Lettre n° 6714

Par la grâce de D.ieu,
8 Adar Richon 5719,
Brooklyn,

A monsieur D. Ben Gouryon,
chef du gouvernement,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre dans laquelle vous me demandez de formuler un avis sur l’inscription(1) des enfants issus de couples mixtes, dans lesquels le père est juif alors que la mère ne l’est pas et ne s’est pas convertie avant la naissance de l’enfant. Selon ce qui est dit dans votre lettre, il s’agit d’arrêter des dispositions conformes à la tradition acceptée par tous les cercles du Judaïsme, ceux qui sont pieux et ceux qui ne le sont pas, avec toutes les nuances, en la matière, dans les conditions spécifiques d’Israël, état souverain, qui accorde la liberté de conscience et de culte, qui réunit toutes les communautés de la diaspora. Mon opinion, en la matière, est très claire, conformément à la Torah et à la Tradition reçue de nombreuses générations. En pareil cas, la déclaration verbale d’une volonté de devenir juif ne peut en aucune façon modifier la réalité.

D’après la Torah et la tradition de nombreuses générations, laquelle est vivante et existe encore jusqu’à ce jour, un Juif ou, en d’autres termes mais avec la même signification, celui qui appartient au peuple des enfants d’Israël, est celui, et uniquement lui, qui est né d’une mère juive ou bien qui a subi une conversion méticuleuse, telle qu’elle est décrite par les livres de Hala’ha de notre peuple, la maison d’Israël, en chaque génération, jusqu’au Choul’han Arou’h. Ceci s’applique non seulement aux enfants que les parents ou quelqu’un d’autre désirent inscrire comme juifs, mais aussi à quiconque vient et proclame qu’il désire modifier sa situation(2) et intégrer le peuple d’Israël. Une telle proclamation est sans valeur, sauf si elle est suivie d’effet, c’est-à-dire d’une conversion conforme à la tradition, comme la définit le Choul’han Arou’h. C’est ce que je disais au préalable. Avec mes respects et ma bénédiction,

Je ne fais pas ici mention de référence car, pour ce qui est de la conversion, la Hala’ha est tranchée clairement et d’une manière détaillée(3), en particulier par le Rambam, le Tour et le Choul’han Arou’h.

Notes:

Ce qui suit n’est que quelques remarques, s’ajoutant à ce qui vient d’être dit, afin de souligner que, même si ce qui sera exposé n’est pas accepté, en partie ou même totalement, mon avis n’en sera nullement modifié pour autant. Ces notes sont donc seulement l’expression de ma réaction, devant les explications et la description de la situation qui figurent dans votre lettre :

1. S’agissant de l’inscription, quel que soit le titre que l’on retiendra(4), l’effet ne s’en limitera pas à Erets Israël. Il est bien évident, comme le constate également votre lettre, que nul ne peut dresser une barrière entre les Juifs de Terre Sainte et ceux du reste du monde. Bien au contraire, les Juifs, partout où ils se trouvent, forment un peuple unique. Il en est ainsi depuis qu’ils se sont constitués en nation, malgré leur dispersion en tous les points du globe. La solution doit donc être acceptable pour tous les Juifs, où qu’ils se trouvent. Tous doivent pouvoir entrer en relation, resserrer leurs liens. A fortiori ceci ne doit-il pas servir, même de loin, à les désunir et à les séparer. Aussi, même si les conditions spécifiques à Erets Israël imposent que l’on traite cette question d’une manière particulière, celles-ci ne circonscrivent pas pour autant le problème aux frontières de ce pays. Il s’agit bien, comme je l’ai dit, d’une question commune à tout le peuple d’Israël, en tout endroit.

2. Dans notre peuple, l’adhésion à la nation d’Israël n’a jamais été un acte formel et extérieur. Depuis toujours et encore à ce jour, elle s’applique à toute l’existence de l’homme juif, à l’ensemble de sa personnalité, dans toute sa profondeur, jusqu’à la quintessence de son âme et de son cœur. De ce point de vue, toute initiative qui allège et réduit l’usage couramment adopté, en la matière, affaiblit également le sentiment d’appartenance au peuple juif. Il est impossible que cela n’ait pas un effet dommageable sur la relation sérieuse et profonde qu’un Juif entretient avec son peuple.

3. Alléger la procédure d’intégration dans le peuple juif, surtout dans la situation particulière que connaît la Terre Sainte, entourée par des pays et des nations qui ne sont pas amis ou même, pour une large part d’entre eux, qui sont bien pire que cela, peut mettre en danger, au moins jusqu’à un certain point, la sécurité d’Erets Israël.

4. Il découle de tous ces points que, même si vous vous écartez d’une solution judicieuse de la question en ayant recours à un compromis, par exemple en remplaçant le mot “ juif ” par un terme purement civil, vous n’aurez encore rien résolu. Le mal sera fait pour les liens que les Juifs, en tout endroit, se doivent de resserrer entre eux, de même que pour leur sécurité et leur protection, comme on l’a dit.

5. Il est bien évident que l’on ne peut soulever une objection à partir de la constatation suivante. Des personnes ayant subi une conversion conforme à la Hala’ha ont causé du tort au peuple d’Israël. A l’opposé, quelqu’un qui ne fait que proclamer son appartenance au peuple d’Israël(5) peut en être un élément très positif, tout comme il n’y a pas de contradiction entre la demande d’effectuer une conversion et l’existence de Justes parmi les nations qui, comme leur nom l’indique, ne sont pas juifs.

6. Dans l’énoncé de la question, il a également été question de discrimination. Or, celle-ci intervient seulement quand il s’agit de donner ou de supprimer des droits ou des sanctions, mais non pour ce qui est d’une inscription(6), laquelle doit nécessairement correspondre à la réalité.

Je conclus avec l’espoir et dans l’attente qu’Erets Israël est et sera, jusque dans le moindre détail, un objet de proximité et d’union entre les Juifs du monde entier, ceux qui sont pieux et ceux qui ne le sont pas, l’ensemble de tous les courants. Pour cela, ce pays se conformera de plus en plus clairement au nom qu’il porte et que lui donnent toutes les nations du monde, la Terre Sainte.

Notes

(1) En tant que Juifs, au titre de la loi du retour.
(2) Se convertir.
(3) Il n’y a donc pas d’ambiguïté, en la matière.
(4) Même si l’on n’emploie pas le mot “ juif ”.
(5) Tout en refusant la conversion.
(6) Du fait qu’on est juif ou qu’on ne l’est pas.