Lettre n° 5449
Par la grâce de D.ieu,
14 Iyar 5717,
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, assume une mission
sacrée, aux multiples accomplissements et aux bons
comportements, le Rav Yehouda Aryé(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre. Il semble que, dans mon dernier courrier, je n’ai pas suffisamment précisé mon propos, justement sur un point fondamental. En effet, le paragraphe sur l’apologie n’en faisait pas l’éloge. Bien au contraire, il en montrait le danger, qui apparaît à l’évidence, de nos jours, ce qui permet d’établir que, déjà au préalable, cette voie n’était pas la bonne, même si, pendant un temps, elle pouvait sembler avoir un apport effectif.
Voici ce qui justifie ma position. L’apologie est basée sur le compromis, lequel va à l’encontre de la vérité(2). Or, au final, il est obligatoire que la vérité soit clairement établie. Dès lors, l’édifice bâti sur le compromis s’écroule, de même que les conclusions émanant de la profonde analyse, basée sur ce compromis, même si celles-ci, par ailleurs, sont exactes, étant basées sur une analyse juste. Mon opinion, en la matière, a toujours été tranchée, mais l’expérience que j’ai acquise depuis mon arrivée aux Etats Unis m’en apporte différentes preuves, en fonction de la réalité et aussi en observant le comportement des jeunes.
Mais, en réalité, toutes ces preuves sont inutiles. En effet, notre Torah, Torah de vie et la vérité ne font qu’une. Dès lors que l’on s’en écarte, même si l’on est animé d’une bonne intention, il en résultera une conséquence négative, car, dès lors, on n’est plus sur la voie de la Torah. Qui est pour nous plus grand que les Penseurs d’Israël des premières générations ? A n’en pas douter, ceux-ci avaient une bonne intention en voulant expliquer certains concepts de notre Torah et de notre foi d’après la philosophie dominante, à leur époque. Pour autant, cette démarche eut, sur leurs élèves et les élèves de leurs élèves, un effet contraire à celui qu’ils souhaitaient. Nombre d’entre eux accordèrent un rôle prépondérant à la philosophie, ayant recours à elle en dernière instance, dans des proportions si larges que les chefs d’Israël, à l’époque, durent interdire de consulter leurs livres, au moins pendant un certain temps.
Quelqu’un comme vous sait sûrement tout cela et il n’y a donc pas lieu de le préciser. Le tort causé apparut encore plus clairement dans les générations suivantes et il constitue une évidence, dans la nôtre. De fait, ceux qui ne sont pas croyants rejettent également cette démarche intellectuelle et ils considèrent que l’on ne peut pas la qualifier de scientifique. Selon la formulation de nos Sages, il y a là un risque de déraciner la Torah pour la remplacer par leurs propos inutiles.
Des commentateurs récents ont également causé une telle amertume. C’est le cas du discours bien connu, intitulé Or Ha ‘Haïm, de l’auteur du Tiféret Israël. Celui-ci était animé d’une bonne intention. Il voulait attirer ceux qui étaient épris de science, afin qu’ils ne s’écartent pas de la religion et de la foi juive. Il rédigea ce discours dans cet esprit et il affirma même s’appuyer sur les Sages de la Kabbala. Toutefois, je dois dire que moi-même et beaucoup de ceux qui me sont équivalents, ne parvenons pas à comprendre où il a trouvé tout cela dans les livres de la Kabbala qui sont publiés.
Vous m’excuserez de dire que ses explications dénaturent plusieurs citations de nos Sages. Or, son commentaire de la Michna s’est largement répandu et c’est ainsi que cet hiver, plusieurs rabbins, y compris parmi ceux qui craignent D.ieu sincèrement, ont annoncé qu’ils acceptaient le contenu de son discours. Cependant, peu après son époque et encore plus de nos jours, la science a rejeté les conclusions sur lesquelles il a basé son discours, afin d’adapter les propos de nos Sages. Bien plus, ces rabbins ont diffusé leur avis et l’ont publié auprès de la jeune génération. Ils prétendent que le discours Or Ha ‘Haïm, de l’auteur du Tiféret Israël, permet de répondre à plusieurs questions sur la théorie de l’évolution et sur celle de Darwin.
Je citerai un exemple encore plus surprenant. Vous savez à quel point on prend des précautions pour commenter le verset : “ Le monde est toujours immobile ”. Car, telle n’est pas la conception de Copernic(3) et l’on a donc considéré qu’il était une Mitsva de déformer ce verset. Or, à notre époque, tous les scientifiques admettent la théorie de la relativité(4) comme une réalité incontournable, sans même rappeler, pour l’heure, la contradiction qu’il peut y avoir dans une telle affirmation.
Cette théorie dit, en effet, que les deux hypothèses, pour déterminer qui est immobile et qui tourne(5), sont équivalentes. Toute objection que l’on soulèvera contre une hypothèse, se posera aussi, d’une manière légèrement modifiée, sur la seconde. Il en est de même pour la géométrie d’Euclide et pour ceux qui la contestent. La science dit actuellement que toutes les théories sont concevables et que, là encore, une objection soulevée contre une hypothèse se retrouvera, légèrement modifiée, opposée à l’autre.
Pour renforcer tout cela, j’ai écrit qu’il fallait expliquer, en particulier aux jeunes, qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur la religion et la foi, car une hypothèse ne peut pas être opposée à une certitude, ce qui écarte toute nécessité de rédiger des textes d’apologie et de justification. Dès lors, il ne reste que le tort pouvant être causé par de tels écrits, celui du compromis, qui refroidit l’homme et “ tiédit ” la vérité. Mais, en l’occurrence, comme on l’a dit, il ne s’agit pas de tiédeur, mais bien du contraire de la vérité.
A la suite de cela, j’ai également exprimé mon avis, selon lequel vous-même, étant originaire du pays dans lequel s’est développée la théorie de l’apologie, devez en montrer l’inexactitude. Il est surprenant de constater, bien que l’on puisse trouver une explication à cela, qu’il est plus difficile d’expliquer le caractère d’hypothèse de la science à quelques Rabbanim âgés, appartenant à l’ancienne génération qu’aux jeunes, ayant une formation scientifique et une foi plus réduite. C’est à ce point que la crainte de la science et de ce qu’elle explique s’est introduite chez un certain nombre de ces Rabbanim.
Enfin, j’ajouterai les lignes suivantes. Je crains que vous éprouviez vous-même des difficultés à contester les fondements de l’édifice bâti, avec beaucoup de peine, par ces Penseurs d’Israël. Vous connaissez le dicton de l’homme docte(6), cité par plusieurs des premiers Sages et également par le Tséma’h Tsédek dans une lettre qu’il adressa aux tenants de la Haskala, à son époque : “ Aime Platon, aime Aristote, mais, avant tout, aime la vérité ”.
Avec ma bénédiction de réussite en votre mission sacrée, pour rapprocher les cœurs des enfants d’Israël de notre Torah, Torah de Vérité et Torah de Vie,
Notes
(1) Le Rav Y. A. Walgmuth, de Zurich. Voir, à son sujet, la lettre n°5378.
(2) Voir, sur tout cela, la lettre n°5378.
(3) Voir le Likouteï Si’hot, tome 18, page 181.
(4) Voir, à ce sujet, la lettre n°4209.
(5) Le soleil autour de la terre ou la terre autour du soleil.
(6) Voir, à ce sujet, la lettre n°2854.
14 Iyar 5717,
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, assume une mission
sacrée, aux multiples accomplissements et aux bons
comportements, le Rav Yehouda Aryé(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre. Il semble que, dans mon dernier courrier, je n’ai pas suffisamment précisé mon propos, justement sur un point fondamental. En effet, le paragraphe sur l’apologie n’en faisait pas l’éloge. Bien au contraire, il en montrait le danger, qui apparaît à l’évidence, de nos jours, ce qui permet d’établir que, déjà au préalable, cette voie n’était pas la bonne, même si, pendant un temps, elle pouvait sembler avoir un apport effectif.
Voici ce qui justifie ma position. L’apologie est basée sur le compromis, lequel va à l’encontre de la vérité(2). Or, au final, il est obligatoire que la vérité soit clairement établie. Dès lors, l’édifice bâti sur le compromis s’écroule, de même que les conclusions émanant de la profonde analyse, basée sur ce compromis, même si celles-ci, par ailleurs, sont exactes, étant basées sur une analyse juste. Mon opinion, en la matière, a toujours été tranchée, mais l’expérience que j’ai acquise depuis mon arrivée aux Etats Unis m’en apporte différentes preuves, en fonction de la réalité et aussi en observant le comportement des jeunes.
Mais, en réalité, toutes ces preuves sont inutiles. En effet, notre Torah, Torah de vie et la vérité ne font qu’une. Dès lors que l’on s’en écarte, même si l’on est animé d’une bonne intention, il en résultera une conséquence négative, car, dès lors, on n’est plus sur la voie de la Torah. Qui est pour nous plus grand que les Penseurs d’Israël des premières générations ? A n’en pas douter, ceux-ci avaient une bonne intention en voulant expliquer certains concepts de notre Torah et de notre foi d’après la philosophie dominante, à leur époque. Pour autant, cette démarche eut, sur leurs élèves et les élèves de leurs élèves, un effet contraire à celui qu’ils souhaitaient. Nombre d’entre eux accordèrent un rôle prépondérant à la philosophie, ayant recours à elle en dernière instance, dans des proportions si larges que les chefs d’Israël, à l’époque, durent interdire de consulter leurs livres, au moins pendant un certain temps.
Quelqu’un comme vous sait sûrement tout cela et il n’y a donc pas lieu de le préciser. Le tort causé apparut encore plus clairement dans les générations suivantes et il constitue une évidence, dans la nôtre. De fait, ceux qui ne sont pas croyants rejettent également cette démarche intellectuelle et ils considèrent que l’on ne peut pas la qualifier de scientifique. Selon la formulation de nos Sages, il y a là un risque de déraciner la Torah pour la remplacer par leurs propos inutiles.
Des commentateurs récents ont également causé une telle amertume. C’est le cas du discours bien connu, intitulé Or Ha ‘Haïm, de l’auteur du Tiféret Israël. Celui-ci était animé d’une bonne intention. Il voulait attirer ceux qui étaient épris de science, afin qu’ils ne s’écartent pas de la religion et de la foi juive. Il rédigea ce discours dans cet esprit et il affirma même s’appuyer sur les Sages de la Kabbala. Toutefois, je dois dire que moi-même et beaucoup de ceux qui me sont équivalents, ne parvenons pas à comprendre où il a trouvé tout cela dans les livres de la Kabbala qui sont publiés.
Vous m’excuserez de dire que ses explications dénaturent plusieurs citations de nos Sages. Or, son commentaire de la Michna s’est largement répandu et c’est ainsi que cet hiver, plusieurs rabbins, y compris parmi ceux qui craignent D.ieu sincèrement, ont annoncé qu’ils acceptaient le contenu de son discours. Cependant, peu après son époque et encore plus de nos jours, la science a rejeté les conclusions sur lesquelles il a basé son discours, afin d’adapter les propos de nos Sages. Bien plus, ces rabbins ont diffusé leur avis et l’ont publié auprès de la jeune génération. Ils prétendent que le discours Or Ha ‘Haïm, de l’auteur du Tiféret Israël, permet de répondre à plusieurs questions sur la théorie de l’évolution et sur celle de Darwin.
Je citerai un exemple encore plus surprenant. Vous savez à quel point on prend des précautions pour commenter le verset : “ Le monde est toujours immobile ”. Car, telle n’est pas la conception de Copernic(3) et l’on a donc considéré qu’il était une Mitsva de déformer ce verset. Or, à notre époque, tous les scientifiques admettent la théorie de la relativité(4) comme une réalité incontournable, sans même rappeler, pour l’heure, la contradiction qu’il peut y avoir dans une telle affirmation.
Cette théorie dit, en effet, que les deux hypothèses, pour déterminer qui est immobile et qui tourne(5), sont équivalentes. Toute objection que l’on soulèvera contre une hypothèse, se posera aussi, d’une manière légèrement modifiée, sur la seconde. Il en est de même pour la géométrie d’Euclide et pour ceux qui la contestent. La science dit actuellement que toutes les théories sont concevables et que, là encore, une objection soulevée contre une hypothèse se retrouvera, légèrement modifiée, opposée à l’autre.
Pour renforcer tout cela, j’ai écrit qu’il fallait expliquer, en particulier aux jeunes, qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur la religion et la foi, car une hypothèse ne peut pas être opposée à une certitude, ce qui écarte toute nécessité de rédiger des textes d’apologie et de justification. Dès lors, il ne reste que le tort pouvant être causé par de tels écrits, celui du compromis, qui refroidit l’homme et “ tiédit ” la vérité. Mais, en l’occurrence, comme on l’a dit, il ne s’agit pas de tiédeur, mais bien du contraire de la vérité.
A la suite de cela, j’ai également exprimé mon avis, selon lequel vous-même, étant originaire du pays dans lequel s’est développée la théorie de l’apologie, devez en montrer l’inexactitude. Il est surprenant de constater, bien que l’on puisse trouver une explication à cela, qu’il est plus difficile d’expliquer le caractère d’hypothèse de la science à quelques Rabbanim âgés, appartenant à l’ancienne génération qu’aux jeunes, ayant une formation scientifique et une foi plus réduite. C’est à ce point que la crainte de la science et de ce qu’elle explique s’est introduite chez un certain nombre de ces Rabbanim.
Enfin, j’ajouterai les lignes suivantes. Je crains que vous éprouviez vous-même des difficultés à contester les fondements de l’édifice bâti, avec beaucoup de peine, par ces Penseurs d’Israël. Vous connaissez le dicton de l’homme docte(6), cité par plusieurs des premiers Sages et également par le Tséma’h Tsédek dans une lettre qu’il adressa aux tenants de la Haskala, à son époque : “ Aime Platon, aime Aristote, mais, avant tout, aime la vérité ”.
Avec ma bénédiction de réussite en votre mission sacrée, pour rapprocher les cœurs des enfants d’Israël de notre Torah, Torah de Vérité et Torah de Vie,
Notes
(1) Le Rav Y. A. Walgmuth, de Zurich. Voir, à son sujet, la lettre n°5378.
(2) Voir, sur tout cela, la lettre n°5378.
(3) Voir le Likouteï Si’hot, tome 18, page 181.
(4) Voir, à ce sujet, la lettre n°4209.
(5) Le soleil autour de la terre ou la terre autour du soleil.
(6) Voir, à ce sujet, la lettre n°2854.