principe selon lequel on ne recherche pas de circonstances atténuantes, en pareil cas. Et, celui qui médite à l’histoire d’Israël, à travers tous ses périples, pourra vérifier que c’est précisément cette position extrémiste qui nous a protégés et qui nous a permis d’être “ tous présents en ce jour, devant l’Eternel votre D.ieu ”, selon l’expression du verset(4).

Notes

(1) Voir, à son sujet, la lettre n°6563.
(2) Il s’agit de la lettre n°6805.
(3) Ceci fait référence à la remarque formulée par le Rabbi, dans la lettre n°6563, à propos du livre publié par le destinataire de la présente.
(4) Au début de la Parchat Nitsavim.